Donald Crowhurst

Donald Crowhurst (né à Ghaziabad en Inde britannique en 1932 et mort en 1969) est un homme d'affaires anglais, passionné de voile, qui fut porté disparu durant la course autour du monde Sunday Times Golden Globe Race.

Donald Crowhurst
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Crowhurst participa à la course afin de gagner le prix offert par le Sunday Times, journal organisateur de la course, pour sauver son entreprise en difficulté. Il rencontra rapidement des difficultés et abandonna secrètement la course, tout en transmettant de fausses positions pour faire croire qu'il effectuait réellement le tour du monde prévu. On découvrit après sa disparition qu'il avait manifestement sombré dans la folie et fini par se suicider.

Biographie

La mère de Donald Crowhurst est professeur d'école et son père travaille dans une compagnie indienne de chemins de fer. Après l'indépendance de l'Inde, sa famille s'installe en Grande-Bretagne mais connaît des difficultés financières.

Son père meurt en 1948. Donald Crowhurst doit quitter l'école et devient apprenti au Royal Aircraft Establishment à Farnborough Airfield. Il devient pilote à la Royal Air Force et doit ensuite quitter la RAF pour des raisons restées obscures (raison officielle : insolence) et s'engage dans l'Armée britannique. À la suite d'un problème disciplinaire, il doit quitter l'armée et s'installe à Bridgwater où il crée une entreprise nommée Electron Utilisation Ltd. Il est également membre du Parti libéral et est élu en 1967 au conseil municipal de Bridgwater.

Crowhurst, navigateur amateur, conçoit et réalise un radiocompas qu'il nomme Navicator. En dépit d'un certain succès du Navicator, son entreprise est en proie aux difficultés financières. Afin de se faire un peu de publicité, il recherche des sponsors pour participer à la Sunday Times Golden Globe Race, qui offre un trophée au premier circumnavigateur un prix de 5 000 livres sterling au plus rapide. Son sponsor principal est l'homme d'affaires Stanley Best, qui a déjà beaucoup investi dans l'entreprise déclinante de Crowhurst. Une fois inscrit à la course, Crowhurst hypothèque son entreprise et sa maison en échange du soutien financier de Best, se plaçant dans une dangereuse situation financière.

Golden Globe Race

Préparation

Hypothéquant sa maison et son entreprise, Crowhurst fait construire un bateau nommé Teignmouth Electron, un trimaran de 12 m conçu par le Californien Arthur Piver. À cette époque, les trimarans sont rarement utilisés en course car ils ont des difficultés à naviguer au près et ils peuvent devenir très lents s'ils sont trop chargés. Enfin, en cas de chavirage, il est presque impossible de redresser le voilier.

Pour empêcher son trimaran de chavirer, il installe au sommet du mat une bouée gonflable, dont le déclenchement serait activé par des capteurs sensibles à l'eau situés sur la coque du voilier. Son innovation permettrait au trimaran de rester à l'horizontale pendant qu'un système de pompes et de ballasts, conjugué à l'action des vagues, le redresserait. Son but est de faire le tour du monde avec cet équipement, afin de le développer et le commercialiser à son retour.

Cependant, il manque de temps dans la préparation de son voilier. Ses systèmes de sécurité ne sont pas achevés et il compte finir de les installer en course. Une course préliminaire en Angleterre est requise pour la qualification des 10 concurrents de la Sunday Times Golden Globe Race sur un parcours devant être réalisé en 2 jours, Crowhurst l'effectue en 10 jours mais le jury le qualifie quand même. Dans la confusion du départ, la plus grosse partie de son ravitaillement n'est pas embarquée. Enfin, Crowhurst n'a jamais navigué sur un trimaran avant la livraison de Teignmouth Electron, quelques semaines avant le départ de la course.

Départ et tricherie

Crowhurst part de Teignmouth (Devon) le 31 octobre 1968, dernier jour prévu par le règlement de la course. N'arrivant pas à lever la grande voile, il doit être remorqué. La BBC lui a offert une caméra 16 mm Bell & Howell (en) et un magnétophone pour qu'il puisse raconter son voyage[1].

