Effondrement du Rana Plaza
L'effondrement du Rana Plaza est l'effondrement d'un immeuble à Savar, faubourg ouest de Dacca, la capitale du Bangladesh[1], parfois appelé « catastrophe de l'usine de Dacca »[2], le 24 avril 2013, a provoqué au moins 1 127 morts pour environ 2 500 rescapés (bilan au 13 mai 2013)[3]. Les sources ultérieures parlent de 1 135 morts[4],[5],[6].
Effondrement d'un immeuble à Savar | |
Le bâtiment après l'effondrement. | |
Type | Effondrement de bâtiment |
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Pays | Bangladesh |
Localisation | Dacca |
Coordonnées | 23° 50′ 46″ nord, 90° 15′ 27″ est |
Date | |
Bilan | |
Blessés | 2500 |
Morts | Au moins 1 135 morts. |
Le bâtiment appelé Rana Plaza, qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour diverses marques internationales de vêtements, s'est effondré le matin, peu après l'heure de début du travail[7]. Des consignes d'évacuation données la veille, après l'apparition de fissures, avaient été ignorées par les responsables des ateliers[8].
Cette catastrophe est un des symboles des problèmes liés à la fast fashion[9],[10] et à la mondialisation[11].
Contexte
L'immeuble de huit étages, appelé Rana Plaza et propriété d'un dirigeant local de la Ligue Awami, Sohel Rana, abritait plusieurs ateliers de confection employant un total d'environ 5 000 salariés. Il hébergeait aussi des commerces et une banque[12]. Les ateliers de confection travaillaient pour diverses marques de vêtements, dont l'Espagnol Mango et l'Irlandais Primark. Selon le responsable de la sécurité civile et de la lutte contre les incendies du Bangladesh, Ali Ahmed Khan, les quatre étages supérieurs avaient été construits sans permis[13]. Selon des médias bangladais, la veille de la catastrophe, des inspecteurs avaient découvert des fissures dans l'immeuble et avaient requis son évacuation et sa fermeture. Les commerces et la banque qui occupaient les niveaux inférieurs avaient fermé immédiatement, mais les salariés des ateliers de confection s'étaient vu enjoindre de revenir le lendemain, leur encadrement déclarant que l'immeuble était sûr[12],[13].
Catastrophe et secours
À leur arrivée devant le bâtiment le matin, les ouvriers et ouvrières refusent d’entrer à cause des fissures apparues la veille. La direction des ateliers textiles menace de retenir les salaires ou de licencier les employés qui protestent ; ils prennent finalement leur poste. Une heure plus tard, panne de courant. Vers 9 heures, le sol commence à trembler. En deux minutes, le bâtiment s'effondre complètement, n'épargnant que le rez-de-chaussée. Selon un témoin, c'était comme si « un tremblement de terre avait frappé ». Le président de la Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association a confirmé que 3 122 salariés se trouvaient à ce moment dans l'immeuble[14].
Selon les données disponibles au lendemain de la catastrophe, le nombre des victimes atteint au moins 275 morts et un millier de blessés. Le site web de l'une des entreprises textiles indique que plus de la moitié des victimes sont des femmes, auxquelles s'ajoutent des enfants placés en crèche dans l'immeuble. Le ministre de l'Intérieur, Muhiuddin Khan Alamgir, a confirmé que les équipes des pompiers, la police et les troupes du Rapid Action Battalion participaient aux efforts de secours. Les secouristes volontaires ont utilisé des rouleaux de tissu pour aider les survivants à s'extraire du bâtiment.
Causes
L’effondrement du Rana Plaza est le résultat d’une succession de dysfonctionnements et de négligences coupables : « la corruption des autorités administratives locales par les propriétaires de l’usine, l’inaction et la passivité complice des donneurs d’ordre, silencieux face à l’absence de respect des normes de sécurité élémentaires chez leurs sous-traitants. Le drame fut causé par les vibrations provoquées par les générateurs d’électricité installés en haut du toit pour alimenter les usines »[15].
Suites et conséquences
Une journée de deuil national a été organisée le 25 avril 2013. Le même jour, des douzaines de survivants étaient découverts dans les ruines de l'immeuble. Le même jour également, les autorités chargées du développement de l'agglomération de Dacca ont engagé une action en justice contre les propriétaires de l'immeuble et cinq des ateliers de confection qui s'y trouvaient. Le 28 avril, le propriétaire Sohel Rana est arrêté avec des complices par le Rapid Action Battalion alors qu'il tente de fuir vers l'Inde[16].
