Silicate de sodium

Le (méta)silicate de sodium (ou sel disodique de l'acide silicique ou trioxosilicate de disodium) est une substance chimique de formule Na2SiO3, inodore et très soluble dans l'eau. C'est une base forte formant des solutions très alcalines, corrosives pour la peau et les muqueuses (pH 13 en solution à 1 %).

Silicate de sodium
Formule
et échantillon de silicate de sodium
Identification
Synonymes

Métasilicate de disodium
Sel disodique de l'acide silicique
trioxosilicate de disodium

No CAS 6834-92-0
No ECHA 100.027.193
No CE 229-912-9
No E E550
SMILES
InChI
Apparence solide cristallin de formes variables, incolore à blanc,hygroscopique[1].
Propriétés chimiques
Formule Na2O3SiNa2SiO3
Masse molaire[2] 122,063 2 ± 0,001 2 g/mol
Na 37,67 %, O 39,32 %, Si 23,01 %,
Propriétés physiques
fusion 1 089 °C[1],

72 °C (pentahydrate),
48 °C (nonahydrate)

Solubilité 200 g L−1 dans l'eau à 20 °C
[3]
Masse volumique 2,6 g cm−3[1]
Thermochimie
S0solide 113,8 J K−1 mol−1
ΔfH0solide −1 519 kJ/mol
Précautions
SGH[4]

Danger
H314 et H335
SIMDUT[5]

E,
Transport
   3253   
Inhalation irritant respiratoire
Peau corrosif (provoque des brûlures)
Yeux risque de brûlures
Composés apparentés
Autres cations Silicate de potassium

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le (méta)silicate de sodium se forme naturellement par réaction de la silice (dioxyde de silicium) avec le carbonate de sodium à l'état fondu. On obtient du silicate de sodium et du dioxyde de carbone.

Na2CO3 + SiO2 → Na2SiO3 + CO2

On le trouve sous deux formes principales :

  • forme anhydre (il se présente alors comme un solide cristallin translucide à blanc de formule Na2SiO3) ;
  • forme hydratée (Na2SiO3.nH2O), il est parfois qualifié de « verre liquide » (water glass ou liquid glass en anglais).

Dans les commerce, ses formes les plus courantes sont :

Histoire

Le « verre liquide » a été défini dans Manual of Chemical Technology de Von Wagner (traduit en 1892 en anglais) comme tout silicate alcalin soluble, d'abord observé par Van Helmont en 1640 comme une substance fluide apparaissant lorsqu'on fait fondre du sable (silice) avec un excès d'alcali. Il est d'ailleurs parfois qualifié de « liqueur de cailloux ».

Johann Rudolf Glauber a - en 1648 - produit ce qu'il a appelé de la « silice fluide », à partir de potasse et silice.

Von Fuchs, en 1825, a obtenu du verre liquide par réaction d'acide silicique sur un alcali, le résultat étant soluble dans l'eau « mais non affecté par les changements atmosphériques »[6].

Von Wagner en distingue plusieurs types : de carbonate de sodium, de potassium, « double » (sodium et potassium), et Fixin. Le type Fixin était un fixatif constitué d'un mélange sursaturé en silice de « verre liquide » (de potassium et de sodium), utilisé pour stabiliser des pigments inorganiques à l'eau déposés sur du ciment (pour les enseignes extérieures et murales).

Propriétés

Le silicate de sodium est une poudre blanche très soluble dans l'eau, produisant une solution alcaline.

Il fait partie d'une famille de composés apparentés comprenant l'orthosilicate de sodium, Na4SiO4, le pyrosilicate de sodium Na6Si2O7 et d'autres composés proches, qui sont tous vitreux, très alcalins, incolores et solubles dans l'eau.

Le silicate de sodium est stable en solution de pH neutre ou alcalin.

Dans une solution acide, l'ion silicate réagit avec les ions hydrogène pour former de l'acide silicique, qui quand il est chauffé et grillé forme le gel de silice, une substance dure et vitreuse.

