Effet Streisand

L’effet Streisand désigne un phénomène médiatique involontaire. Il se produit lorsqu'en voulant empêcher la divulgation d’une information que l'on aimerait cacher  qu'il s'agisse d'une simple rumeur ou d'un fait véridique  on déclenche le résultat inverse.

Pour les articles homonymes, voir Streisand.

La photo du domaine de Barbra Streisand à l'origine de « l'effet Streisand ».

Par ses efforts, la victime de l'effet Streisand encourage malgré elle l'exposition d'une publication qu'elle souhaitait voir ignorée. Il s'agit donc à proprement parler d'un effet pervers[1].

Précisions sur l’expression

L'expression « effet Streisand » fait référence à un incident, survenu en 2003, au cours duquel l'actrice et chanteuse Barbra Streisand avait poursuivi en justice l'auteur et le diffuseur d'une photographie aérienne de son domaine privé, Kenneth Adelman et pictopia.com, afin d'empêcher sa propagation[2],[3]. Kenneth Adelman disait avoir pris des photographies de propriétés privées aux fins d'étude de l'érosion du littoral dans le cadre d'un autre projet[4]. La publication de la procédure eut pour conséquence de massivement faire connaître l'image auprès des internautes nord-américains. Plus de 420 000 personnes visitèrent le site le mois suivant[5].

Lors d'une conférence aux Pas Sage en Seine en 2011, Benjamin Bayart popularise « l'effet Flanby » comme étant une variante « encore plus absurde » de « effet Streisand » par la volonté de tout de même tenter de cacher quelque chose lorsque cette chose est pourtant beaucoup relayée (en référence à l'effet produit par l'éclatement du flan lorsqu'on tente de l'écraser). Par exemple, la tentative de fermeture d'un serveur de WikiLeaks, qui a créé un effet de duplication de centaine de fois de ce serveur.[6],[7]

En 2010, après que le site WikiLeaks a été menacé de fermeture, des internautes militants créent le site streisand.me avec l'objectif d'aider à la protection de sites menacés : ce site n'est plus actif depuis 2013. Dans le même esprit, Reporters sans frontières (RSF) duplique certains sites de médias menacés afin d'éviter que ces informations ne soient censurées[8].

Exemples notables

  • De 1986 à 2005, l'affaire McLibel opposant McDonald's à David Morris et Helen Steel, deux militants écologistes anglais[9].
  • En 2010, Nestlé fait retirer une vidéo de l'association Greenpeace dénonçant la déforestation en Indonésie[10].
  • En 2011, l'« insecticide tueur de chats »[11], lorsque la compagnie commercialisant l'insecticide Fulgator cherche à faire retirer d'Internet un blog associant son produit à la mort de deux chats domestiques.
  • En 2012, la rumeur sur la prétendue liaison entre Anne Hidalgo et François Hollande, reprise par des sites internet d'information, à la suite de la mise en demeure de Twitter par un cabinet d'avocat pour le compte d'Anne Hidalgo[12].
  • En 2013, les photos peu flatteuses de la chanteuse Beyoncé lors du Super Bowl XLVII, à la suite de la demande de leur retrait du site Buzzfeed par son agent artistique[13].
  • En 2013, la direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) fait supprimer l'article « Station hertzienne militaire de Pierre-sur-Haute » sur la version française de Wikipédia, faisant pression sur Rémi Mathis, un contributeur bénévole disposant des droits d'administrateur, par ailleurs président de Wikimédia France. En l'espace de quelques heures, l'article en question, jusqu’alors relativement ignoré, devient le plus consulté sur la Wikipédia francophone les 6 et , pour être ensuite traduit dans de nombreuses autres versions linguistiques de l’encyclopédie en ligne[14],[15],[16].
  • En , la compagnie EDF renonce à demander 6 millions d'euros à 21 militants écologistes anglais (300 000 euros par militant) qui ont escaladé les cheminées d'une de ses centrales, face à l'indignation liée au dépôt de cette plainte[9],[17].
  • En , l’Agence France-Presse fait retirer une photographie peu avantageuse de François Hollande pour illustrer le déplacement du président dans une école lors de la rentrée scolaire. Pris par le photojournaliste Denis Charlet, le cliché est rapidement retiré par l'AFP, suivie par Reuters. Pour être sûres que la photo disparaisse, les deux agences demandent aux médias de ne pas l'utiliser ou de la remplacer, une suppression qui alimente la méfiance, certains internautes y voyant la marque d'une pression de l'Élysée, ce qui engendre une large diffusion du cliché en question sur Internet[18],[19].
  • En , la sortie du film L'Interview qui tue !, devient un succès en salles suite à la censure par la Corée du Nord puis son autocensure par Sony Pictures[20].
  • En , l'attentat contre Charlie Hebdo a provoqué une réaction inverse à celle escomptée par les terroristes qui voulaient faire disparaître le journal. Avant l'attentat, l'hebdomadaire était en grande difficulté financière, mais la vague de soutiens populaires et financiers à la suite de l'assassinat de douze membres de la rédaction a permis de garantir la pérennité du journal. Plus de 5 millions de tweets avec le hashtag #Je suis Charlie furent publiés et Charlie Hebdo connut son record historique de ventes avec un tirage exceptionnel de 5 millions d'exemplaires de l'édition suivante du journal[21],[22],[23],[24],[25].
  • En , le magazine belge Médor devait sortir son premier numéro. Au vu de son contenu, une entreprise pharmaceutique demande en urgence l'interdiction de la publication[26]. Une semaine plus tard, la justice belge autorise la publication du premier numéro[27], dont les ventes explosent (10 000 exemplaires vendus[28]).
  • En , l'humoriste Gad Elmaleh tente de faire supprimer par les avocats de sa société de production des tweets du compte Twitter du vidéaste CopyComic qui l'accuse de plagiat[29],[30],[31], ce qui suscite un effet Streisand puisqu’après le retrait des tweets par Twitter, de nombreux internautes partagent les vidéos incriminées sur leur propres comptes[32].
  • En , Pauline Harmange publie l’ouvrage Moi les hommes, je les déteste, tiré à 500 exemplaires chez Monstrograph. Un chargé de mission au ministère de l'Égalité entre les femmes et les hommes demande ensuite que l'ouvrage soit retiré de la vente, pour « provocation à la haine à raison du sexe ». À la suite de cela, les ventes explosent et l'ouvrage ressort en urgence début octobre, tiré à 15 000 exemplaires[33].
  • En , le livre Maus d'Art Spiegelman est censuré par une école dans le Tennessee, entrainant un retour en tête des ventes aux États-unis[34].