De nombreuses manifestations sont organisées dans un pays où les ouvriers font régulièrement grève pour améliorer leur condition de travail[17],[18]. Les photographies de Taslima Akhter ont permis la mise en avant des conditions de travail déplorables et ainsi pouvoir travailler sur de nouvelles normes de sécurité. L'Humanité relève que « Les ouvriers enclenchent régulièrement des luttes pour que le parlement vote une loi sur la sécurité. En vain. Nombre de députés sont effectivement propriétaires d’usines et préfèrent sauvegarder un environnement favorable aux investissements étrangers plutôt que de consentir à des augmentations ou à des travaux qui ralentiraient la production sous pression constante des délais imposés par les marques occidentales »[19]. « Ils ont bloqué des routes en chantant « Pendez Rana » ». Finalement, le gouvernement bangladais annonce le 13 mai 2013 la mise en place d'une commission visant à revaloriser le salaire minimum des ouvriers du textile. Dans le même temps, un amendement sur une loi de 2006 limitant l'action syndicale doit aussi être officialisé afin de permettre aux ouvriers de tenter de mieux faire valoir leurs droits. Ceci fait suite à l'annonce de la semaine précédente concernant un plan d'inspection des usines de textile du pays, afin de s'assurer de leur état[20].
Un autre incendie meurtrier a eu lieu dans une autre industrie textile du pays le 9 mai à Dacca faisant huit morts[21].
Responsabilité sociétale des multinationales
En France, aucune entreprise n’étant juridiquement condamnable pour un mépris d’une loi ou norme sociale ou environnementale par un de ses sous-traitants, un groupe de députés réunis autour de Danielle Auroi, Philippe Noguès et Dominique Potier ont travaillé à l’élargissement de la responsabilité sociétale des entreprises, avec pour objectif l’imposition d’un « devoir de vigilance » aux multinationales quant au respect de ces normes par leurs filiales et sous-traitants.
Réuni à la suite du colloque du (quatre mois avant l’effondrement du Rana Plaza) sur cette thématique[22], le groupe de travail s’est notamment appuyé sur le retentissement médiatique de l’affaire pour porter une proposition devenue la loi n° 2017-399 du relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre[23]. Cette loi est cependant vidée de sa substance, le Conseil constitutionnel censurant le volet sur les sanctions[24].
Fashion Revolution
En réponse à la catastrophe meurtrière, les designeurs britanniques Carry Somers (en) (créatrice de la marque Pachacuti et pionnière de la mode éthique et équitable au Royaume-Uni) et Orsola de Castro[25] créent le collectif Fashion Revolution (en) qui prône une mode éthique. Ce collectif est à l'origine de la Fashion Revolution Day qui célèbre chaque année, la date anniversaire de la tragédie.
En 2014, 68 pays participent à cette cérémonie[26]. De nombreuses personnes se prennent en photo avec un vêtement, dont l'étiquette est apparente, et la postent sur les réseaux sociaux, avec le hashtag #whomademyclothes (« Qui a fabriqué mes vêtements », en français). Cette action vise à interpeller les marques sur les réseaux sociaux. Toutefois, très peu d'entre elles ont répondu et, pour celles qui l'ont fait, les informations données sont restées vagues[27].
En 2018, la Fashion Revolution Day est célébrée dans plus de 92 pays[28].
Entreprises concernées
Les entreprises présentes dans le Rana Plaza étaient au nombre de cinq : New Wave Style, Ether Tex, Canton Tech Apparel, Phantom Apparels et New Wave Bottoms. Celles-ci produisaient des vêtements pour les marques, entre autres : Mango, Benetton, The Children's Place, Cato Corp, Joe Fresh possédée par la société canadienne Loblaws et vendues dans les magasins J.C. Penney, les marques Cerdarwood et Denim Co. de la compagnie irlandaise Primark, la marque Papaya Denim de la société britannique Matalan, Free Style Baby vendue dans la chaîne El Corte Inglés et la marque espagnole Velilla[29].