Désignations chimiques

Chaque substance a son propre numéro de registre CAS et son propre numéro EINECS. Le numéro du CAS ou EINECS du silicate de sodium et d'autres substances apparentées sont les suivants[7] :

Nom de la substance No CAS No EINECS
acide silicique, sel de sodium 1344-09-8 239-981-7
métasilicate de disodium 6834-92-0 229-912-9
silicate de sodium 15859-24-2 215-687-4

Usages

Disponible en solution aqueuse et sous forme solide, il est notamment utilisé :

  • dans les ciments ;
  • comme ignifugeant ;
  • dans certains matériaux réfractaires ;
  • dans l'industrie textile ;
  • dans certains produits d'entretien (ménagers ou industriels, tels que détergent, désinfectants, produit de nettoyage alimentaire) ;
  • dans l'industrie de la transformation du bois ;
  • dans l'industrie métallurgique (décapant, dégraissant) ;
  • dans certaines colles, peintures et produits de blanchiment ;
  • pour la préparation de produits cosmétiques ;
  • dans l'industrie automobile ;
  • dans les cartonneries, pour coller la cannelure (ou microcannelure) à une ou plusieurs feuille plate, ou plusieurs cannelures entre elles, ou plusieurs feuilles de carton ondulé entre elles. Lors du passage dans les machines à haute température, le silicate de sodium polymérise et colle solidement les feuilles de papier entre elles ;
  • dans l'alimentation, comme additif alimentaire, alors réglementé sous le numéro E550, comme anti-agglomérant[8] et  au début du XXe siècle avec un grand succès  pour la conservation des œufs. Quand des œufs frais sont plongés dans une solution de silicate de sodium, les bactéries capables de dégrader l'œuf en sont tenues à l'écart et l'humidité y est maintenue, conservant l'œuf pour au maximum neuf mois. Il fallait percer la coquille des œufs ainsi conservés avant de les faire cuire dans de l'eau bouillante, pour permettre à la vapeur de s'échapper car la coque n'en était plus poreuse[9] ;
  • comme mastic de réparation rapide : du silicate de sodium et du silicate de magnésium dissous dans de l'eau sont utilisés en pâte épaisse pour réparer des pots d'échappements. Quand le dispositif d'échappement atteint sa température de fonctionnement, la chaleur sèche la pâte qui polymérise en une sorte de verre, permettant une réparation (temporaire, car néanmoins relativement fragile) ;
  • comme étanchéifiant de réparation en milieu liquide et chaud (il a ainsi été en 2011 utilisé pour boucher des fissures à la suite de l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima. Le silicate de sodium en solution peut colmater des fuites dans des joints (ex joint de culasse, avec du « verre liquide » injecté via le radiateur d'une voiture par exemple et envoyé dans les parties chaudes du moteur, car à 100-105 °C, le silicate de sodium perd ses molécules d'eau pour former un produit d'étanchéité très puissant qui ne fond qu'au-dessus de 810 °C. Un joint de culasse réparé au silicate de sodium peut rester étanche jusqu'à deux ans voire plus, avec une étanchéification très rapide (dans les minutes suivant l'application). Ce type d'utilisation n'est possible que dans un milieu qui atteindra la température de polymérisation de 100-105 °C ;
  • comme inhibiteur de la corrosion dans certains circuits d'eau ;
  • comme substrat de croissance de certaines algues dans les écloseries d'aquaculture ;
  • pour la fabrication (anciennement) de munitions, par exemple pour les cartouches de revolvers à poudre noire produites par la Colt's Manufacturing Company de 1851 à 1873, notamment durant la Guerre de Sécession américaine. Le silicate de sodium scellait les papier nitrés combustibles ensemble pour former une cartouche en papier conique contenant la poudre noire, ainsi que pour coller la balle de plomb ou de la balle conique à l'extrémité ouverte de la « cartouche » de papier. Ces cartouches collées au silicate de sodium étaient insérées entières dans les fûts de revolvers, ce qui accélérait le temps rechargement. Cet usage a été détronné par l'invention des cartouches à gaine de laiton à partir de 1873[10],[11] ;
  • dans l'industrie du forage : mélangé au fluide de forage, il permet de stabiliser les parois de puits de forage et d'éviter leur effondrement ou l'alésage des parois, notamment dans des couches argileuses ou dans les formations contenant des minéraux argileux gonflants tels que la smectite ou la montmorillonite ;
  • pour renforcer une maçonnerie ou du béton, du stuc, plâtre, etc. (ainsi rendu moins poreux ou hydrofuges, grâce à une réaction chimique avec l'excès de Ca(OH)2 (portlandite) présent dans le béton, qui lie de façon permanente les silicates, ce qui rend leur surface plus dure et hydrofuge. Il est généralement conseillé d'appliquer ce traitement uniquement après le temps de durcissement initial (7 jours ou plus selon les conditions) ;
  • pour inactiver des moteurs de véhicules : pour les voitures devant être retirées définitivement de la circulation, une solution de silicate de sodium est utilisée à peu de frais, pour détruire rapidement et définitivement le moteur. On remplace son huile minérale par deux litres de solution, qui précipitent et endommagent définitivement les rouages et pistons en quelques minutes[12]. Cette procédure est par exemple obligatoire aux États-Unis dans le cadre du programme Car Allowance Rebate System (CARS)[12],[13] ;
  • pour produire des matériaux réfractaires, en tant que liant de matériaux ininflammables et isolants tels que vermiculite et perlite. Des panneaux réfractaires ou de protection passive contre l'incendie peuvent ainsi être produits, ainsi que des protections moulées (autour de tuyaux par exemple). En mélangeant le silicate de sodium avec des poudres minérales finement broyées (poussière de vermiculite par exemple), on peut produire des adhésifs à haute température (l'intumescence disparaît). Le silicate de sodium étant peu coûteux et disponible en abondance, il a été utilisé dans de nombreuses applications réfractaires.

