Éros

Éros (en grec ancien Ἔρως / Érōs) est la divinité primordiale de l’Amour et de la puissance créatrice dans la mythologie grecque. Le mot érotisme en provient.

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Éros
L'Amour bandant son arc, copie romaine d'un original de Lysippe, musées du Capitole.
Biographie
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Ἔρως
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Mythologie

Bronze trouvé en mer représentant Éros ; vue de dos (Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle apr. J.-C.), Musée de l'Éphèbe le Cap d'Agde.

Dans la Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.), il est issu de Chaos et constitue, avec Tartare, Nyx, Gaïa et Érèbe, une des cinq divinités primordiales[1]. C'est le seul qui n'engendre pas, mais il permet à Ouranos et Gaïa de le faire. Il est beau, immortel, « dompte l'intelligence et la sagesse ». Jean-Pierre Vernant le présente comme le principe qui « rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l'unité »[2]. Éros (Amour) et Himéros (Désir) accompagnent Aphrodite depuis sa naissance[3].

Cependant, Jean-Pierre Vernant affirme qu'il existe deux Éros. Le premier, l'Éros primordial, est présent depuis la nuit des temps et représente l'union non sexuée. L'Éros sexué naît quant à lui de la castration d'Ouranos par Cronos. Cronos a en effet lancé le sexe de son père à la mer et de là naît Aphrodite, Himéros et l'Éros sexué à l'origine de l'union entre les mâles et les femelles[4].

Dans la théogonie des Rhapsodies, qui est la théologie orphique, Éros est à l'origine de la création. Il nait de l'œuf cosmique issu de l'union de l'Éther et du Chaos. À la fois mâle et femelle, il a de nombreuses têtes d'animaux. Il engendre Nyx (la Nuit) et le monstre Échidna. Il est nommé Phanès, mais aussi Protogonos, Èrikèpaios et Métis[5]. Dans l'orphisme, Phanès est assimilé à Dionysos-Zagreus et Zeus le dévore et devient ainsi le dieu souverain.

Dans la comédie Les Oiseaux[6] d’Aristophane (450-385 av. J.-C.), