Entretiens d'Épictète

Les Entretiens d'Épictète (en grec ancien : Ἐπικτήτου διατριβαί, Epiktētou diatribai) sont une série d'entretiens donnés par le philosophe stoïcien Épictète et mis par écrit par son disciple Arrien au début du IIe siècle.

Description

Des huit livres rédigés par Arrien, quatre sont parvenus jusqu'à nous[1]. Dans la préface aux Entretiens, Arrien explique sa méthode :

« Je n’ai pas composé moi-même ces leçons d’Épictète, comme on peut composer les choses de ce genre-là ; et ce n’est pas moi non plus qui les ai publiées, moi qui déclare que je ne les ai pas composées. J’ai simplement essayé d’écrire ce que je lui entendais dire, et dans les mêmes termes, autant que possible, afin de me conserver pour l’avenir des souvenirs de sa pensée et de sa libre parole. Il n’y a donc ici, naturellement, que le langage qu’on peut tenir d’abondance, en improvisant devant quelqu’un ; ce n’est pas le style d’un homme qui écrit avec la pensée qu’on le lira plus tard. »

 Arrien à Lucius, Entretiens d'Épictète, trad. Victor Courdaveaux, 1862. Wikisource

L’œuvre originale n'avait pas de titre. Simplicius la nomme Diatribai (Διατριβαί, Conversations)[2]. D'autres auteurs la nomment Dialexis (Διαλέξεις, Entretiens)[3], Apomnêmoneumata (Ἀπομνημονεύματα, Paroles mémorables)[4], ou Homiliai (Ὁμιλίαι, Leçons)[5]. Le nom moderne semble venir du titre donné par un manuscrit médiéval : Entretiens d'Épictète par Arrien (en grec ancien : Ἀρριανοῦ τῶν Ἐπικτήτου Διατριβῶν)[6]. Le mot grec Diatribai, diatribes, signifie littéralement « conversations »[6],[7].

Il est communément admis que les Entretiens ont été composés vers 108 apr. J.-C.. Épictète fait référence à la monnaie de Trajan[8], ce qui montre que le philosophe enseignait durant ce règne[9]. Arrien était consul suffect vers 130. Or l'âge moyen pour cette fonction étant de quarante-deux ans, il aurait eu environ vingt ans vers 108[9].

Les Entretiens sont écrits en dialecte commun au lieu du dialecte attique habituellement employé par Arrien. Les différences de style sont très marquées et déterminent une personnalité distincte de l'historien[10]. La méthode utilisée par Arrien pour écrire les Entretiens a longtemps fait l'objet de débats animés. Certains estiment que ces conversations ont été entièrement imaginées par Arrien, d'autres qu'Épictète les aurait écrites lui-même[11]. L'opinion dominante est que les Entretiens rapportent les paroles réelles d'Épictète, même s'ils ne sont pas un pur compte-rendu textuel[12]. A. A. Long estime qu'Arrien a très probablement pris des notes détaillées et utilisé sa mémoire pour les retranscrire, avant de les retravailler et de leur donner leur forme définitive[12].

Les Entretiens se déroulent à l'école d'Épictète à Nicopolis d'Épire. Ils montrent le philosophe discutant avec des visiteurs, réprimandant, exhortant et encourageant ses élèves[10]. Il semblerait que ces élèves soient des jeunes hommes comme Arrien, de haute position sociale et envisageant d'entrer dans la fonction publique[13]. Les Entretiens ne sont pas des cours magistraux et ne font pas partie du programme de l'école[14]. Lors des cours proprement dits, l'accent est mis sur la lecture et l'interprétation de passages des œuvres de philosophes stoïciens[13], dans des matières comme l'éthique, la logique et la physique[14]. Les Entretiens rapportent plutôt les conversations qui ont eu lieu après les cours[14]. Ils s'attardent sur des points auxquels Épictète accordait une importance particulière, et lui donnent l'occasion de s'entretenir familièrement avec ses élèves et de discuter de situations de la vie quotidienne[14]. Ils ne sont pas une présentation méthodique de la philosophie stoïcienne[14], mais une mise en pratique de cette philosophie[15].

Editions en français

  • Épictète (trad. Joseph Souilhé), Entretiens : Livres I à IV, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », 1943-1991 (ISBN 9782251001081). Réédition, avec le Manuel : Epictète (trad. Joseph Souilhé), Entretiens. Manuel, Paris, Les Belles Lettres, 2019, XXIV + 488 p. (ISBN 9782251449500) ;
  • Épictète (trad. Robert Muller), Entretiens. Fragments et sentences, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque des Textes Philosophiques », (ISBN 9782711626168).

Bibliographie

  • Épictète (trad. Joseph Souilhé), Entretiens : Livre I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « des Universités de France », , p. I à LXXXVI, Introduction
  • Épictète (trad. Robert Muller), Entretiens. Fragments et sentences, Paris, Vrin, , p. 9-36, Introduction
  • Ilsetraut Hadot et Pierre Hadot, Apprendre à philosopher dans l'Antiquité, Paris, Le Livre de Poche, (ISBN 9782253109358)
  • Jean Lombard, La leçon de philosophie de Socrate à Épictète. Lecture des Entretiens, Paris, L'Harmattan, coll. « Éducation et philosophie », (ISBN 9782343136714)
  • (en) A. A. Long, Epictetus: A Stoic and Socratic Guide to Life, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19924-556-7)
  • (en) Fergus Millar, Rome, the Greek World, and the East, vol. 2, University of North Carolina Press, (ISBN 0-807-85520-0), « Epictetus and the Imperial Court »
  • (en) William Abbott Oldfather, Epictetus, the Discourses as reported by Arrian, the Manual, and Fragments, vol. 1, Loeb Classical Library,
  • (en) William Wallace, Encyclopædia Britannica, 11th ed., vol. 9, Cambridge University Press (lire en ligne), « "Epictetus" »

Notes et références

  1. Oldfather 1925, p. xii
  2. Simplicius, Commentaire sur le Manuel d'Épictète.
  3. Aulu-Gelle, Nuits attiques, XIX. 1
  4. Stobée, I. 3. 50; III. 6. 57, 58; III. 29. 84
  5. Stobée, IV. 33. 28 ; Photios, Bibliothèque, 58.
  6. Long 2003, p. 42
  7. Bailly, 2020
  8. Entretiens, IV. 5. 17
  9. Millar 2004, p. 108
  10. Oldfather 1925, p. xiii
  11. Long 2003, p. 64.
  12. Long 2003, p. 40
  13. Oldfather 1925, p. xiv
  14. Oldfather 1925, p. xv
  15. Wallace 1911, p. 683
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