Emmanuel Désveaux

Emmanuel Désveaux (né en 1956) est un anthropologue français, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Emmanuel Désveaux
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Biographie

Un long terrain de deux ans dans le Grand Nord canadien chez les Ojibwa septentrionaux au début des années 1980 a conduit Emmanuel Désveaux à embrasser le projet d'analyse structurale qu'avait développé Claude Lévi-Strauss dans Les Mythologiques dont il devient par ailleurs un spécialiste reconnu. Ce premier travail le pousse à entreprendre une comparaison des données ethnographiques à l’échelle de l’Amérique du Nord dans son ensemble. Il s’agissait de démontrer que la logique transformationnelle panaméricaine mise en relief par Lévi-Strauss valait non seulement pour les mythes, mais aussi pour les rites, pour les objets et pour les organisations sociales. Lors de cet épisode intellectuel, Emmanuel Désveaux s’intéresse alors particulièrement aux attendus épistémologiques du structuralisme lévi-straussien (en particulier aux quadrants, groupe de Klein et formule canonique des mythique, tout comme un inavouable arrière-plan diffusionniste) comme à la parenté. Il se livre ainsi à une critique accérée des fondements de ce que ce qu’on appeler la « raison parentaire »[1]. Son livre Quadratura americana, Essai d’anthropologie lévi-straussienne, publié en 2001, rend compte de cet ensemble de réflexions. Emmanuel Désveaux s’est attaché à poursuivre la démonstration en ce qui concerne les langues, dans l'optique de renouveler de façon radicale la question des classifications linguistiques en Amérique[2]. C'est dans ce contexte qu'il fonde en 2009 avec Michel de Fornel le LIAS[3]centre de linguistique anthropologique et sociolinguistique au sein de l'Institut Marcel Mauss (EHESS/CNRS, UMR 8178). La reconfiguration de ce laboratoire, puis sa disparition, ont malheureusement entraîné la dissolution du LIAS. Depuis déjà quelque temps, la réflexion d'Emmanuel refuse de se laisser enfermer dans une aire culturelle donnée, serait-elle aussi large et prestigieuse que l'Amérique. Toujours inspiré par l'idée lévi-straussienne d'un primat du sémantique, lequel implique des polarités, il voit dans l'opposition des sexes le fondement de toute société. Il montre cependant qu'elle revêt selon les grandes aires culturelles des significations très différentes. À côté de la division sexuelle des tâches, des dispositifs rituels et des nomenclatures de parenté, le coït et la connaissance des mécanismes de la conception apparaissent à Emmanuel Désveaux comme des clés essentielles, trop souvent négligées par ses collègues anthropologues, pour saisir ces différences de signification. Il n'hésite pas à mobiliser des données ethnographiques australiennes, extrême-orientales et, surtout, européennes pour étayer son argument. Ces trois derniers ouvrages, Avant le genre, triptyque d'anthropologie hardcore (2013), La parole et la substance. Essai d'anthropologie comparée de l'Amérique et de l'Europe (2017) et Sexualités, sociétés, nativités. Une enquête anthropologique (2022) traduisent ses efforts en ce sens. Dans ce dernier livre il approfondit l'analyse : en définitive, ce qui caractérise l’Occident par rapport à d’autres civilisations, c’est l’alignement de la procréation humaine sur l’élevage animal. Depuis l’Antiquité, nous concevons notre reproduction biologique comme le font les éleveurs : accentuation extrême de la polarité sexuelle, intériorisation des lois de l’hérédité et sélection. Si le christianisme a su supplanter en partie cette conception utilitariste de la procréation pendant des siècles, son déclin combinés au progrès de la médecine reproductive remet au premier plan une procréation utilitariste, synonyme d’instrumentalisation des corps. Emmanuel Désveaux, se situant à contre-courant de la pensée dominante dans son milieu (car il se définit comme un homme de gauche[4]), s'interroge alors sur la dimension réellement émancipatrice que possèderait la PMA ouverte à toutes les femmes, sans même parler de la GPA.