Protection passive contre le feu

Le silicate de sodium présente des propriétés expansive et d'incombustibilité intéressantes pour certains usages contre les dégâts du feu.
[Quoi ?]

En solution, ce produit attaque certains métaux dont l'aluminium, l'étain, le plomb, le zinc, le cuivre et leurs alliages en dégageant de l'hydrogène (ce qui induit un risque d'explosion). Il doit pour cette raison être stocké dans du plastique ou de l'inox.

Écotoxicologie

L'écotoxicologie ne semble pas avoir été très étudiée. Elle semble essentiellement liée à son caractère corrosif, mais atténuée, au moins dans les milieux exposés aux pluies par son caractère lessivable, en raison de sa grande solubilité.

Toxicité

Les effets de toxicité chroniques ne semblent pas avoir été testés chez l'être humain[3], mais un cas au moins de forte sensibilisation allergique a été décrit.

Des effets toxiques aigus existent chez l'homme[14],[15],[16],[17],[18], comme chez d'autres organismes animaux (testés en laboratoire). Ils semblent dus à l'alcalinité de la molécule qui par ingestion provoque une hémorragie stomacale et du duodénum, ainsi qu'une érosion de l'intestin grêle. Chez le chien et le porc expérimentalement exposés (quel que soit l'âge de l'animal), au-delà de 250 mg/kg, ce produit a produit des nécroses ulcératives aiguës de l'épithélium du tractus digestif supérieur, des poumons (avec œdème) et des reins (nécrose des tubes rénaux proximaux)[3].

Inhalé, il irrite fortement le tractus respiratoire et corrode les muqueuses olfactives[17]. Des réponses d'hypersensibilité existent chez la souris (mesurées par le gonflement œdémateux de l'oreille) mais il est considéré comme un allergène faible[19],[3].

En exposition prolongée à dose plus faible, il produit une réaction inflammatoire ulcérative de la bouche et muqueuses et des dermites. Les espèces de mammifères y semblent différemment sensibles, par exemple une polydipsie, polyurie et lésions des tubes rénaux apparaissent (chez le chien) pour une exposition à 2 400 mg/kg dans la nourriture durant quatre semaines, mais pas chez le chat)[3].

DL50 orale

Pour une solution aqueuse à 10 %, la DL50 orale est[3] :

  • chez le rat, de 1 280 mg/kg (de 847 mg/kg chez le mâle à 1 350 mg/kg chez la femelle) ;
  • chez la souris, de 770 mg/kg chez la femelle à 820 mg/kg chez le mâle.

