Douglas Bader

Douglas Bader, de son nom complet Douglas Robert Steuart Bader, est un aviateur britannique, né le à St John's Wood et mort le . Alors qu'il avait été amputé des deux jambes à la suite d'un accident survenu avant la guerre, il reprend du service dans la RAF au moment où commence la Seconde Guerre mondiale. Il est resté célèbre comme un « as » de la RAF, ayant remporté une trentaine de victoires dont 22 confirmées en seulement 15 mois d'opérations, dans des combats aériens au-dessus de la Manche lors de la Seconde Guerre mondiale nonobstant son handicap.

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Douglas Bader

Douglas Bader vers 1940.

Surnom « L'as cul-de-jatte »
Naissance
St John's Wood, Royaume-Uni
Décès
Chiswick, Londres, Angleterre
Origine Britannique
Allégeance Royaume-Uni
Arme  Royal Air Force
Grade Group captain
Années de service 19281946
Conflits Seconde Guerre mondiale
Faits d'armes Bataille d'Angleterre

Jeunesse

Il est laissé en Angleterre par ses parents jusqu'à l'âge de deux ans, à la suite de la mutation de son père, ingénieur civil en Inde, ceux-ci craignant que le climat ne soit trop rude pour un bébé. Finalement tous les trois se rejoignent en Angleterre en 1913.

Peu de temps après, la Première Guerre mondiale éclate et son père, Frederick, est envoyé en France combattre avec l'armée britannique. Il meurt des suites d'une blessure de shrapnel et est enterré près de Saint-Omer. Par la suite sa mère, Jessie, se remarie avec un clergyman, William Hobbs.

Lors de ses études, Douglas montre un esprit d'indépendance et de non-conformisme. Athlète accompli, il brille dans les sports d'équipe et devient capitaine de l'équipe de rugby, laissant apparaître ses qualités de meneur d'hommes.

En 1923, il habite avec sa tante Hazel et surtout son mari, le Flight Lieutenant Cyril Burge, pilote à l'école de l'air de la RAF de Cranwell. Douglas s'intéresse alors à l'aviation.

Débuts à la RAF

En 1927, il décide de faire carrière dans la RAF et intègre l'école de l'air de Cranwell en septembre 1928. Il se révèle un élève moyen, mais avec des dispositions pour le vol ; au milieu de sa formation de pilote de deux ans, il est 18e sur une promotion de 21 élèves pilotes. Le commandant de l'école, l'Air vice-marshal Halahan, le prévient : « Vous êtes jeune, je peux comprendre vos problèmes, mais la RAF non, elle veut des hommes ici, pas des écoliers. » Bader est profondément marqué par la tirade du commandant, et s'investit totalement à partir de ce moment-là, et devient presque major de la promotion.

Après avoir été diplômé en 1930, Douglas Bader est affecté au 23e Squadron sur l'aérodrome de Kenley, qui est alors équipé de biplans Gloster Gamecock. Peu après, ils sont rééquipés de Bristol Bulldog plus rapides, mais moins maniables à basses vitesse et altitude.

Musée de l'air de Berkshire, établi sur l'aérodrome où Douglas Bader s'écrasa en 1931.

Le lundi , Douglas Bader fait un vol entre les aérodromes de Kenley et de Woodley avec deux autres pilotes. Lors de l'escale à Woodley, Douglas, déjà connu comme un très bon pilote de voltige, discute acrobaties aériennes avec de jeunes pilotes. Ceux-ci lui demandent une démonstration de vol à basse altitude. Douglas leur répond qu'il n'a qu'une faible expérience du vol acrobatique sur Bulldog. Néanmoins juste après avoir décollé, il déclenche un tonneau et traverse tout le terrain en vol sur le dos, mais il est trop bas et surtout trop lent. Lorsqu'il veut se rétablir, son aile gauche accroche le sol et il s'écrase, son avion se transformant en amas de tôle. Les deux jambes de Douglas Bader sont écrasées, la gauche sous son siège et le pied droit sous le palonnier.

Le jeune Douglas est rapidement sorti des tôles et transporté au Royal Berkshire Hospital où il est remis entre les mains du docteur Leonard Joyce, sans doute le meilleur chirurgien de l'époque en Angleterre. Immédiatement, celui-ci ampute la jambe droite au-dessus du genou et, quelques jours plus tard, il doit aussi amputer la jambe gauche 15 centimètres en dessous du genou. À la suite de cela, l'état de Douglas empire.

