Droits de l'homme à Singapour

Les droits de l'homme à Singapour font référence aux droits à la fois juridiques et pratiques. Depuis l'indépendance de Singapour en 1965, les droits juridiques de ses citoyens sont énoncés dans la Constitution de Singapour et incluent les droits énoncés dans les amendements et référendums ultérieurs. Ces droits ont évolué à travers l'histoire de Singapour en tant que partie des colonies des détroits, ses années sous l'occupation japonaise, sa position en tant que colonie de la Couronne autonome distincte et son statut actuel de cité-État souveraine.

L'ancien bâtiment de la Cour suprême, Singapour

L'article 14 de la Constitution de Singapour, en particulier l'article 14 (1), garantit et protège les droits des Singapouriens à la liberté de parole et d'expression, de réunion pacifique sans armes et d'association. En tant que démocratie parlementaire, les Singapouriens se voient également garantir le droit démocratique de changer de gouvernement grâce à des élections libres et équitables. Cependant, ce droit n'a pas encore été testé car, depuis son indépendance, le Parti d'action populaire (PAP) au pouvoir a remporté chaque élection avec des appuis variables allant de 60 à 70% du vote populaire sous le scrutin majoritaire le système scrutin uninominal majoritaire à un tour. Lors de la dernière élection, le parti a remporté 83 des 93 sièges du Parlement de Singapour avec un décompte de 61,23%, tandis que le plus grand parti d'opposition, le Parti des travailleurs (WP), a remporté les 10 autres.

Les élections à Singapour sont exemptes de fraude électorale et de suppression des électeurs, et que le soutien généralisé du parti peut s'expliquer par la stabilité relative du PAP, les luttes intestines entre les autres partis et un sentiment de nostalgie et de révérence pour la direction de la première Le premier ministre Lee Kuan Yew en particulier parmi les générations plus âgées[1],[2].

Avec des partis alternatifs encore aux premiers stades d'être une force politique ainsi que des lois uniques telles que la restriction des ventes de chewing-gum à des fins de propreté, Singapour a acquis la réputation d'être un État nounou, où le gouvernement surprotège son peuple. Néanmoins, il est également largement considéré comme ayant un gouvernement propre et transparent, la corruption étant généralement perçue comme l'une des plus faibles au monde[3]. En 2020, Transparency International l'a classé comme le troisième pays le moins corrompu du monde et comme le plus transparent d'Asie[4]. Le pays se classe également très bien dans les catégories liées à la qualité de vie, en particulier l'éducation, le PIB par habitant, le logement, le capital humain, les soins de santé, l'espérance de vie et la sécurité. Singapour a toujours été classée au premier rang des pays souverains d'Asie sur le composite statistique de l'indice de développement humain (IDH) au cours de la dernière décennie, ayant augmenté sa valeur de l'IDH de plus de 30% entre 1990 et 2020. Le pays est également considéré comme le plus pacifique d'Asie selon Global Peace Index (GPI) pour 2020[5],[6].

La Loi de Sécurité Intérieure

L'Internal Security Department, dépendant du ministère de l'Intérieur, met en application la Loi de Sécurité Intérieure (Internal Security Act ou ISA) visant à contrer l'espionnage, le terrorisme international, les menaces sur l'harmonie raciale et religieuse et la subversion.

L'ISA permet la détention sans limitation de durée, ni inculpation officielle ou recours à un procès. Elle a été utilisée pour emprisonner des opposants politiques tels que Chia Thye Poh, qui a passé 32 années en prison sans procès avant d'être relâché. En 2005, 36 personnes étaient en détention par application de cette loi[7].

Droits de l'Homme dans le cadre du droit national

Droit à la vie, peine capitale

Singapour applique la peine capitale par pendaison et, selon Amnesty International, possède le plus fort taux d'exécutions par habitant[7]. Le gouvernement remet en cause les affirmations d'Amnesty International et nie le fait que son application de la peine de mort constitue une violation des droits de l'Homme. Singapour s'oppose à l'euthanasie.

À Singapour la peine de mort est systématique pour le meurtre au premier degré et pour la possession de plus 15g d'héroïne (sous la forme pure), ce qui est considéré comme une preuve de trafic de drogue[8].

Amnesty International note que 400 criminels ont été pendus entre 1991 et 2003 pour une population totale de 5 millions d'habitants[9]. Le gouvernement affirme que le trafic de drogue est l'un des crimes les plus graves, car Singapour est particulièrement vulnérable à la menace de la drogue du fait de sa petite taille et de sa proximité du triangle d'or. Le gouvernement affirme aussi que Singapour n'applique pas la peine capitale de façon légère et l'utilise uniquement dans les cas les plus graves. Le gouvernement affirme que grâce à la sévérité de sa politique, Singapour a la plus faible prévalence de toxicomanie pour une série de drogues dures et douces[10].

