Le Roi des Aulnes (poème)
Le Roi des Aulnes (Erlkönig en allemand) est un poème de Johann Wolfgang von Goethe écrit en 1782. Le thème trouve son origine dans la culture danoise, où le roi des Aulnes est nommé Ellerkonge (roi des Elfes). Le mot Erlkönig est né d'une traduction fautive du mot danois Eller en allemand comme aulne[1].
Pour les articles homonymes, voir Le Roi des aulnes.
Titre |
Erlkönig |
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Date de publication | |
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Inspiré de |
Sujets | |
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Incipit |
« Wer reitet so spät durch Nacht und Wind? Es ist der Vater mit seinem Kind… » |
Explicit |
« …Erreicht den Hof mit Mühe und Not; In seinen Armen das Kind war tot » |
La créature évoquée dans le poème est un Erlkönig (roi des Aulnes), personnage représenté dans un certain nombre de poèmes et ballades allemandes comme une créature maléfique qui hante les forêts et entraîne les voyageurs dans la mort.
Sujet du poème
Par une nuit d'orage, un père chevauche, à travers une forêt sombre, avec son jeune fils dans ses bras. L'enfant croit voir dans l'obscurité la forme du roi des Aulnes et il est effrayé. Le père calme son fils : ce qu'il voit n'est que « le brouillard qui traîne ». Mais la figure fantomatique ne quitte pas l'enfant. Avec un discours persuasif, le roi des Aulnes invite le « gentil enfant » à venir dans son royaume pour se distraire avec ses filles. Mais l'enfant est agité. Encore une fois, le père essaie de trouver une explication naturelle à ses hallucinations : ce ne serait que le bruissement des feuilles et le reflet d'arbres centenaires. Mais la vision est plus menaçante, et le fils est pris de panique. Lorsque le roi des Aulnes saisit l'enfant, le père perd son sang-froid et essaie de galoper aussi vite qu'il peut pour atteindre la ferme. Mais il y arrive trop tard : l'enfant est mort dans ses bras.
Texte original et adaptations en français
Texte original | Adaptation par Jacques Porchat (1861)[2] | Adaptation par Xavier Nègre[3] |
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Wer reitet so spät durch Nacht und Wind? |
Qui chevauche si tard à travers la nuit et le vent ? |
Quel est ce cavalier qui file si tard dans la nuit et le vent ? |
Interprétations
Le poème de Goethe contient un certain nombre de non-dits que le lecteur doit interpréter. Nous ne savons pas comment l'enfant connaît le nom « Roi des Aulnes » (Erlkönig) et pourquoi il en a peur malgré son apparente gentillesse. À la fin du poème, le temps de narration passe au prétérit. Il n'est pas dit de quoi l'enfant meurt. L'enfant peut également signifier la part d'enfance subsistant chez un homme.
La plupart des interprétations du poème postulent la non-existence de ce que le garçonnet perçoit. Elles voient, comme le père dans le poème, le Erlkönig comme une simple hallucination due à la peur et à la fièvre, comme un effet de la maladie à laquelle l'enfant succombera à la fin de la balade.
Un deuxième groupe de critiques pense que l'interprétation du père est fausse et que l'expérience de l'enfant est réelle. La croyance selon laquelle les terrains marécageux recouverts d'aulnes (Erlenbrüchen) étaient habités par des forces magiques et que des maléfices en émanaient, était jadis commune. La référence à l'aulne renvoie au mot danois ellerkonge qui signifie « roi elfique », cette référence est faite par Goethe de façon tout à fait intentionnelle. Il se peut que le poème évoque les opérations magiques qui ôtent la vie d'une jeune personne sans défense[4].
Certains vers comme Viens, cher enfant, viens avec moi ! ou Je t'aime, ta beauté me charme, et, si tu ne veux pas céder, j'userai de violence renvoient à un abus sexuel sur mineur ; c'est pourquoi certains auteurs pensent que le poème évoque un viol. Ainsi le sociologue allemand Rüdiger Lautmann décrit le Roi des Aulnes non comme un pédophile mais comme un violeur[5].
En 2005, lors de la 55e Semaine de psychothérapie de Lindau, la psychanalyste Luise Reddemann a exposé la thèse selon laquelle le poème serait le cauchemar d'une victime de violence sexuelle : d'un côté le père comme « bon père », de l'autre le roi des Aulnes comme « méchant père »[6]. La mort de l'enfant dans cette interprétation est une mort mentale.
Selon d'autres interprètes, la figure du Roi des Aulnes incarne les premiers sentiments inconscients de la puberté. Il représente la nature masculine du garçon. Suite à l'excursion nocturne dans la vie démoniaque, le garçonnet est privé de son innocence et finalement forcé de quitter son enfance. Sa mort symbolise la fin inéluctable de son insouciance et son inévitable entrée dans le monde des adultes. Sa nature masculine va littéralement chercher l'enfant qui fuit. Le galop du père cherche à ramener le fils à la maison parentale protectrice pour le sauver. Les tentatives et la lutte désespérée du père ne peuvent rien face aux impulsions naturelles de l'enfant et le père ne peut arrêter le temps qui avance et l'éveil de la sexualité chez son fils.
