Sanctions contre l'Iran

Les sanctions contre l'Iran sont une série d'embargos contre l'Iran, dont le principal a été mis en place par les États-Unis à partir de 1995, les autres consistant en des embargos sur les armes décidés par les Nations unies et l'Union européenne en 2006 et 2007.

Histoire

1979

En 1979, à la suite de la prise d'otages à l'ambassade américaine, les États-Unis gèlent 12 milliards d'actifs financiers détenus par l'Iran[1].

En 1984, durant la guerre Iran-Irak, les États-Unis mettent en place un embargo sur les armes contre l'Iran, ainsi que l'interdiction d'émettre des crédits financiers en faveur de l'Iran. Les États-Unis justifient ces sanctions en invoquant notamment les liens de l'Iran avec le Hezbollah, accusé d'avoir pris part aux attentats de Beyrouth du 23 octobre 1983[1].

En , les États-Unis mettent en place un embargo sur le pétrole contre l'Iran[2], puis en , ils mettent en place un embargo économique interdisant tout commerce avec l'Iran. En 1996, la loi d'Amato-Kennedy interdit à toute entreprise étrangère d'effectuer un investissement supérieur de 20 millions de dollars en Iran dans le secteur des hydrocarbures. La multinationale Total est contrainte de payer 300 millions de dollars aux États-Unis après un accord « à l'amiable »[3].

2000

En 2004, des dispositions de l'administration américaine réduisent ou interdisent la coopération scientifique avec les chercheurs iraniens. En parallèle, des restrictions sur le commerce d'équipements aéronautiques sont également mises en place[1].

En 2005, à la suite de la victoire des conservateurs et à l'élection de Mahmoud Ahmadinejad à l'élection présidentielle, l'Iran reprend sa recherche sur le nucléaire[4].

En , les États-Unis durcissent les restrictions sur les services financiers que les banques américaines fournissent à l'Iran[1].

En , les Nations unies mettent en place un embargo sur les armements au travers notamment de la résolution 1737[5].

En , l'Union européenne met en place à son tour un embargo sur les armes contre l'Iran. Cet embargo concerne également le matériel de surveillance de télécommunication, le matériel de maintien de l'ordre et le matériel nucléaire à destination militaire. Le commerce des armes, des munitions, des véhicules et équipements militaires et paramilitaires (ainsi que leurs pièces détachées), les services financiers liés à l'armement sont prohibés, ainsi que le matériel utilisé pour l'utilisation de réacteurs nucléaires à eau légère[6].

2010

L'Union européenne interdit également en 2012 l'importation d'hydrocarbures en provenance d'Iran[7], et l'exportation vers l'Iran de matériel miniers, de métaux précieux et d'équipements navals. L'Union européenne gèle également les actifs financiers de la république d'Iran, ainsi que des banques iraniennes. Enfin, l'Union européenne interdit l'accès à son sol aux transports aériens de frets venant d'Iran et interdit le commerce de pièces détachées et de services de maintenance pour l'aviation iranienne[8].

En 2012, le National Defense Authorization Act permet de restreindre la possibilité pour la banque centrale d’Iran d'utiliser des services financiers étrangers pour l'exportation d'hydrocarbures[7]. De plus, le transfert de technologies liées de près ou de loin à la fabrication des armes nucléaires, à des étudiants ou chercheurs iraniens, devient interdit dans l'ensemble du territoire Européen[9].

En 2013, le congrès américain vote un renforcement des sanctions contre l'Iran.

En , le plan d'action conjoint, accord intermédiaire avant le Plan d’action global commun, allège temporairement les sanctions établies par l'Union européenne[8].

