Dut (dessinateur)
Pierre Eugène Duteurtre, plus connu sous le pseudonyme Dut, né le 10 juillet 1911 à Deuil-la-Barre (Val-d'Oise) et mort le 9 novembre 1989, est un dessinateur de bandes dessinées et peintre français[1].
Sa carrière de dessinateur commence dans les années 1930.
De 1934 à 1939, il travaille pour la Société parisienne d'édition (SPE). À partir de 1947, il travaille pour les publications Marijac où il crée sur des scénarios de Marijac sa série la plus connue Sitting Bull. Cette série qui comporte 277 planches, paraît de 1948 à 1953, dans la revue Coq Hardi. Elle fut rééditée, par les éditions Glénat, en 2 albums parus en 1978 et 1979.
Dut travaillera pour les publications Marijac jusqu’en 1968. Puis, il abandonne la bande dessinée pour se consacrer pleinement à la peinture.
Biographie
Enfance et formation
Pierre Duteurtre est issu d'une famille d'origine normande installée dans la région parisienne pour des raisons professionnelles. Très tôt dans son jeune âge, il est attiré par le dessin et la peinture. Ses parents exercent des métiers qui demandent beaucoup de créativité et d'inspiration artistique : son père Pierre Victor Duteurtre étant architecte, et sa mère Emma Léontine Lefèbre, est modiste.
À 8 ans, avec ses parents, il assiste au Châtelet à une représentation théâtrale de Michel Strogoff. Ce qui influença le jeune homme. De retour à la maison et fasciné par ce spectacle, il tente de reproduire le décor.
Durant sa période lycéenne, il obtient régulièrement le 1er prix de dessin, ce qui rend logique une carrière dans sa passion qui est le dessin ; et ses parents l'encouragent dans sa vocation.
Il commence à travailler à l'âge de 14 ans dans les ateliers de Jusseaume et Prevost où il apprend les bases du métier. Il participe à la réalisation de décors théâtraux.
Il rentre ensuite à l'atelier de d'André Galland, à la rue de la Tour-d'Auvergne où il se familiarise avec la décoration, l'illustration, les affiches publicitaires...
André Galland, ancien des Arts décoratifs, l'incite à passer le concours de l'École nationale des arts décoratifs, il se présente et l'obtient. Il reste dans cette institution se 1926 à 1928.
Un début de carrière brillante
Après son service militaire, étant obligatoire à l'époque, en 1931, Dut se présente au concours de l'École nationale des beaux-arts à Paris où il restera jusqu'en 1935.
Durant cette période, dès 1929, sous probablement les conseils d'André Galland, il travaille pour une édition.
Il commence sa carrière chez les frères Offenstadt, qui étaient à la tête de la maison d'édition la plus importante de l'époque. Au départ, il réalise plusieurs illustrations pour des romans et nouvelles dans L'Intripide, L'Épatant et La Vie de garnison, qui sont des magazines grivois destinés aux militaires, où il réalise un roman à suivre La Créole aux yeux de velours.
Il s'adapte très rapidement et facilement dans son milieu, à tel point que son dessin est semblable à celui de ses confrères. Il réalise d’emblée des dessins de très grande qualité et classique.
C'est pour cette raison que parfois il signe dans un coin du pseudonyme « Dut », qu'il a adopté. Son évolution est rapide et acquiert très vite un style propre à lui, réaliste, moderne et efficace, qui devient facilement reconnaissable.
Durant son passage à la S.P.E (Société parisienne d'édition), Dut côtoie plusieurs dessinateurs dont René Giffey, Mat, Maurice Oussaint, Edmond Calvo, Jean Trubert, René Pellos... c'est là qu'il découvre des maîtres de la bande dessinée américaine comme Milton Caniff, Alfred Andriola, Hal Foster, Burne Hogarth, Raeburn Van Buren...
Il illustre des romans à suivre sous forme de bandes avec textes sous vignettes pour Fillette (1934-1935), L'Épatant (1934-35), L'Intrépide (1937), et des récits complets du même genre pour Les Histoires en image (1937-38) avant de passer aux véritables découpages de bandes dessinées avec L'Ennemie du peuple, un récit de Lucien Bornert, qui bénéficie d'une pleine page en couleurs dans la périodique L’Épatant (1938), terminé dans L'As (1936-39). Toujours dans L'AS, il illustre le célèbre roman de José Moselli Le Roi des boxeurs 1938-38 et pour junior de nombreuses illustrations de roman et de nouvelles (1938-39). Il est le supposé dessinateur de la bande dessinée anonyme Gallus de la légion de l'Alouette en 1938, mais on ne reconnaît pas son style la-dedans. Dut a probablement collaboré dans d'autres illustrations de la S.P.E telles que Sciences et Voyages ; Le Régiment… mais cela reste à démontrer.