Il rencontre immédiatement des problèmes avec son bateau et son équipement (notamment une fuite d'eau dans un des flotteurs), et ne progresse qu'à la moitié de la vitesse prévue. Selon son livre de bord, il ne se donne lui-même que 50 % de chances de survivre au voyage, s'il parvient à mettre au point son équipement de sécurité avant d'entrer dans le dangereux Pacifique Sud. Il doit donc choisir entre abandonner la course et faire face à une situation économique dramatique, ou continuer un voyage vers une mort probable avec un bateau mal préparé. En novembre et décembre 1968, son désespoir le conduit à tromper tout le monde sur sa course. Il élabore son plan : il prévoit d'errer dans l'Atlantique Sud durant plusieurs mois, tout en falsifiant son livre de bord et en envoyant par radio de fausses positions, puis de reprendre la course au moment du retour en Angleterre. S'il finit dans les derniers, ses livres de bord ne feront probablement pas l'objet d'examens aussi approfondis que pour le vainqueur.

Position des concurrents le 19 janvier.

Depuis son départ, Crowhurst est resté volontairement flou lors des transmissions radio de sa position. À partir du 6 décembre, ses rapports de position deviennent plus vagues, puis complètement faux, et c'est alors probablement qu'il entame la rédaction d'un faux journal de bord. Au lieu de poursuivre sa route dans l'océan Antarctique, il reste dans l'Atlantique, allant même jusqu'à s'arrêter entre les 6 et 8 mars 1969 près du Río Salado en Argentine pour réparer son flotteur tribord endommagé. Contraire au règlement de la course, cette étape aurait entraîné sa disqualification si les organisateurs en avaient eu connaissance. Crowhurst effectue la majeure partie de son voyage dans le silence radio. Le 15 janvier, il annonce avoir doublé l'île Gough et rencontré des problèmes de générateur, afin de justifier le silence radio qui s'ensuit.

En mars, Bernard Moitessier, l'un des concurrents les plus rapides, prend la décision d'arrêter la course et d'entamer un second tour du monde. Robin Knox-Johnston arrive à Teignmouth en vainqueur le 22 avril ; Nigel Tetley et Donald Crowhurst – qui a rompu le silence radio le 9 avril en annonçant une fausse position – semblent au coude à coude pour être les plus rapides à boucler leur tour du monde. Seul Francis Chichester, premier navigateur à effectuer un tour du monde d'ouest en est en solitaire et organisateur de la course, exprime publiquement ses doutes sur la progression de Donald Crowhurst. Le 4 mai, ce dernier « reprend » la course et recommence à donner sa position réelle. Tetley, se croyant réellement menacé, pousse son trimaran Piver de 12 m, comme celui de Crowhurst, à son maximum. La structure du voilier n'y résiste pas et se disloque le 21 mai. Toute l'attention du public se porte alors sur Crowhurst, qui compte deux mois d'avance sur le temps de passage de Knox-Johnston. Mais s'il accomplit le tour du monde le plus rapide, son journal de bord sera examiné par des marins expérimentés, dont Chichester, et la supercherie sera alors découverte.

Le 29 juin, Crowhurst envoie sa dernière transmission radio. La dernière entrée du journal de bord est datée du 1er juillet. Le Teignmouth Electron est repéré par le paquebot Picardy[2] le à la dérive, avec une seule voile d'artimon qui bat au gré du vent. Les marins qui montent à bord le trouvent vide.

Folie et mort

Les journaux de bord de Crowhurst dénotent un état psychologique complexe et perturbé. Sa volonté de faire croire à son voyage semble plus autodestructrice que réfléchie, puisqu'il enregistre des distances parcourues irréalistes qui n'auraient pas manqué d'éveiller le soupçon. À l'inverse, il consacre de longues heures à remplir son journal de bord de fausses indications et fausses observations célestes, souvent plus difficiles à établir que les vraies en raison du temps de recherches nécessaires.

Les dernières semaines décrites dans les journaux de bord de Crowhurst, une fois celui-ci confronté à la forte probabilité de remporter le prix, traduisent une perte de raison croissante. À la fin du voyage, les inscriptions des journaux – vraies et fausses entrées, poèmes, citations, pensées diverses – représentent plus de 25 000 mots. Les journaux retrouvés contiennent une tentative de réflexion sur la condition humaine qui pourrait lui avoir fourni une échappatoire à sa situation. Le nombre 243 est mentionné à plusieurs reprises : il prévoit de terminer son tour du monde en 243 jours, il a enregistré une distance parcourue en 24 heures de 243 milles marins, ce qui aurait été le record de la course, et a probablement mis fin à ses jours le 243e jour de son voyage, le 1er juillet.