En , à la suite du Plan d’action global commun, l'embargo décrété par les Nations unies et l'Union européenne est allégé et remplacé par de nouvelles dispositions adoptées par la résolution 2231. Selon cette résolution, la fourniture d'armements lourds (chars, artillerie, avions de combat, navires de guerre) à l'Iran doit préalablement avoir l'accord du conseil de sécurité des Nations unies. De même, cette résolution interdit la fourniture de missiles balistiques. L'accord inclut l'autorisation du conseil de sécurité pour un certain nombre d'éléments du secteur nucléaire, alors que d'autres tels que les réacteurs à eau légère sont autorisés sans permissions préalables[10]. Certains échanges dans les secteurs des logiciels et des métaux sont également toujours concernés par des restrictions. Le gel des actifs financiers est notamment levé[11], ainsi que celui du commerce d'hydrocarbures[12]. Malgré cette décision des Nations unies, les États-Unis n'ont levé que peu de leurs sanctions contre l'Iran. Ils obligent les entreprises commerçant avec l'Iran de le signaler à l'Office of Foreign Assets Control[7]. L'Union européenne a supprimé son embargo sur les produits pétroliers[7].

2018

En , Donald Trump annonce le retrait des États-Unis du Plan d’action global commun, rétablissant les sanctions américaines contre l'Iran, dans un délai de 90 à 180 jours. Ces sanctions rétablies portent sur un embargo sur les produits pétroliers, sur le secteur aéronautique et minier, et une interdiction d'utiliser le dollar américain dans les transactions commerciales avec l'Iran[13].

Le , le Ministère des affaires étrangères d'Iran annonce que l’Iran a porté plainte contre les États-Unis à la Haye, siège de la Cour internationale de justice (CIJ)[14]. Le but de cette plainte est de « faire rendre des comptes aux États-Unis pour leur réimposition illégale de sanctions unilatérales », déclare Mohammad Javad Zarif[14].

Le , Washington récuse sèchement la compétence de la CIJ[15], « L’Iran n’a pas établi l’existence d’une base garantissant la compétence de la Cour », explique la représentante américaine Jennifer Newstead[16]. Dans les audiences, l'Iran, se référant au traité américano-iranien de 1955 qui prévoit des « relations amicales » entre les deux nations, affirme que les actions des États-Unis constituent des «violations flagrantes» des dispositions du traité mentionné. Les États-Unis, en réponse, annoncent que « le traité d’amitié préserve le droit des États-Unis de prendre de telles décisions et de telles mesures », comme l’imposition de sanctions, afin de garantir sa « sécurité nationale », a ajouté Jennifer Newstead[16].

Le , quinze juges de la plus haute instance judiciaire des Nations unies (basée à La Haye), décident à l'unanimité que les sanctions imposées visant certains biens constituent une violation du traité d'amitié conclu en 1955 entre l'Iran et les États-Unis. Cette décision de la CIJ est un jugement incontestable parce que les décisions de la CIJ sont contraignantes, mais les deux parties ont déjà ignoré l'avis de la Cour dans le passé ; enfin, il faut ajouter que la CIJ ne dispose d'aucun moyen pour faire appliquer ses décisions[17].

Les importations de pétrole iranien par l'Inde chutent de 40 % entre 2018 et 2019. L'Inde retire également ses investissements du port de Tchabahar, compromettant l'avenir commercial de celui-ci[18]. Ces sanctions ouvrent de marchés à l'Arabie saoudite, dont les relations commerciales avec l'Inde ont doublé, passant de 14 à 28 milliards de dollars[18].

Réponse de l'Union européenne

En réponse à l'attitude américaine, l'Union européenne décide, en , de réactiver une loi de blocage (en) de 1996, afin de maintenir les relations commerciales entre l'Iran et l'UE par la « [poursuite de] la mise en œuvre intégrale et efficace de l'accord sur le nucléaire iranien ». Cela a trois conséquences : la notification à la Commission européenne de toute sanction prise par une autorité étrangère contre une entreprise européenne, l'opposition aux effets de ces mesures sur le territoire européen sauf dérogation, et le lancement d'une procédure d'indemnisation[19],[20].

En , la chef de la diplomatie de l'Union européenne Federica Mogherini, annonce l'intention de l'UE de mettre en place un mécanisme légal pour faciliter les transactions financières avec l'Iran. Ceci aboutit en à la création de la société de droit français INSTEX. L'objectif visé est de mettre en place un intermédiaire entre les sociétés européennes et iraniennes et ainsi d'éviter aux premières d'être exposées aux sanctions américaines. Au moment de l'annonce de sa création, de nombreux détails de mise en œuvre des transactions reste à définir et son périmètre est uniquement limité aux biens alimentaires et médicaments, ce qui conduit de nombreux observateurs européens et iraniens à être circonspects sur son impact[21].