Liberté d'expression et d'association

Le gouvernement a restreint la liberté d'expression et de la presse et a limité d'autres droits civils et politiques. La censure de contenus à caractère sexuel, politique ou sensibles d'un point de vue racial ou religieux est importante.

À Singapour, la loi Public Order Act 2009 rend l'obtention d'un permis de police obligatoire pour tout rassemblement ou procession en extérieur. Sans permis de police, ces rassemblements à l'extérieur sont illégaux[11]. Néanmoins, les assemblées à l'intérieur des bâtiments sans permis de police sont autorisées[12]. Le seul endroit de Singapour situé à l'extérieur où de tels rassemblements peuvent se passer de permis de police est le Speaker's Corner, créé à l'image de celui de Hyde Park. Cependant, il faut néanmoins inscrire ses données personnelles en ligne auprès du National Parks Board pour pouvoir parler ou protester au Speakers' Corner. De plus de nombreuses caméras de surveillance sont installées dans le parc, une situation dont certains Singapouriens et parlementaires singapouriens se plaignent[13],[14].

La pression du gouvernement pour l'application de ses normes a entraîné la pratique d'autocensure chez les journalistes[15]. Selon Amnesty International, en 2010, les lois ont été durcies pour les libertés d'expression et de rassemblement et utilisées contre les critiques et les activistes de l'opposition. Des poursuites ont été engagées par les autorités à l'encontre de dissidents. Des opposants au gouvernement et des défenseurs des droits de l'Homme ont néanmoins tenu des assemblées publiques.

En 2010 à Singapour, le journaliste britannique Alan Shadrake a été déclaré coupable d'outrage et de l'infraction scandalizing the court in Singapore à cause de la publication de ses opinions sur le système de justice criminelle du pays. Il a écopé d'une peine de six semaines de prison et d'une amende de 20 000 dollars[16].

Service national

Tous les individus de sexe masculin, qu'ils soient citoyens ou résidents permanents de la seconde génération, doivent faire le service national dès qu'ils ont atteint l'âge de 18 ans. Ils sont enrôlés pour une durée de 22 à 24 mois en tant qu'« appelés nationaux à temps plein » dans les forces armées de Singapour, les forces de police ou la défense civile.

Discriminations

Droits LGBT

Une loi de Singapour datant de 1938 (Penal Code, s. 377A) interdit les relations sexuelles entre deux hommes, mais aucune poursuite pour des activités sexuelles en privé n'a eu lieu depuis 1999[réf. souhaitée]. Depuis le rassemblement de mai 2009 au Speakers' Corner, des défenseurs des droits des homosexuels ont participé aux rassemblements annuels Pink Dot SG dans le parc du Speakers' Corner sans que les autorités n'interviennent. L’événement de 2009 a été considéré comme assez important pour figurer dans les rapports de 2009 du département d'état américain pour les droits de l'Homme paru le 11 mars 2010[17].

Travailleurs immigrés

Selon Amnesty International, en 2009, le quart de la population de Singapour était constitué d'immigrés.

La loi de 2009 sur l'emploi des travailleurs étrangers (Employment of Foreign Workers Act) exclut les employés domestiques. Singapour ne procure aucune protection pour les travailleurs domestiques étrangers que ce soit durée légale de travail, jours de repos, salaires minimums ou accès aux prestations de chômage

Les frais de recrutement des employés de maison peuvent monter jusqu'à 40 % du salaire du travailleur pour un contrat de deux années. Jusqu'à la fin 2010, le gouvernement de Singapour a refusé de réguler les frais de recrutement[18].

En 2010, deux immigrés de Birmanie, après 11 années de travail sur le sol singapourien, n'ont pas reçu le renouvellement de leur permis de travail à la suite de leur soutien actif au mouvement pro-démocratique birman de la ligue nationale pour la démocratie[19].

Trafic d'êtres humains

Le rapport américain Trafficking in Persons de 2009 a listé Singapour dans la catégorie de niveau 2: Pays ne faisant pas assez d'effort contre le trafic d'êtres humains. Des femmes victimes de la traite arrivent à Singapour pour servir d'employées de maison ou à la prostitution[20].