Des étiquettes de vêtements Carrefour (marque Tex), Auchan (marque In Extenso), Camaïeu et H&M ont été retrouvées dans les décombres du Rana Plaza[30],[31].
Bilan des victimes
Le bilan fait état de 1 127 morts au 13 mai 2013[32], date à laquelle est annoncée la fin des opérations de secours. En septembre 2014, le journal Le Monde évoque 1 135 morts[4].
Fonds d'indemnisation des victimes
Un fonds d'indemnisation des victimes, le Rana Plaza Donors Trust Fund a été mis en place fin 2013 à la suite de négociations entre le gouvernement du Bangladesh, l'industrie textile, les syndicats et les organisations non gouvernementales. Le Rana Plaza Donors Trust Fund est géré par l’Organisation internationale du travail (OIT). Tout le monde peut donner, particulier, organisation ou entreprise. Le fait pour une entreprise de donner de l'argent au fonds d'indemnisation ne constitue pas une reconnaissance de sa responsabilité dans la catastrophe du Rana Plaza.
Parmi les entreprises clientes du Rana Plaza, Bonmarché, C&A Foundation, Loblaw, BRAC USA, The Children's Place, Walmart, Asda and the Walmart Foundation, Camaieu, El Corte Inglés, Gueldenpfennig, H&M, Inditex, KiK, LPP SA, Mango, Mascot, Premier Clothing et Primark ont fait un don au fonds d'indemnisation des victimes. D'autres entreprises telles que N Brown Group, VF Corporation, Gap, H&M Conscious Foundation, Debenhams and Zebra Fashion ont contribué au fonds d'indemnisation alors qu'elles n'étaient pas clientes du Rana Plaza.
À la date du 21 août 2014, le fonds d'indemnisation n'avait réuni que 17,9 millions de dollars alors qu'il avait calculé qu'il avait besoin de 40 millions de dollars pour indemniser correctement les victimes. Cela peut s'expliquer en partie par le fait qu'une partie des entreprises concernées par le Rana Plaza dont Adler Modemärkte, Grabalok, Ascena Retail, Iconix (Lee Cooper), NKD, Auchan, JC Penney, PWT (Texman), Benetton, KANZ/Kids Fashion Group, Robe di Kappa, Carrefour, LC Waikiki, Yes Zee, Cato Fashions and Manifattura Corona n'ont pas versé d'argent au fonds d'indemnisation[33].
Le 22 août 2014, alors qu’il avait refusé jusqu’à présent toute démarche en ce sens[34], le groupe Auchan annonce qu’il va verser 1,5 million de dollars au fonds d’indemnisation des victimes du Rana Plaza[35],[36].
Au 23 août 2014, le fonds d'indemnisation, piloté par l'Organisation internationale du travail (OIT), lequel a fixé en décembre 2013 à 40 millions de dollars (30 millions d'euros), n'en rassemble pour l'instant que la moitié[37].
Suites
Au Bangladesh, en janvier 2019, des milliers d’ouvriers du textile se sont mis en grève pour réclamer de meilleurs salaires. La police a affirmé avoir utilisé des canons à eau et du gaz lacrymogène pour disperser la foule d’ouvriers en grève à Savar. L’économie du Bangladesh continue à reposer largement sur l’industrie textile. Des millions d’ouvriers sont employés à bas coûts dans près de 4 500 ateliers, fabriquant à tour de bras des vêtements pour les distributeurs occidentaux comme H&M, Primark, Walmart, Tesco, Carrefour et Aldi. Les 30 milliards de dollars d’exportations du secteur textile représentent 80 % des exportations totales du pays[38].
Notes et références
- (en) « Bangladesh factory building collapse kills over 70, injures hundreds », sur Reuters, (consulté le ).
- (en-GB) « Dhaka factory collapse: No compensation without DNA identification », BBC News, (lire en ligne, consulté le )
- Bilan au 13 mai 2013.
- Nicole Vulser, « La percée spectaculaire de Primark en France », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le ).
- « Rana Plaza : un an après, Auchan visé par une plainte », sur L'Obs, (consulté le ).
- Arthur Neslen, « Le drame du Rana Plaza pousse l'UE à bouger sur les normes du travail », sur euractiv, (consulté le ).