En 1937, il collabore aussi en parallèle avec l'hebdomadaire Mon camarade, qui est de tendance communiste et dirigé par un certain Georges Sadoul, il réalise Le Rayon de la mort, une adaptation du roman d'Alexis Nikolaïevitch Tolstoï. Son autre illustration Fred Hardi sera interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Et ainsi que quatre romans à suivre, deux ouvrages dans la Collection Mon camarade ; il réalise aussi une grande page sur la vie de Lénine dans L'Avant-garde.
Lors de la parution de L'Ennemie du monde, il modifie sa signature en ajoutant « Bertt. », ce qui est le nom de sa femme Berthe Georgette Tourneroche épousée en juin 1937 qui meurt durant la période de captivité de Dut.
Une carrière mutilée par la guerre
En 1939, Dut est au sommet de sa carrière, dans le domaine de la peinture, il obtient le prix de Rome en 1931, et la presse lui assure suffisamment de travail.
Mais la Seconde Guerre mondiale, éclate en Europe, et bouleverse sa vie personnelle et sa carrière. En septembre, il est mobilisé à la 35e compagnie de la 3e armée du 8e régiment du génie en part au front. Le 22 juin 1940, après la capitulation de la France du Maréchal Pétain, il est fait prisonnier à Saint-Dié, dans les Vosges et ensuite envoyé au Stalag. Il y restera durant trois années, il est affecté à une fabrique de carreaux de porcelaine à Mulhaker.
Ses talents artistiques vont rendre sa vie plus acceptable, il se remet à la peinture et réalise de tableaux qui seront par la suite encadrés.
Malade, le 8 juin 1943, il est rapatrié sanitaire, par la Croix-Rouge et admis à l'hôpital de Courbevoie où il se remettra lentement de sa captivité. Après cela, il tente de reprendre le travail durant la guerre mais durant cette période, le travail est rare, avec les restrictions. Il fait tout de même des illustrations qui seront publiées après la guerre, dont Max Vigor chez les telemos, édition Artima, son nom sera repris par J.A. Dupuich et rendu célèbre par R. Giordan dans Vigor, et devient même un des titres à succès de la maison.
Le triomphe après la guerre
Après la Seconde Guerre mondiale, pour survivre, Dut accepte un poste aux beaux-arts en tant que professeur à Rouen. Cela lui permet de se remettre à peindre à nouveau. Il expose ses toiles à la galerie Legrip de 1945 à 1948 à Rouen. Il expose aussi à Paris à la galerie Allard.
En 1947, il renoue avec la SPE et illustre une histoire à suivre pour Fillette qui est Mademoiselle Lieutenant, mais cette collaboration restera sans suite.
Il reçoit en 1948, le prix de la Jeune Peinture normande. Il se remarie avec une Polonaise d'origine, Emmy Sarniak.
En 1947, il rencontre Marijac, qui est à la tête du journal Coq hardi. Dans ce journal, il trouve un travail régulier. Dut fait ses preuves notamment avec la reprise Le maitre Bornéo et L'Île aux douze totems qui relancent les aventures de Casse Cou, un personnage créé par Paul Mystère. Il se voit confier la deuxième époque de Guerre à la Terre, une saga commencée quelques années plus tôt et illustrée par Auguste Liquois. Bien que son style soit différent, Dut assure par ses lignes claires et son dessin réaliste. Sa reprise est un succès, il raconte l'histoire de méchants extra-terrestres alliés aux méchants japonais pour envahir la terre.
Après ce succès, Dut et Marijac se lancent dans une épopée Western axé sur Sitting Bull, c'est l'histoire d'un chef amérindien autour duquel gravitent plusieurs protagonistes que ce soit réel (Buffalo Bill, Jim Bridger…) ou imaginaire (émigrants, justicier, outlaws...). Cette réalisation sera la plus connue de Dut, à tel point que lors que lorsqu'en 1988, La Poste demande aux 12 auteurs du grand prix d'Angoulême de réaliser un timbre postal, Marijac, choisit Sitting Bull. Alors qu'il a contribué et est co-créateur de cette saga, seule la signature de Marijac y figure. Cet « oubli » ne laisse pas Dut et sa famille insensibles.
Sitting Bull est une des premières bandes dessinées à traiter les Amérindiens dignement et avec humanité.
En 1948, il reçoit le Grand prix de la Bande dessinée. Malgré cela, il faut attendre 1978-79 pour qu'il reçoive le prix de l'Album, grâce aux éditions Glenat qui l'ont sauvé de l'oubli en tant que grand auteur de bandes dessinées en France.
En 1953, Sitting Bull se termine par Fin d'épisode qui laisse la porte ouverte à une suite puisque le personnage est toujours vivant. Mais il n'y aura pas de suite, le nouveau propriétaire de Coq hardi, Montsouris ne voulait plus de « peaurougisme » et de « résistance ».
C'est à cette période que Dut passe chez Del Duca, il illustre de nombreuses bandes dessinées et fréquente le fameux Atelier 63 avec des dessinateurs comme Robert Gigi, Christian Gaty, Lucien Nortier, Raymond Poïvet … qui travaillent déjà pour Del Duca, dans le même bâtiment que Coq Hardi.