Droits des femmes à Singapour

Les droits des femmes et principalement des femmes musulmanes ont beaucoup évolué dans les années 1950 et 1960 grâce à l'intervention de Khatijun Nissa Siraj.

Législation

Châtiments corporels

Singapour emploie les châtiments corporels sous la forme de coups de canne pour de nombreuses infractions pénales à condition qu'elles soient commises par des hommes de moins de 50 ans. Ces châtiments sont obligatoires dans le cas de 30 infractions. Certains observateurs internationaux tels qu'Amnesty International, maintiennent que les châtiments corporels sont contraires aux droits de l'Homme. Les coups de canne ne sont jamais infligés seuls mais s'accompagnent toujours d'une peine d'emprisonnement. Trois coups de canne au moins sont systématiquement administrés accompagnés d'une peine minimale de 3 mois de prison dans le cas de travailleurs étrangers qui restent plus de trois mois au-delà de leur période de séjour légal. Le gouvernement affirme que cela est nécessaire pour décourager les infractions potentielles aux lois sur l'immigration car Singapour est une destination attractive pour l'immigration illégale. L'expérience d'avant 1989 aurait montré que l'emprisonnement seul ne parviendrait pas la décourager : les personnes restant longtemps au-delà de leur période de séjour légal et ne pouvant pas travailler de façon légale poseraient prétendument des problèmes sociaux et pourraient se tourner vers des activités criminelles[21].

Les châtiments corporels sont aussi utilisés pour un certain nombre d'infractions à caractère sexuel, à l'encontre des émeutiers, pour punir la possession d'armes, les violences de toute sorte, usage illégal de drogue et pour vandalisme sur les biens publics. Les membres des forces armées sont passibles d'une forme moins grave de coups de canne en cas de non-respect de la discipline militaire.

L'internement sans procès a été utilisé pour lutter contre l'espionnage, le terrorisme, le crime organisé et le narcotrafic.

Accords internationaux

Selon Amnesty International, Singapour a signé les accords internationaux sur les droits de l'Homme suivants:

Classements internationaux

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Human rights in Singapore » (voir la liste des auteurs).
  1. « Map of Freedom in the World: Singapore (2009) », Freedom House (consulté le )
  2. « Lee Kuan Yew: Grief, gratitude and how a nation grew closer together », The Straits Times, Singapore, (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  3. « Why Singapore banned chewing gum », BBC News, London, (lire en ligne)
  4. « Corruption Perceptions Index 2019 – Transparency International », Transparency International (consulté le )
  5. « Human Capital Index 2018 », sur International Bank for Reconstruction and Development, The World Bank,
  6. « 2019 Human Development Index Ranking », United Nations Development Programme, (consulté le )
  7. Amnesty International Report 2005: Singapore
  8. Singapore: Country Specific Information, Bureau of Consular Affairs, U.S. Department of State, March 2010.
  9. (en) "Singapore: The death penalty: A hidden toll of executions", Amnesty International USA, undated, c.2004.
  10. (en) « The Singapore Government's Response To Amnesty International's Report "Singapore – The Death Penalty: A Hidden Toll Of Executions" », Ministry of Home Affairs, Singapore, (consulté le ).
  11. (en) « Singapore to toughen protest laws ahead of APEC meet », sur Reuters,
  12. (en) « Activist filmmaker under investigation for organising event », International Freedom of Expression Exchange,
  13. (en) « Singaporeans can demonstrate at Speakers' Corner from Sep 1 », Singapore, Channel News Asia,
  14. (en) « CCTV installed at Speakers' Corner », Singapore, Channel News Asia,
  15. Le texte utilisé dans cette section est une adaptation issue de: the Singapore profile (Mai 2005) du projet de la Library of Congress Country Studies.
  16. Amnesty International. Report 2011 pages 287-288.
  17. http://www.globalequality.org/storage/cfge/documents/2009%20hr%20report%20sogi%20references.pdf
  18. Human Rights Watch World Report 2011 page 368
  19. Amnesty International Report 2010: Singapore (AI 2010)
  20. Human Rights Watch Report 2010 pages 343-346 Human Rights Watch (HRW 2010) pages 343-346
  21. Written Answer to Parliament Question on Mandatory Caning of Foreign Workers Who Overstay, 26 May 2008.
  22. Rapport Freedom in the world.
  23. Classement de Reporters sans frontières
  24. Democracy Index de The Economist
  25. Indice de facilité de faire des affaires de la Banque mondiale.
  26. Global enabling trade report du Forum économique mondial
  27. Global competitiveness report du Forum économique mondial

Voir aussi

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