Don contraignant

Le don contraignant est un motif fréquent dans la littérature du Moyen Âge, présent au départ dans la matière de Bretagne, en particulier dans le cycle arthurien (d'où son nom de don arthurien), avant de se généraliser dans les romans de chevalerie, comme source de rebondissements et d'effets dramatiques[1]. Sa particularité, par rapport à d'autres formes de dons, comme le potlatch des Amérindiens, est qu'il s'agit d'une requête qui doit être accordée a priori, une promesse « en blanc » : le donateur est lié à sa promesse sans qu'il connaisse la nature du don qu'il a accordé et, une fois la requête acceptée, ne pas s'acquitter de sa promesse serait une lâcheté, un acte contraire à l'honneur, aussi « le roi, le chevalier ou la dame qui se sont endettés d'un don doivent acquitter leur promesse, même si elle contredit leurs principes moraux ou leurs sentiments profonds » [2].

Philippe Ménard préfère l'expression « don en blanc qui lie le donateur »[3].

Historique

Le thème du don contraignant paraît très ancien dans son aspect le plus dramatique. Il est peut-être d'origine perse[4]. Hérodote raconte, dans le livre IX de ses Histoires comment le roi Xerxès, pendant le banquet qui se tient une fois l’an, au jour anniversaire de sa naissance, fut obligé de faire exécuter sa maîtresse Artaynté, à la demande de son épouse Amestris, courroucée à cause d’un présent qu’il avait fait à cette maîtresse, car l’usage perse impose au monarque de satisfaire à toutes les demandes qui lui sont faites lors de ce banquet. Dans le Livre d'Esther, l’héroïne, à qui le roi Assuérus fait, au cours d'un banquet, la promesse de lui donner tout ce qu'elle lui demandera, jusqu’à la moitié de son royaume, obtient la mise à mort de Haman, le grand vizir félon. Les évangiles selon Marc (6, 21-28) et selon Matthieu (14, 6-10)[5] reprennent ce thème pour expliquer les conditions de l'exécution de Jean-Baptiste. Lors de la fête donnée pour son anniversaire, Hérode fait la même promesse à Salomé, la fille d'Hérodiade qui dansa pour lui[6] et ses convives : « Demande-moi ce que tu voudras… Ce que tu me demanderas, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume »[4]. La fille d'Hérodiade demanda pour sa mère la tête de Jean-Baptiste présentée sur un plateau, et Hérode fut contraint d'honorer sa promesse.

Le don contraignant est le point de départ de nombreux romans arthuriens, en particulier Le Chevalier à la charrette où la succession de dons contraignants funestes inscrit les événements dans une dimension tragique et aboutit à la fin du royaume de Logres[5].

Notes et références

  1. Jehan Bodel, La Chanson des Saines (lire en ligne), note p. 838
  2. Jean Frappier 1973, p. 226
  3. Philippe Ménard 1981, p. 37
  4. Dominique Casajus, « Saint Jean et Salomé. Anthropologie du banquet d’Hérode par Claudine Gauthier », Tours, Éditions Lume, , Archives de sciences sociales des religions n° 148.
  5. Nadège Le Lan, La demoiselle d'Escalot (lire en ligne), p. 58-59
  6. Le plus célèbre des développements apportés à ce récit biblique est le thème de la danse des sept voiles.

Bibliographie

  • Jean Frappier, Le motif du don contraignant dans la littérature du Moyen Âge, Travaux de Linguistique et de Littérature, VII, 2, Strasbourg, 1969, p. 7-46
  • Jean Frappier, Amours courtois et Table ronde, Genève, Droz, (p. 225-264)
  • Philippe Ménard, An Arthurian Tapestry : Essay in Honor of Lewiw Thorpe, Glasgow, , « Le don en blanc qui lie le donateur, réflexion sur un motif de conte », p. 37-53
  • C. Cooper-Deniau, Le motif du don contraignant dans les romans arthuriens des XIIe et XIIIe siècle, thèse de l'université Paris IV, 2000

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