Dorsale de Lomonossov
La dorsale de Lomonossov (russe : Хребет Ломоносова; tr.:Khrebet Lomonosova) est une dorsale océanique de l'océan Arctique. Elle s'étend sur 1 800 km depuis les îles de Nouvelle-Sibérie (mer des Laptev) jusqu'au large du Groenland[1],[2],[3] et de l'île Ellesmere[4], reliant ainsi la marge continentale sibérienne et la canadienne.
Géographie
La dorsale de Lomonossov est découverte par l'expédition soviétique de haute latitude en 1948 et nommée en l'honneur de Mikhaïl Lomonossov.
La largeur de la dorsale de Lomonossov varie entre 60 et 200 km. Elle s'élève entre 3 300 et 3 700 m au-dessus du fond océanique. La profondeur minimum de l'océan au-dessus de la dorsale est de 934 m. Les talus de la dorsale sont relativement abrupts, séparés par un canyon, et couverts par des couches de limon.
Statut géologique
La dorsale de Lomonossov se distingue de la dorsale océanique active dans l'océan Arctique, qui est la dorsale de Gakkel prolongeant la dorsale médio-atlantique. Elle se situe entièrement sur la plaque nord-américaine, laquelle comprend le Groenland mais aussi la Sibérie orientale.
L'histoire géologique du bassin arctique et la formation de ses éléments géographiques sont mal connues et sujettes à débats ; les hypothèses avancées étant peu facilement vérifiables compte tenu des difficultés d'accéder à ces zones.
La nature géologique de cette dorsale est en voie d'exploration. Il ne s'agit en tout cas pas d'une dorsale océanique active, et serait plus probablement un arc insulaire fossile submergé, c'est-à-dire le reste d'une ancienne fosse de subduction. Ce serait donc une « chaîne de montagne » plutôt qu'une « chaîne médio-océanique ».
Statut juridique
Pour la convention des Nations unies sur le droit de la mer, la marge continentale reflète pour l'essentiel la croûte terrestre submergée, à l'exclusion de la croûte océanique :
- « La marge continentale est le prolongement immergé de la masse terrestre de l’État côtier, elle est constituée par les fonds marins correspondant au plateau, au talus et au glacis ainsi que leur sous-sol. Elle ne comprend ni les grands fonds des océans, avec leurs dorsales océaniques, ni leur sous-sol. » (art. 76-3)
La limite de cette marge est définie conventionnellement « en reliant par des droites d'une longueur n'excédant pas 60 milles marins des points fixes » (art. 76-7). Si un État peut prouver qu'une formation sous-marine appartient à son plateau continental, il doit localiser le pied du talus continental, qui coïncide avec la rupture de pente la plus marquée à la base du talus continental (art. 76-4-b), et forme la limite physique entre le prolongement naturel de la croûte continentale et la plaine abyssale du bassin océanique. Cette limite naturelle étant trouvée, les points fixes peuvent être choisis :
- soit à une distance d'au plus 60 milles marins par rapport au pied de la pente (art. 76-4-a-ii) ;
- soit de manière que « l'épaisseur des roches sédimentaires est égale au centième au moins de la distance entre le point considéré et le pied du talus continental » (art. 76-4-a-i), ce qui permet de rattacher une croûte continentale insulaire submergée et séparée de la croûte principal par un saut n'excédant pas 60 milles marins (111,11 km), à condition d'y trouver une épaisseur sédimentaire suffisante (1,11 km dans l'hypothèse précédente).
De plus, ces points doivent se situer soit à moins de 350 milles de la ligne de base des eaux territoriales, soit à moins de 100 mille de l'isobathe 2 500 m (art. 76-5).
La dorsale de Lomonossov est recouverte de sédiments, ce qui la rend susceptible d'être juridiquement considérée comme une « marge continentale » dépendant des masses continentales proches.