2019

En , le gouvernement américain instaure de nouvelles sanctions visant notamment « la dernière source de revenus de la Banque centrale d'Iran », déjà sur la liste noire américaine, mais aussi le Fonds national de développement, « c’est-à-dire leur fonds souverain qui sera ainsi coupé » du système bancaire américain, selon le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin. D'après Donald Trump, il s'agit des « sanctions les plus sévères jamais imposées à un pays »[22].

Fin 2019, en période de préparation du budget 2020, le gouvernement iranien reconnaît les impacts significatifs que ces sanctions ont sur son économie[23].

2020

Le , le Groupe d'action financière (GAFI-FATF, basé à Paris), du fait du refus de l'Iran de satisfaire aux normes en matière de financement du terrorisme, « appelle ses membres et toutes juridictions à appliquer des contre-mesures[24] ». Cette décision rend encore plus difficile aux banques de commercer avec l'Iran, et rendra probablement impossible la poursuite des tentatives européennes d'utiliser l'INSTEX pour maintenir des échanges commerciaux avec l'Iran[25].

En mars, dans le contexte de pandémie de maladie à coronavirus, l'Iran demande aux États-Unis d’alléger les sanctions afin de pouvoir se défendre contre l'épidémie, ce que refusent ces derniers. La Chine a également demandé à Washington d'accepter un geste humanitaire envers l'Iran[26].

Au même mois, en pleine pandémie internationale, une organisation néoconservatrice controversée, United Against Nuclear Iran (en), très proche de l'administration Trump, ayant un passif d'idéologies et de discours anti-Iran, censée "prévenir l'Iran de posséder des armes nucléaires" via des campagnes alarmistes, mènent des campagnes de "dénonciations" et de menaces contre des entreprises pharmaceutiques qui commercent avec l'Iran, même si ces transactions sont légales et ne contreviennent à aucune sanctions ou lois. "Ces organisations cherchent à toucher les réputations des sociétés pharmaceutiques ou quelles qu'elles soient en pratiquant le name and shame, ainsi, même si les transactions sont légales, les sociétés impliquées sont sous pression de ce type de groupes et leurs réputations peuvent-être mises en danger en se voyant associés avec l'Iran publiquement, même si ces transactions sont légales ou humanitaires", une dizaine de sociétés pharmaceutiques dont Pfizer ou encore Bayer ont été visées. L'organisation exprime tout de même "son support" et sa "solidarité envers le peuple Iranien"[27]. Un officiel de l'administration Trump expliquait l'année dernière que "tout cela est un mythe" et que "nos sanctions n'empêchent pas l'accès aux médicaments et aux soins en Iran."[28]

En août, le Conseil de sécurité des Nations unies ne prolonge pas son embargo contre les armes contre l'Iran qui arrive à terme le [29], seuls deux des quinze membres du Conseil ayant voté pour la résolution introduite par les États-Unis[30].

En septembre, les États-Unis annoncent de manière unilatérale le rétablissement des sanctions de l'ONU, lié au Plan d’action global commun, plan dont les États-Unis se sont retirés. Ces sanctions seraient contraignant pour toutes entités économiques qui travaillent en lien avec l'Iran. Le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France dénoncent cette attitude[31].

En octobre, les États-Unis adoptent de nouvelles sanctions visant à couper définitivement le secteur financier iranien du reste du monde. De nombreux observateurs estiment que ces mesures réduisent plus encore la possibilité pour l’Iran d’acquérir des biens humanitaires[32].

Sanctions contre les entreprises américaines et européennes

Au cours des années 2010, les entreprises européennes ont dû payer aux États-Unis plus de 40 milliards de dollars d’amendes pour avoir maintenu des transactions avec l'Iran. D'après le journaliste économique Jean-Michel Quatrepoint, les sanctions sont considérablement plus sévères pour les entreprises européennes que pour les entreprises américaines et visent dans certains cas, notamment en raison des puissants efforts de lobbying déployés par les entreprises américaines, à éliminer la concurrence européenne. En outre, cette politique permet à terme aux États-Unis de se réserver certains marchés[33].