NOAEL

La NOAEL est de 792 mg/kg et par jour chez le rat exposé durant deux ans via son eau de boisson[3].

Les détergents contenant ce produit sont de puissants irritants pour la peau, les yeux et le tractus respiratoire. En poudre anhydre sur la peau, il n'est pas irritant chez les animaux qui (lapin par ex.) ne transpirent pas.

Mutagénicité

Il ne semble pas mutagène selon le test d'Ames et chez Bacillus subtilis, il n'induit pas de lésion de l'ADN ; on n'a pas détecté d'aberration chromosomique dans la moelle osseuse de souris exposées à 740–1 340 mg/kg par voie orale)[20]

Cancérogénicité

Il est théoriquement potentiellement cancérigène en tant qu'agent corrosif, sur les cellules squammeuses de l'œsophage par exemple, mais des rats exposés via leur boisson durant 2 ans à 792 mg/kg/j n'ont pas développé de tumeurs[3].

Il est connu qu'une silicose peut être induite par l'inhalation de particules de silice, mais elle n'est pas observée avec l'inhalation de métasilicate de disodium en solution, probablement car, étant très soluble, il est rapidement et totalement éliminé de l'organisme[3].

Reprotoxicité

Ce produit est reprotoxique chez le rat mais non chez la souris[3] : les rats exposés à 790 à 1 580 ppm dans l'eau de boisson, du sevrage à la fin de la reproduction ont produit 20 % de descendants en moins, et la survie des petits au sevrage a été fortement affectée (24 % de la normale). Mais aucun effet n'a été observé sur la reproduction des souris gavées de 12,4-50-200 mg/kg du 1er au 18e jour de gestation[20].

Notes et références

  1. METASILICATE DE SODIUM, ANHYDRE, Fiches internationales de sécurité chimique
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. INRS, « Métasilicate de disodium - Fiche toxicologique no 259 », 2006
  4. Numéro index 014-010-00-8 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE no 1272/2008 (16 décembre 2008)
  5. « Métasilicate de sodium » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009
  6. VonWagner, Rudolf (1892, trad. de la 13e éd. par Willian Crookes), Manual of Chemical Technology, lire en ligne
  7. « ESIS: European chemical Substances Information System »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le )
  8. Système international de numérotation des additifs alimentaires [PDF], FAO/Codex Alimentarius, vol. 1A, 1995, p. 82, 96, 99.
  9. (en) How to Store Fresh Eggs - Mother Earth News, novembre/décembre 1977
  10. (en) Tom Kelley, « Making and Using Combustible Paper Pistol Cartridges »,
  11. (en) Kirst, W.J., Self Consuming Paper Cartridges for the Percussion Revolver, Minneapolis, Minnesota, Northwest Development Co.,
  12. (en) Kevin Helliker, The Killer App for Clunkers Breathes Fresh Life Into 'Liquid Glass', The Wall Street Journal, 4 août 2009.
  13. (en) Engine Disablement Procedures for the CARS program [PDF], Cars.gov (voir archive)
  14. Pierces S.W., Sodium Metasilicate in alkaline materials, Patty's Tosicology, 5e éd., John Wiley & Sons, New York, 2001, vol. 3, p. 598-600
  15. Sodium Metasilicate, dans Base de données HSDB, Toxnet
  16. Lewis RJ Hawleys's Condensed Chemical dictionary, New York, John Wiley & Sons, 2001
  17. Elmore A.R., Cosmetic ingredient review expert Panel, Final report on the safety assessment of potassium silicate, sodium metasilicate and sodium silicate, International Journal of Toxicology, 2005, 24 suppl. 1, p. 103-117
  18. Tanaka T., Miyachi Y. et Horiot T., Ulcerative contact dermatitits caused by sodium silicate. Coexistence of primary contact dermatitis and contact urticaria, Arch. Dermatol., juillet 1982, 118(7):518-520
  19. Karrow N.A. et al., Odium metasilicate hyypersensitivity in Balb/c mice, American Journal of Contact Dermatitits, 2002, 13, p. 133-139
  20. HERA Risk assessment on soluble silicates (draft).

Voir aussi

Articles connexes

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