Le 1er juillet, il inscrit ses derniers mots dans le journal de bord : « C'est fini, c'est fini. C'est la fin de mon jeu. La vérité a éclaté. » On suppose qu'il s'est ensuite jeté par-dessus bord[3]. Le 10 juillet, le paquebot Picardy[2] aperçoit le trimaran sous-toilé. L'état du voilier ne fournit aucune indication pouvant laisser penser qu'un accident ait précipité Crowhurst à la mer[4]. Trois journaux de bord – sur les quatre embarqués – sont retrouvés, ainsi qu'une importante quantité de papiers, révélant la supercherie, mais sa famille défend toujours la thèse de l'accident[5].

Robin Knox-Johnston ayant gagné les deux prix remet par la suite ses gains à la veuve de Donald Crowhurst.

Dans la culture

Cinéma

Théâtre

  • 2022 : Les solitudes de Donald Crowhurst. Mise en scène de Cécile Roqué Alsina avec collectif Corpuscule. Création le 21 avril au Théâtre du Présent à Mont-Saint-Aignan (76130).

Littérature

  • Le premier roman de la navigatrice Isabelle Autissier, Seule la mer s'en souviendra (2009), s'inspire directement de l'affaire Crowhurst.
  • Le roman de Jonathan Coe La Vie très privée de Mr Sim (2011) évoque longuement l'affaire Crowhurst.
  • Tacita Dean, Disappearance at a sea I 1996
  • Tacita Dean, Teignmouth Electron 1999

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Nicholas Tomalin et Ron Hall, The Strange Voyage of Donald Crowhurst, Adlard Coles Nautical, Londres, 1995 (1re éd. 1970), 317 p. (ISBN 0713643021)
  • A Voyage for Madmen de Peter Nichols [7]: Ce récit complète le livre de Tomalin et Hall, il relate les péripéties de tous les concurrents de la Golden Globe race mais l'histoire de Crowhurst y tient une grande place, par la force des choses et contient aussi le destin ultérieur des concurrents et de leurs bateaux, notamment de Teignmouth Electron, reconverti à la croisière-plongée dans les Caraïbes, puis jeté à la côte sur l'île de Cayman Brac par un cyclone et dont quelques restes ont été récupérés par une artiste plasticienne, Tacita Dean, pour une installation d'art contemporain[8]. Il en existe une traduction française par le circumnavigateur français Gérard Janichon, dans une édition à faible tirage.
  • (en) The Seduction of Madness (1990), by Podvoll, Edward M., M.D.
  • (en) Jonathan Rabin, 'The long, strange legacy of Donald Crowhurst', Cruising World, January 2001
  • (en) Edward Renehan, Desperate Voyage: Donald Crowhurst, The London Sunday Times Golden Globe Race, and the Tragedy of Teignmouth Electron, New Street Communications, LLC, 2016, 120 p. (ISBN 0692757619)

Documentaire

  • L'Homme qui voulait défier les océans (Deep Water[9]), documentaire réalisé par Louise Osmond (en) et Jerry Rothwell (en) et sorti en 2006. Il retrace l'histoire de la traversée de Donald Crowhurst.

Liens externes

Notes et références

  1. (en) Nicholas Tomalin et Ron Hall, The Strange Last Voyage of Donald Crowhurst, Hachette UK, , p. 19.
  2. (en) John Harris, Without Trace, Atheneum, , p. 214.
  3. (en) David Jones, « Donald Crowhurst and his sea of lies », Daily Mail, (lire en ligne)
  4. Christophe Agnus et Pierre-Yves Lautrou, Le roman du Vendée-Globe, Grasset, , p. 117
  5. David Jones, « Donald Crowhurst and his sea of lies », Daily Mail, (consulté le )
  6. Fiche production
  7. (en) peter Nichols, A voyage for madmen, Londres, Harper Collins (ISBN 978-0-06-095703-2)
  8. (en) Peter Nichols, « A Voyage for Madmen - Peter Nichols - Paperback », sur HarperCollins US (consulté le )
  9. Fiche IMDb
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