Références

  1. Amélie Neuve-Eglise, « Iran : après plus de 20 ans de sanctions, quelle influence sur l’économie ? », sur La revue de Téhéran,
  2. Sophie Desjardin, « Comprendre le cheminement des sanctions contre l'Iran », sur Euronews,
  3. Alain Deneault, « Total, un gouvernement bis », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )
  4. « Chronologie: dix ans de crise nucléaire en Iran », sur L'Express,
  5. Cordélia Bonal, « Nucléaire iranien, onze ans de crise et toujours pas d'accord », sur Libération,
  6. « Iran (UE) », sur Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité
  7. Charlotte Peytour, « Quelles sont les sanctions contre l’Iran encore en vigueur ? », sur Le Monde,
  8. « Mesures restrictives de l'UE à l'encontre de l'Iran », sur Conseil de l'Union européenne
  9. (en) Union Européenne, « COUNCIL REGULATION (EU) No 267/2012 of 23 March 2012 concerning restrictive measures against Iran and repealing Regulation (EU) No 961/2010. », sur eur-lex.europa.eu, (consulté le )
  10. « Iran (ONU) », sur Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité
  11. « Mesures mises en oeuvre par l'ONU », sur Direction générale du Trésor
  12. « Les États-Unis et l'UE lèvent leurs sanctions contre l'Iran : qu'est-ce qui va changer ? », sur France 24,
  13. « Donald Trump annonce le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien », sur Le Monde,
  14. « L'Iran porte plainte contre Washington devant la Cour internationale de justice », sur La Tribune,
  15. « Sanctions contre l’Iran : les États-Unis réfutent la compétence de la CIJ », sur La Croix, ,
  16. « Sanctions contre l’Iran : les Etats-Unis ne reconnaissent pas la « compétence » de la CIJ », sur Le Monde,
  17. « Sanctions contre l'Iran : la Cour internationale de justice rappelle à l'ordre les États-Unis », sur france24,
  18. Christophe Jaffrelot, « Alliances insolites autour de la mer d’Oman », sur Le Monde diplomatique,
  19. « La loi anti-blocage de l’UE (fiche) », sur Bruxelles2.eu,
  20. « Bruxelles activera sa loi de blocage pour protéger les entreprises européennes en Iran », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  21. « En Iran, des commémorations dans l’amertume », sur lemonde.fr, (consulté le )
  22. « « Les sanctions les plus sévères jamais imposées à un pays » : Trump renforce ses sanctions contre l’Iran », AFP, (lire en ligne)
  23. , Libération, 8 décembre 2019
  24. « Juridictions à haut risque soumises à un appel à l'action », sur fatf-gafi.org, (consulté le ).
  25. (en) « Iran blacklisted by international financial watchdog », sur debka.com, (consulté le ).
  26. (en) « U.S. to Iran: Coronavirus won't save you from sanctions », Reuters, (lire en ligne)
  27. (en-US) Eli Clifton, « Amid Coronavirus Outbreak, Trump-Aligned Pressure Group Pushes to Stop Medicine Sales to Iran », sur The Intercept, (consulté le )
  28. (en-US) Abbas Kebriaeezadeh, « U.S. Sanctions Are Killing Cancer Patients in Iran », sur Foreign Policy (consulté le )
  29. « L’ONU rejette la résolution américaine visant à prolonger l’embargo sur les armes en Iran », sur Le Monde,
  30. Rejet du texte US sur l'Iran à l'ONU: "Une décision scandaleuse" (B. Netanyahou), i24, 15 août 2020.
  31. « Washington proclame unilatéralement que les sanctions de l’ONU contre l’Iran sont à nouveau en vigueur », sur Le Monde,
  32. « Les Etats-Unis prennent des sanctions contre les principales banques iraniennes », Le Monde.fr, (lire en ligne)
  33. Jean-Michel Quatrepoint, « Au nom de la loi… américaine », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )

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