En parallèle, dans le cadre d'un programme de l'ANR (Agence nationale de la recherche) « SOURVA : Aux sources de la variation culturelle » qu'il coordonnait, Emmanuel Désveaux s'est lancé depuis 2010 dans une vaste enquête sur l'architecture vernaculaire des hautes vallées alpines[5]. Ce travail, qui doit donner lieu prochainement à une publication d'ensemble, montre à la fois la profonde unité de ces formes bâties et le caractère transformationnel des différentes variantes observées. Il rejoint par ce biais une problématique très proche de celle des mythes américains sur lesquels ont porté ses premiers travaux. L'enquête débouche sur des perspectives inédites concernant la colonisation, à l'époque moderne, des hautes vallées alpines. Celle-ci doit être considérée désormais à l'aune de la dite Révolution pastorale et ce, au-delà de la différence entre les régions germanophones et celles où l'on parle le français, l'italien, le rhéto-romanche ou encore des langues slaves.

Enfin, Emmanuel Désveaux dirige en ce moment un autre programme ANR, intitulé "Nambikwara" et dédié à l'étude des carnets de terrain de Lévi-Strauss. Notons qu'il a publié en 2016 deux conférences inédites de cet auteur sous le titre de Montaigne à Montaigne (Paris, Editions de l'EHESS) ainsi qu'une nouvelle préface à la réédition en poche des Structures élémentaires de la parenté (Paris, Editions de l'EHESS, 2017).

En complément de ses activités de chercheur stricto sensu, Emmanuel Désveaux tient régulièrement son séminaire à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a enseigné à Rio de Janeiro, au département d'anthropologie de l'université de l'Indiana à Bloomington (qui lui a conféré le titre d'adjunct professor), à Berlin (à la Humbold Universität et la Freie Universität) et à l'université de Virginie à Charlottesville. Enfin, il a été directeur scientifique du musée du quai Branly-Jacques Chirac de 2001 à 2006 et a été commissaire de l’exposition « Kodiak, Alaska, les masques de la collection Alphonse Pinart » (Paris, 2002). De 2013 à 2017, il était directeur des Éditions de l'EHESS. Il est à présent responsable de la formation anthropologie sociale et ethnologie à l'EHESS.

Principales publications

  • Sexualités, sociétés, nativités. une enquête anthropologique, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2022, 408 pages. (ISBN 979-10-267-1080-6)
  • La parole et la substance : Anthropologie comparée de l'Amérique et de l'Europe, Paris, Les Indes savantes, 2017, 340 pages. (ISBN 978-2-84654-473-3)
  • Avant le genre : Triptyque d'anthropologie hardcore, Paris, Éditions de L'EHESS, 2013, 292 pages. (ISBN 978-2-7132-2374-7)
  • Faire des Sciences Sociales, Généraliser, sous la direction de Emmanuel Désveaux et de Michel de Fornel, Paris, Éditions de l'EHESS, 2012. (ISBN 978-2-7132-2363-1)
  • Au-delà du structuralisme : six méditations sur Claude Lévi-Strauss, Bruxelles, Éditions Complexe, 2008, 160 pages. (ISBN 978-2-8048-0154-0)
  • Spectres de l'anthropologie : suite nord-américaine, Montreuil, Aux lieux d'être éditions, « Sciences contemporaines », 2007, 336 pages. (ISBN 978-2-916063-15-7)
  • (dir.), Kodiak, Alaska : les masques de la collection Alphonse Pinart, catalogue de l'exposition, Paris, Musée national des arts d'Afrique et d'Océanie, -, Paris, A. Biro, Musée du Quai Branly, 2002. (ISBN 2-87660-363-2)
  • Quadratura Americana: essai d'anthropologie lévi-straussienne, Genève, Georg, « Ethnos », 2001, 648 pages. (ISBN 2-8257-0744-9)1
  • Sous le signe de l'ours : mythes et temporalité chez les Ojibwa septentrionaux, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'homme, 1988, 320 pages. (ISBN 978-2-73510256-3)

Notes et références

  1. "Critique de la raison parentaire", L'Homme 164 (octobre-décembre 2002), p. 105-124.
  2. "From Ojibwa to Dakota: Toward a Typology of semantical Transformations in American Indian Languages", Anthropological Linguistics, vol. 51, n. 2, Summer 2009, p. 95-130 (en collaboration avec M. de Fornel).
  3. http://lias.ehess.fr/index.php
  4. "La PMA et les GPA ne sont pas progressistes", Le Figaro, 5-6 octobre 2019.
  5. "De Lévi-Strauss à Haudricourt : promenade architecturale en Savoie", Techniques & Culture, no 56, 2011/1, p. 202-223.


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