Enjeux géopolitiques
Dans les années 2000, la dorsale de Lomonossov est au cœur des disputes relatives aux revendications territoriales en Arctique[5]. La structure géologique de la ride médio-océanique attire l'attention internationale à la suite de la requête officielle de la Fédération de Russie auprès de la commission des Nations unies, à propos de la limite du plateau continental en accord avec la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (article 76, paragraphe 8). Le document propose d'établir une nouvelle limite périphérique pour le plateau continental russe, en dehors de la zone des 200 milles nautiques (environ 360 km), mais à travers le secteur arctique russe[6]. Le territoire réclamé par la Russie dans la requête est une vaste portion de l'Arctique, comprenant le pôle Nord. Un des arguments dans cette requête est l'affirmation selon laquelle les dorsales médio-océaniques de Lomonossov et de Mendeleïev seraient des extensions du continent eurasiatique. En 2002, la commission n'exprima ni son rejet ni son accord à la proposition russe, recommandant des recherches complémentaires[6].
Les scientifiques danois espèrent prouver que la dorsale est une extension du Groenland ce qui ferait du Danemark un nouveau prétendant territorial dans cette zone[7]. Le Canada affirme quant à lui que la dorsale est une extension de son plateau continental. En avril 2007, des scientifiques canadiens et russes ont été envoyés pour cartographier la ride médio-océanique pour déterminer la souveraineté dans la région[4]. À la fin juin 2007, des scientifiques russes ont affirmé que la dorsale est une extension du territoire russe[8].
Fin juillet 2007, une expédition russe envoie le brise-glace nucléaire Rossia, le navire de recherche Akademik Fédorov et deux mini-sous-marins, Mir 1 et Mir 2, pour explorer la région. Les scientifiques russes plongent à plus de 4 200 m sous la surface et déposèrent le 2 août une capsule de titane contenant le drapeau russe en symbole de leur revendication sur la région[9]. Cette démonstration de force russe avait alors agacé le gouvernement canadien de Stephen Harper, le Canada ne pouvant prétendre à de telles démonstrations en l'absence de port en eau profonde sur sa façade arctique[10]. Le vendredi 8 août 2008, le ministre canadien des Ressources naturelles Gary Lunn indique que des données scientifiques recueillies conjointement avec le Danemark, «démontrent que la dorsale de Lomonossov se rattache aux plaques continentales d'Amérique du Nord et du Groenland»[1]. Pour mieux se prémunir des prétentions russes, le Canada lance en 2013 une nouvelle campagne de cartographie et commande des études scientifiques supplémentaires, visant à déterminer de quel plateau continental dépend la dorsale de Lomonossov. Il espère ainsi rattacher à sa souveraineté le Pôle Nord[10].
Notes et références
- La Presse.ca Site Internet: http://www.lapresse.ca/actualites/200809/08/01-663835-arctique-le-canada-presente-ses-preuves.php
- Atlas de la Mer Préface du Commandant Jacques-Yves Cousteau Editions Robert Laffont Chapitre "Arctique: Bathymétrie et Hydrologie" Pages 128 et 129
- Ceriscope Site Internet: http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part2/les-enjeux-politiques-autour-des-frontieres-maritimes?page=2
- CBC News. Broken ship halts Russian expedition to claim Arctic seabed. 25 juillet 2007.
- Mark Fischetti, « Diviser pour mieux régner », Pour la science, no 508, , p. 52-61
- Outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines: Submissions to the Commission: Submission by the Russian Federation CLCS. Nations unies
- Denmark hopes to claim North Pole BBC News, 5 octobre 2004.
- Kremlin lays claim to huge chunk of oil-rich North Pole The Guardian, 28 juin 2007.
- BBC News: Russia plants flag under N Pole
- Clément Sabourin, « Le Canada va cartographier le Pôle Nord et y défier la Russie », Le Huffington Post, (lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
- Portail du monde maritime
- Portail de l’Arctique
- Portail de la géologie