Contre toute attente, il survit. En 1932, après une longue et douloureuse convalescence pendant laquelle il devient dépendant de la morphine, il est transféré à l'hôpital de la RAF à Uxbridge. Là, il se lie avec les frères Dessoutter. Marcel Dessoutter, ancien ingénieur aéronautique ayant également perdu une jambe dans un accident d'avion, a créé une société fabriquant des prothèses de jambes en aluminium, une innovation pour l'époque. Douglas Bader est le premier client nécessitant une prothèse pour chaque jambe. Malgré tous les désagréments physiques et sans jamais ménager ses efforts, Douglas Bader s’attelle à la lourde tâche de se reconstruire physiquement et mentalement.

Son but est de remarcher sans cannes, et bien que tout le monde dise cela impossible, il l'atteint. Très vite, il reconduit une voiture, modifiée pour s'adapter à ses prothèses. Il se met au golf, et invite des jeunes filles à danser. Lors d'un week-end avec le sous-secrétaire de l'Air, Sir Phillip Sassoon (en), en juin 1932, sa fièvre de voler atteint un tel sommet que son hôte, qui habite près de l'aérodrome de Lympne, s'arrange pour qu'il puisse faire un vol dans un Avro 504 d'entrainement, durant lequel il pilote parfaitement. Une visite médicale le déclare apte pour des activités restreintes de vol. Mais peu après, en avril 1933, il est informé qu'il est définitivement retiré du service actif. Quelques semaines plus tard, il quitte la RAF avec une pension d'invalidité totale.

Pendant les six années qui suivent, Douglas Bader travaille dans un bureau pour l'Asiatic Petroleum Company (en), future Shell. En 1935, il se marie avec Thelma Edwards.

Malgré sa nouvelle vie, il rêve toujours de voler. Au début de la Seconde Guerre mondiale, il utilise un contact au ministère de l'Air et, avec l'appui de son ancien commandant de Cranwell, il obtient sa réintégration dans la RAF, sous réserve des résultats d’un test de vol à l'école centrale de vol à Upavon.

Seconde Guerre mondiale

Douglas Bader en 1940.

Le , huit ans après son accident, Bader est à nouveau en solo aux commandes de l'avion Avro Tudor K-324. Très vite, Bader se retrouve à bord d'un Fairey Battle, bombardier de jour monomoteur, puis d'un Miles Master, dernière étape pour un pilote de la RAF avant les Spitfire et Hurricane. En , Bader rejoint le 19e Squadron à Duxford, étant, à 29 ans, considérablement plus âgé que tous les pilotes l'entourant. Deux mois plus tard, il est nommé commandant de l'escadrille 222, une autre escadrille de Duxford, qui était en train de remplacer ses Blenheim par des Spitfire.

Juste avant sa prise de commandement, il tente de faire décoller son Spitfire avec l'hélice réglée sur grand pas et, fatalement, s'écrase au décollage. En effet, les avions ont bénéficié dans les années 30 de l'invention des hélices à pas variable. Elles sont l'équivalent d'une boîte de vitesse, mais sur un avion. Ainsi, une hélice réglée sur un "petit" pas, bénéfice d'une meilleure traction au décollage et en montant avec de meilleures performances à vitesse faible, alors que si elle est réglée sur un "grand pas", elle donne de meilleures performances à vitesse de croisière ou supérieure. Bader tente donc de décoller avec un avion de chasse dont l'hélice est réglée comme s'il était au volant d'une voiture et essayait de démarrer en 5ème vitesse.

S'il n'avait pas déjà été amputé, il aurait perdu ses jambes dans l'accident. Là, il suffit juste de redresser les prothèses tordues. Choqué par la bêtise de la faute de débutant qu'il a commise, il la reconnaît pleinement. Trafford Leigh-Mallory considère que la leçon a porté et que la faute ne se reproduira jamais et le confirme donc dans son commandement.