Ce passage est une période difficile avec, on lui confie le découpage de L'Homme qui rit, qui connaît quand même un succès. Il reçoit un contrat d'exclusivité et doit signer trois planches par semaine.
Progressivement, la qualité des titres de Del Duca se dégrade, il y a moins de bandes dessinées, moins d'illustrations, et surtout l'arrivée du roman-photo remplace en partie définitivement les bandes dessinées.
En 1958, le directeur de Del Duca, Charles Coutelier, le libère de son contrat. Il consacrera plus de pages aux romans-photos, diminue les pages consacrées aux dessinateurs.
En 1957, Dut avait repris contact avec Marijac avec qui il travaille jusqu'en 1968. Durant cette ultime collaboration, avec la formule Frimousse, Marijac atteint des tirages enviables avec 220 000. Dut travaille en collaboration avec Noël Gloesner, Martin et Gaty.
Mais Marijac vend à nouveau ses titres pour se débarrasser de l'administration et de la gestion et se consacrer à la rédaction. Il le vend cette fois-ci à SFPI/NCL de Chapelle, qui devient propriétaire à partir de 1966.
Au début, cette vente n'a pas d'incident sur le travail interne car il y a toujours un travail de qualité ; mais la situation finit par se dégrader, et Pierre Duteutre démissionne.
Une fin de vie consacrée à la peinture
À partir de 1968, Dut quitte définitivement le monde de la bande dessinée et se consacre à sa passion de prédilection : la peinture.
Il s'installe à Paris dans le premier atelier de Picasso, au 49 rue de Grenelle. En 1982, une plaque en hommage à Picasso est apposée sur son bâtiment.
Dut passe une fin de vie paisible aux côtés de son épouse et ses amis à Paris. Il consacre beaucoup de temps à la peinture. Il reçoit beaucoup d'invitations d'exposition à Paris, en Province et même à l'étranger : États-Unis et Japon en 1970, il reçoit la Croix d'officier du Mérite et Dévouement français.
Dans l'atelier, Dut commence toujours ses journées par des dessins et croquis habitude prise lors de ses années de bande dessinée, où il devait livrer ses planches dans des délais toujours trop courts.
Sa peinture est influencée par le courant impressionniste moderne, avec une large palette de couleur et une touche de fantaisie. Et il peint principalement des portraits (de femmes), mais aussi des paysages.
En 1987, il subit une première attaque cérébrale, après son rétablissement, il s'installe à Cannes.
Le 15 mars 1989, sa femme Emmy décède des suites d'une longue maladie.
En mauvaise santé, il quitte la France pour les Pays-Bas, où il réside chez sa nièce. Il se remet alors à peindre. Il est sensible à la beauté des paysages, la joliesse des maisons et des jardins, la gentillesse des Hollandais.
Le 9 novembre 1989, il meurt à l'âge de 78 ans, à la suite d'une nouvelle attaque cérébrale.
Œuvres
Bandes dessinées et séries
- L'Intrépide
- La Vie en garnison
- L'Épatant
- Les Histoires en image
- Hardi
- L'As
- Almanachs
- Fillette
- Junior
- Divers
- Mon camarade
- Téméraire
- SEPIA/DABIN/SEGEDI
- Artima
- Petit Riquet
- Belles histoires
- Presse adulte
- La Vie catholique
- Lecture d'aujourd'hui
- La Vie en fleur
- Nous deux
- Lui
- Divers
- Cœurs vaillants
- Âmes vaillantes
- Fripounet
- Belles Histoire et Belle vie
- Collection Mission sans bornes
- Publication Marijac
- Coq Hardi
- Roman Coq Hardi
- Mireilles
- Ouest Magazine
- Frimousse
- Frimousse Magazine
- Édition jeunesse & vacances
- Paris centre et Auvergne
Peinture
Dut utilise systématiquement de l'huile sur toile, et format utilisé est le format portrait (petit format). Il peint à plusieurs reprises le même sujet par exemple la Danseuse au repos qu'il peint plus d'une dizaine de fois avec des positions et des approches différentes (parfois nue, parfois habillée...). Et ses tableaux ne sont pas datés. Voici quelques-unes de ses œuvres :
- La Maison familiale,
- Danseuse au repos
- Danseuse à l'atelier
- Jeune femme au bouquet
- Nu allongé
- La Majorette
- La Musicienne
- Maternité
- Pique-nique
Ses principales séries
- Sitting Bull.
- Guerre à la Terre.
Récompenses
- Prix de Rome en 1931
- Jeune Peinture Normande 1948
- Grand prix de la Bande dessinée pour Sitting Bull 1948
- Croix d'officier du Mérite et du Dévouement Français. 1970
Notes et références
- Henri Filippini, « Dut : la modestie d’un grand… (première partie) », sur http://bdzoom.com, Bdzoom, (consulté le )
Annexes
Bibliographie
- Patrick Gaumer, « Dut », dans Dictionnaire mondial de la BD, Paris, Larousse, (ISBN 9782035843319), p. 285-286.
- Hop ! no 103, 3e trimestre 2004, pages 5-21
Liens externes
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