Adaptations
Mise en musique
Le poème a été souvent mis en musique :
- L'adaptation la plus connue est le lied Erlkönig op. 1 (D. 328) de Franz Schubert, composé en 1813 et chanté pour la première fois par le baryton Johann Michael Vogl le .
- Également connue est la composition de Carl Loewe (1818), qui a essayé de gagner la faveur de Goethe, en allant le voir personnellement. Cela a été leur unique rencontre. Mais comme il n'y avait pas de piano dans la maison de Goethe, le plan a échoué. Loewe a également composé la ballade Herr Oluf sur un texte de Johann Gottfried Herder d'après une ballade populaire danoise, qui est une variante de l'histoire.
- Johann Friedrich Reichardt avait déjà mis la ballade en musique en 1794.
- Louis Spohr a mis en musique en 1856 la ballade pour baryton avec accompagnement de piano et violon.
- D'autres compositeurs ont mis le poème en musique au XVIIIe et XIXe siècles, par exemple Andreas Romberg (1793), Corona Schröter (1782), Gottlob Bachmann (1798/99), Max Eberwein (1826), Friedrich Methfessel (1805), Carl Friedrich Zelter (1797), August Engelberg (1841), Anselm Hüttenbrenner (1829), Bernhard Klein (1815/16) et Václav Jan Tomášek (1815).
- Au XXIe siècle on trouve les adaptations pour chœur de Tapani Länsiö (2002) et de Huub de Lange (2004).
Dans la musique pop, la ballade a été souvent utilisée :
- En 2002 est apparue une version du poème par Achim Reichel dans le CD Wilder Wassermann.
- Le groupe Neue-Deutsche-Härte Rammstein a écrit une adaptation du Erlkönig dans la chanson Dalai Lama de l'album Reise, Reise.
- Le groupe « Hypnotic Grooves » l'a traitée dans l'album Rosebud : songs of Goethe and Nietzsche (1999), dans le cadre de "Weimar - Ville du patrimoine mondial en 1999" et l'a fait interpréter par Jo van Nelsen.
- En 2000, le Roi des Aulnes a été mis en musique par l'acteur suisse Daniel Bill dans une version rock sur le CD Scream in the night.
- Sur le Jenzig-Album der Neofolk-Gruppe „Forseti“ on trouve également une version de la ballade.
- Josh Ritter l'a traitée avec The Oak Tree King en 2007 au Verbier Festival.
- Le Paganfolk-Projekt Falkenstein a interprété la ballade dans son album Urdarbrunnen paru en 2008.
- Une version pop a été écrite par l'auteur-compositeur ERLKÖNIG et l'artiste vidéo VJ. Vanessa.
- Le groupe allemand a cappella « Maybebop » a présenté en 2013 une adaptation du Erlkönig de Schubert.
- En 2015, une nouvelle adaptation écrite par Philonico voit le jour. La chanson s'intitule Retiens-les ; elle a été composée et interprétée par Pixote Diaz, JC Benitez et Philonico.
- Le groupe Epica s'inspire de ce poème dans la chanson "Once upon a nightmare" de l'album The Holographic Principle (2016)
Œuvres littéraires
- Une des premières œuvres de Walter Scott a été sa traduction en anglais du Roi des Aulnes (1797)[7].
- En 1970, l'écrivain français Michel Tournier a publié son roman Le Roi des Aulnes. Ce roman a été adapté à l'écran en 1995 par Volker Schlöndorff sous le titre Le Roi des Aulnes (The Ogre - Der Unhold).
- Dans son roman paru en 2002 Tod eines Kritikers, Martin Walser appelle le personnage principal André Ehrl-König.
- Le titre du roman historique Das Erlkönig-Manöver (2007) de Robert Löhr fait allusion à Napoléon.
- Andrew Birkin, dans son adaptation au cinéma en tant que scénariste et réalisateur de Brûlant Secret, nouvelle de Stefan Zweig, a utilisé un extrait du poème récité en voix off.
- Robert M. Pirsig, Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes.
- Le Roi des Aulnes, une nouvelle parmi celles du recueil d’Angela Carter La compagnie des loups.
- Les Refuges, Jérôme Loubry, Calmann-Levy, 2019[8].
Notes et références
- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Erlkönig (Ballade) » (voir la liste des auteurs).
- « Wörterbuchnetz - Deutsches Wörterbuch von Jacob Grimm und Wilhelm Grimm », sur woerterbuchnetz.de (consulté le )
- mapageweb.umontreal.ca/lafleche/ma/goethe
- Claude Abromont et Eugène de Montalembert, Guide des formes de la musique occidentale, Fayard, (ISBN 978-2-213-66328-9, lire en ligne)
- « Die Erle in Sage und Legende », sur lwf.bayern.de (consulté le ).
- (de) Rüdiger Lautmann: Das Szenario der modellierten Pädophilie.
- (de) Luise Reddemann: Zwischen Schlaf- und Wachzuständen: Von Elben, Druiden, Nachtmaren, Kobolden und anderen Ungeheuerlichkeiten: Alpträume. Vortrag, 21. April 2005, im Rahmen der 55. Lindauer Psychotherapiewochen 2005. page 12 et suiv.
- Texte (PDF; 251 kB)
Voir aussi
Liens externes
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