En , Bader est envoyé, avec son escadrille 222, pour couvrir la retraite de Dunkerque. Le , Douglas Bader remporte sa première victoire aérienne contre un Messerschmitt Bf 109. Un mois plus tard il est promu Squadron leader et prend le commandement de l'escadrille 242, une unité canadienne qui avait été durement touchée pendant la bataille de France, et dont le moral était très bas. Celui-ci ne s'améliore guère quand, sur l'aérodrome de Coltishall (en), les hommes voient débarquer un commandant cul-de-jatte. Bader a tôt fait de dissiper leurs craintes, en leur offrant une démonstration de voltige aérienne de 30 minutes. Après s'être débattu avec des problèmes d'approvisionnement, Bader peut rapidement déclarer son escadrille de 18 Hurricane apte au combat. Il était temps, la bataille d'Angleterre est sur le point de commencer. Le , il abat un Dornier Do17, et un autre le . Le 30, il abat deux Messerschmitt Bf 110, le il ajoutera deux nouvelles victoires à son palmarès (un Bf 110 et un Bf 109)[1].

Les performances au combat de Bader tiennent pour une partie à son handicap, car du fait de sa double amputation, le pilote est moins sensible au voile noir lors de virages à facteur de charge élevé. En effet, là où un pilote "valide" verrait son sang affluer vers ses jambes et donc un diminution de l'irrigation du cerveau, Bader, privé de ses jambes, n'a pas cet effet d'accumulation du sang dans les jambes et pouvait conserver sa conscience avec des facteurs de charge bien plus élevé que les autres.

Durant la bataille d'Angleterre, Bader participe à l'élaboration de la stratégie du Big Wing (en), qui consiste à faire sortir plusieurs escadrilles de chasseurs ensemble pour affronter les vagues de bombardiers allemands, de manière à en abattre le plus possible pour faire avorter les bombardements avant qu'ils aient lieu. Lorsque la bataille d'Angleterre prend fin, Douglas Bader reçoit les Distinguished Flying Cross et Distinguished Service Order et devient le Wing commander de l'aérodrome de Duxford.

En , il quitte la 242 et devient le Wing commander de l'aérodrome de Tangmere, prenant sous son commandement trois escadrilles de Spitfire (les 145, 610 et 616), ainsi qu'une escadrille de Beaufighter. Douglas Bader, durant cette période, fait preuve d'un esprit tactique hors du commun, en travaillant en coordination étroite avec son pendant au sol, le contrôleur A.G. Woodhall[pas clair]. Pour son brillant commandement, il reçoit une barre à sa DSO.

Prisonnier de guerre

Bader semble invincible mais, le , après avoir remporté deux nouvelles victoires aériennes, il percute en vol un troisième Messerschmitt 109 et est obligé de sauter en parachute au dessus des territoires ennemis. Au cours de l'extraction du cockpit, il perd ses prothèses. Il est alors fait prisonnier de guerre, et envoyé dans un hôpital près de Saint-Omer, en France, à proximité de l'endroit où se trouve la tombe de son père.

À la sortie de l'hôpital, le colonel allemand Adolf Galland et ses pilotes le reçoivent amicalement. Le Britannique est même cordialement invité à s'asseoir dans le cockpit du Me 109 personnel de Galland. Bader demande alors à Galland s'il est possible de « faire le tour de l'aérodrome », ce que lui refuse Galland, tout sourire[1].

De la camaraderie née entre aviateurs et de la sympathie gagnée auprès d'Adolf Galland, Bader profite pour soumettre une requête à l'ennemi : il souhaite que soit envoyé un message à sa femme, contenant entre autres une demande que lui soient envoyées ses prothèses de rechange. La Wehrmacht envoie le message sur les canaux maritimes internationaux d'urgence, invitant l'Angleterre à trouver un arrangement pour que ses jambes artificielles lui soient parachutées sans heurt. Malgré l'opposition du commandement, la RAF profitera d'une mission de bombardement pour parachuter, au milieu des bombes, une caisse contenant les jambes artificielles[2].

Grâce à ses nouvelles prothèses, très vite, il fait la première de ses nombreuses tentatives d'évasion. Sa dernière tentative, le dimanche voit un petit groupe d'Audomarois s'illustrer. Lucile De Backer, Gilbert Petit (cheminot) et surtout Léon et Maria Hiecque entreprennent d'aider Bader à s'évader. Après avoir déchiré ses draps et ceux de ses voisins et en avoir fait une corde, il descend la dizaine de mètres qui le sépare du sol à la seule force de ses bras. En bas de sa chambre d'hôpital l'attend Gilbert Petit qui porte Bader (« ses jambes rafistolées faisaient un raffut du diable ») jusqu'au domicile de M. et Mme Hiecque rue du Haut-Pont à Saint-Omer. Hélas, quelqu'un parle et Bader est repris. Léon, Maria Hiecque et Lucile de Backer sont dans un premier temps condamnés à mort, puis leur peine est commuée en travaux forcés dans un camp de concentration en Allemagne. Envoyé alors de camp en camp et d'évasion en évasion, Bader se retrouve prisonnier dans la forteresse de Colditz, où les Allemands, lassés mais admiratifs de cet officier hors du commun, lui confisquent finalement ses prothèses, après qu'il a refusé de promettre de ne plus s'évader.