Notes et références

  1. « Le buzz que l'on ne voulait pas », sur Le Monde, .
  2. (en) « California Coastal Records Project - Image 3850 - "Streisand Estate, Malibu" », sur California Coastline.
  3. (en) Mike Masnick, « Since When Is It Illegal to Just Mention a Trademark Online? », sur Techdirt (en), .
  4. (en) « Barbra Sues Over Aerial Photos », The Smoking Gun (en), .
  5. (en) Paul Rogers, « La photo de la maison de Barbra Streisand devient un hit sur Internet », San Jose Mercury News, avec pour site miroir Californiacoastline.org, (consulté le ).
  6. « L'effet Flamby », billet du par Genma.
  7. [vidéo] « L'effet "Flamby" - Une contre-histoire des Internets », diffuser et produit par ARTE, .
  8. « Qu'est-ce que l'effet Streisand ? », sur Franceinfo, (consulté le ).
  9. (en) « Will EDF become the Barbra Streisand of climate protest? », sur The Guardian, .
  10. Benoît Méli, « Greenpeace a fait plier Nestlé », sur Le Journal du Net.com, .
  11. « La blogueuse, l'insecticide "tueur de chats" et l'effet Streisand », sur Rue89, .
  12. « Twitter, la mauvaise cible d'Anne Hidalgo », .
  13. « Photos de Beyoncé au Super Bowl : Ses agents veulent faire supprimer les clichés peu flatteurs… mauvaise idée », sur Le Huffington Post, .
  14. Wikiscan : Pages les plus actives le .
  15. « La DCRI accusée d'avoir illégalement forcé la suppression d'un article de Wikipédia », sur Le Monde.fr, .
  16. « La DCRI s'attaque à Wikipédia et découvre "l'effet Streisand" », sur Slate.fr, .
  17. « 21 écolos anglais humilient EDF qui voulait les saigner », sur Rue89, .
  18. Renée Greusard, « François Hollande en ravi de la crèche : l’AFP retire la photo », sur Rue89.com, .
  19. « Hollande : l'AFP "m'a tuer" ! », sur Le Point.fr, .
  20. Damien Douani, « "The Interview" fait salle comble : Sony peut (vraiment) remercier l'effet Streisand », sur L'Obs.com, .
  21. Antoine Lagadec, « Charlie Hebdo : le plus bel effet Streisand du monde », sur Terrafemina.com, .
  22. « "Charlie Hebdo" et "Libération" interdits de séjour au Sénégal », sur Libération.fr, .
  23. (en) « Charlie Hebdo Muhammad Cartoons Force Newsrooms To Reevaluate Editorial Policies », sur International Business Times.com, .
  24. (es) « El ‘efecto Streisand’ rebota sobre ‘Charlie Hebdo’ », sur La Estrella de Panamá (es).com, .
  25. (en) Greg Lukianoff, « Free Speech, Charlie Hebdo, and the Ultimate Campus Trigger Warning », sur The Huffington Post.com, .
  26. Amandine Cloot, « Le premier numéro de « Médor » muselé : « C’est une tentative d’intimidation » », sur Le Soir, (consulté le ).
  27. « Fini la muselière pour Médor, le journal retrouve sa liberté », sur RTBF Info, (consulté le ).
  28. « Notre histoire », sur medor.coop (consulté le ).
  29. « Accusations de plagiat : Gad Elmaleh fait supprimer les vidéos de CopyComic sur Twitter », sur BFMTV.com, .
  30. Marc Rees, « Épinglé pour plagiat, Gad Elmaleh accuse CopyComic de contrefaçon », sur Next INpact.com, .
  31. Marion Simon-Rainaud, « Accusé de plagiat, Gad Elmaleh s'attaque à CopyComic », sur 01net.com, .
  32. Marc Rees, « CopyComic : Twitter réactive les deux vidéos anti-plagiats dénoncées par Gad Elmaleh », sur Next INpact.com, .
  33. Quentin Girard, « Pauline Harmange : tous des phallos ! », sur Libération.fr, .
  34. Charlotte Riccardi, « Banni d’une école du Tennessee, “Maus” redevient un best-seller aux États-Unis », sur Les Inrocks, (consulté le )

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • Portail d’Internet
  • Portail du droit
  • Portail de la liberté d’expression
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.