Emprisonnement avec sursis en droit canadien

L'emprisonnement avec sursis en droit canadien est prévu par les articles 742[1] et suivants du Code criminel. Le tribunal peut ordonner à une personne condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, déclarée coupable de certaines infractions, de purger sa peine dans la collectivité.

Critères pour l'octroi du sursis

Il faut comprendre que les critères pour le sursis de l'art. 742.1 C.cr.[2] sont très nombreux et cela a comme conséquence que les procureurs ont le réflexe de penser que la plupart des actes criminels sont inadmissibles au sursis. La disposition a été modifiée pour resserrer les règles quant à ceux qui ont le droit de purger leur peine dans la collectivité.

Le sursis est notamment impossible en cas de peine minimale, quand l'accusé a été condamné à une peine de plus de deux ans, quand le juge croit que cela met en danger la collectivité, quand l'infraction est passible d'une peine maximale de 14 ans ou d'emprisonnement à perpétuité, quand il s'agit d'une infraction de terrorisme ou d'organisation criminelle, quand l'infraction a une peine maximale de dix ans et qu'elle entraîne des lésions corporelles, ou met en cause une arme, ou concerne le trafic de drogues, de même que quand il s'agit d'une des infractions poursuivies par mise en accusation énumérées à l'art. 742.1 f) C.cr..

« Octroi du sursis

742.1 Le tribunal peut ordonner à toute personne qui a été déclarée coupable d’une infraction de purger sa peine dans la collectivité afin que sa conduite puisse être surveillée — sous réserve des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3 —, si elle a été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans et si les conditions suivantes sont réunies :

a) le tribunal est convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif essentiel et aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2;

b) aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévue pour l’infraction;

c) il ne s’agit pas d’une infraction poursuivie par mise en accusation et passible d’une peine maximale d’emprisonnement de quatorze ans ou d’emprisonnement à perpétuité;

d) il ne s’agit pas d’une infraction de terrorisme ni d’une infraction d’organisation criminelle poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus;

e) il ne s’agit pas d’une infraction poursuivie par mise en accusation et passible d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans, et, selon le cas :

(i) dont la perpétration entraîne des lésions corporelles,

(ii) qui met en cause l’importation, l’exportation, le trafic ou la production de drogues,

(iii) qui met en cause l’usage d’une arme;

f) il ne s’agit pas d’une infraction prévue à l’une ou l’autre des dispositions ci-après et poursuivie par mise en accusation :

(i) l’article 144 (bris de prison),

(ii) l’article 264 (harcèlement criminel),

(iii) l’article 271 (agression sexuelle),

(iv) l’article 279 (enlèvement),

(v) l’article 279.02 (traite de personnes : tirer un avantage matériel),

(vi) l’article 281 (enlèvement d’une personne âgée de moins de quatorze ans),

(vii) l’article 333.1 (vol d’un véhicule à moteur),

(viii) l’alinéa 334a) (vol de plus de 5 000 $),

(ix) l’alinéa 348(1)e) (introduction par effraction dans un dessein criminel : endroit autre qu’une maison d’habitation),

(x) l’article 349 (présence illégale dans une maison d’habitation),

(xi) l’article 435 (incendie criminel : intention frauduleuse). »

Les critères ont été resserrés dans des lois adoptées en 2007[3] et 2012 [4]. Il ne faut pas tenir compte d'anciennes jurisprudences où les actes criminels en cause remontent avant ces dates, par ex. dans l'arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa[5], car auparavant les critères pour obtenir l'emprisonnement avec sursis étaient moins sévères.

Conditions obligatoires assorties à l'ordonnance de sursis

Obligatoirement, le tribunal assortit l'« ordonnance de sursis » des conditions suivantes, intimant au condamné :

  1. de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite ;
  2. de répondre aux convocations du tribunal ;
  3. de se présenter à l'agent de surveillance (de manière répétée) ;
  4. de rester dans le ressort du tribunal, sauf permission écrite d'en sortir donnée par le tribunal ou par l'agent de surveillance ;
  5. de prévenir le tribunal ou l'agent de surveillance de ses changements d'adresse ou de nom et de les aviser rapidement de ses changements d'emploi ou d'occupation.

Conditions facultatives

De manière facultative, le tribunal peut assortir l'ordonnance de sursis de conditions supplémentaires, comme l'interdiction de consommer certaines substances.

Manquement aux conditions

En cas de manquement non excusable à une des conditions de l'ordonnance de sursis, le tribunal peut prendre diverses mesures, voire mettre fin à l'ordonnance de sursis et ordonner l'incarcération jusqu'à la fin de la peine d'emprisonnement (article 742.6(9) du Code criminel)[6].

Distinction à faire

On ne doit pas confondre l'emprisonnement avec sursis avec le sursis de peine avec probation (art. 731 (1) a) C.cr. [7]). Le sursis de peine avec probation est la décision de ne pas imposer de peine lorsqu'un délinquant en est à sa première infraction criminelle. Alors le délinquant sera en probation pendant un à trois ans, s'il ne commet pas d'infraction, c'est comme s'il n'y avait pas de peine. Mais s'il commet une infraction, il pourra revenir devant le juge et le juge lui imposera la peine qu'il ne lui a pas imposée quand il a ordonné le sursis de peine avec probation.

Bibliographie générale

  • Martin Vauclair, Tristan Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 25e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2018.
  • Barreau du Québec, Collection de droit 2019-2020, volume 13, Droit pénal - Infractions, moyens de défense et peine, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2020

Notes et références

  1. Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 742, <https://canlii.ca/t/ckjd#art742>, consulté le 2021-07-16
  2. Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 742.1, <https://canlii.ca/t/ckjd#art742.1>, consulté le 2021-07-16
  3. Loi modifiant le Code criminel (emprisonnement avec sursis), LC 2007, c 12<
  4. Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1
  5. 2009 CSC 12
  6. Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 742.6, <https://canlii.ca/t/ckjd#art742.6>, consulté le 2021-07-16
  7. Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 731 (1) a) C.cr., <https://canlii.ca/t/ckjd#art731>, consulté le 2021-07-22
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