Au printemps 1945 après la libération de Colditz par la première armée américaine, il se rend à Paris pour demander un Spitfire et retourner se battre avant la fin de la guerre. Mais la permission lui est refusée. Il est alors promu Group Captain et prend le commandement de l'école de commandement des chasseurs à Tangmere, puis est nommé commandant du secteur Essex avec le 11e Groupe de North Weald. Le , il mène personnellement le défilé aérien de la victoire, comprenant 300 avions, au-dessus de Londres.

L'après-guerre

La Royal Air Force lui propose alors le grade et l'ancienneté auxquels il aurait eu droit sans compter sa captivité, mais la Royal Dutch / Schell company lui propose elle aussi un poste dans son département aérien avec son avion privé. Après avoir réfléchi pendant quatre mois, et avoir bien pensé que la RAF en temps de paix serait très différente de son expérience en temps de guerre, il démissionne pour la dernière fois de l'armée en . Il vole alors tout autour du monde pour la Shell, souvent avec sa femme Thelma.

Il devient directeur de Shell Aircraft jusqu'à son départ en retraite en 1969, année où il officie comme conseiller technique sur le film La Bataille d'Angleterre. Il poursuivra ses voyages dans l'ensemble du monde non communiste, devenant célèbre pour ses "conférences" sur les questions d'aviation. Il prononcera d'ailleurs l'éloge funèbre du Air Chief Marshal Keith Park en 1975.

Il conserve une amitié avec le pilote allemand Adolf Galland. Au rang des événements qui ont nourri cette amitié, Galland relate qu'à une occasion, il avait invité Douglas Bader à une réunion d'anciens pilotes de la Luftwaffe et que le pilote anglais, fidèle à sa personnalité, ne put s'empêcher de dire en voyant ses anciens adversaires : « Bon Dieu, je ne pensais pas qu'on avait laissé autant d'enfoirés en vie ! ».

Après la mort de Thelma en 1971, d'un cancer de la gorge, il épouse Joan Hipkiss Murray en 1973, qui partage son intérêt pour venir en aide aux démunis, plus particulièrement pour les handicapés, au nom desquels Bader s'engage fermement, en mettant en avant son propre parcours de pilote de chasse.

En 1976, il est fait chevalier par la reine Élisabeth, pour l'ensemble de son action en faveur des handicapés.

Toujours passionné d'aviation, Douglas Bader doit renoncer à cette passion à la fin des années 70, sa santé et notamment son cœur ne lui permettant plus de supporter les exigences du vol. Le 4 juin 1979, il pilote pour la dernière fois son Beech 95 Travelair, l'avion qui lui avait été offert par Shell à l'occasion de sa retraite, après plus de 5.744 heures de vol.

En , il est victime d'une crise cardiaque, après un tournoi de golf à Ayrshire. Trois semaines plus tard, le , après un diner pour les 90 ans du air marshal sir Arthur « Bomber » Harris, il meurt d'une crise cardiaque, à l'âge de 72 ans. Le London Times écrit alors : « il devint une légende en personnifiant l'héroïsme de la RAF durant la Seconde Guerre mondiale ».

Parmi les nombreuses personnes et dignitaires qui ont assisté à l'enterrement de Bader, se trouvait Adolf Galland, avec qui Bader partageait une amitié née 40 ans plus tôt, en France.

Distinctions

Blue plaque pour Douglas Bader.

Bibliographie

Filmographie

Notes et références

  1. P. de Gmeline, 39-45 Magazine, article : L'as des as britanniques : le Group Captain Douglas Bader, Editions Heimdal, 2e trimestre 1987, 46 p., p. 4-5
  2. Histoire relatée dans les mémoires d'Adolf Galland - Les premiers et les derniers
  3. London Gazette : no 34958, p. 5789, 01-10-1940
  4. London Gazette : no 40669, p. 10, 30-12-1955
  5. London Gazette : no 46919, p. 8015, 12-06-1976
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