- (en) Jethro Mullen, « Bangladesh building collapse kills at least 80 », sur CNN, (consulté le ).
- Kamrul Hasan Khan, « Bangladesh : deuil national pour les 275 morts dans un immeuble », sur LaPresse.ca, .
- (en) Lucy Siegle, « Rana Plaza a year on: did fast-fashion brands learn any lessons at all? », sur theguardian.com, .
- « L'effondrement du Rana Plaza, symbole des abus de la fast fashion », sur lexpress.fr, .
- Antoine d’Abbundo, « Le Rana Plaza, symbole d’une mondialisation sauvage », sur lexpress.fr, .
- (en) Syed Zain Al-Mahmood, « Bangladesh building collapse kills at least 76 garment workers », sur The Guardian, (consulté le ).
- (en) Jim Yardley, « Building Collapse in Bangladesh Leaves Scores Dead », The New York Times, (consulté le ).
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- Guillaume Delalieux, « Devoir de vigilance », sur revue-projet.com, .
- « http://www.unbconnect.com/component/news/task-show/id-112388 »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- Julien Bouissou et Julien Bouissou, « Les conditions de travail et de sécurité au Bangladesh scandalisent », Le Monde, (lire en ligne).
- AFP, « Bangladesh: 700 usines textile en grève », Le Figaro, (lire en ligne).
- « Bangladesh : la griffe des marques sur les usines de la mort », L'Humanité, 30 avril 2013.
- « Bangladesh : hausse des salaires et droits syndicaux pour apaiser l'industrie textile », sur lemonde.fr, .
- « Bangladesh : un nouvel incendie dans une usine textile fait huit morts », (consulté le ).
- « Devoir de vigilance des entreprises multinationales », sur danielleauroi.fr, (consulté le ).
- Sénat, dossier législatif : devoir de vigilance des sociétés mères.
- « La loi "Rana Plaza" sur la vigilance des entreprises vidée de sa substance », sur lentreprise.lexpress.fr, .
- Eloise Roulette, « Fashion Revolution : La mode éthique contre le textile toxique », sur parismatch.be, .
- (en) « In your country : Fashion Revolution », sur fashionrevolution.org (consulté le ).
- « Fashion Revolution Day : inciter les marques de mode à la transparence », sur lapresse.ca (consulté le ).
- Corinne Jeammet, « 5 ans après le drame du Rana Plaza, la Fashion Revolution poursuit son combat », sur francetvinfo.fr, .
- (en) « Factory Collapse in Bengladesh », sur Institute for Global Labour and Human Rights.
- « Bangladesh : après la recherche des cadavres, celle des étiquettes », Rue89, (lire en ligne).
- Justine Mazzoni, « H&M mouille la chemise pour redorer son blason », sur Le Point, (consulté le )
- « Immeuble effondré au Bangladesh : fin des recherches », sur arcinfo.ch, .
- (en) « Rana Plaza fund to roll out in two weeks », The Daily Star (Bangladesh), (lire en ligne).
- http://www.peuples-solidaires.org/rana-plaza-auchan-promet-15-millions-aux-victimes/ Peuples Solidaires-ActionAid France.
- Groupe Auchan soutient l’opération de solidarité aux victimes du Rana Plaza. Communiqué officiel.
- « Rana Plaza : les 1,5M promis par Auchan semblent insuffisants », (consulté le ).
- « Rana Plaza : Auchan va (peu) indemniser les victimes », sur Arrêt sur images, (consulté le ).
- « Au Bangladesh, des milliers d’ouvriers du textile en grève pour réclamer de meilleurs salaires », sur lemonde.fr, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
- Atelier de misère (Sweatshop)
- Esclavage salarié
- Industrie textile, Mode (habillement)
- Santé et sécurité au travail
- The Corporation (Les Multinationales, la recherche pathologique du profit et du pouvoir), film documentaire de 2003.
- Éthique sur l'étiquette
- Incendie de Dacca en 2010
Liens externes
- Du sang sur mes fringues : reportage radio (réécoutable) diffusé dans l'émission Là-bas si j'y suis le 30 avril 2013, réalisé en 2006 mais remonté à la suite de la catastrophe.
- Fashion Victims : documentaire dédié à la catastrophe et aux conditions de travail dans l'industrie textile au Bangladesh (sur Thoughtmaybe).
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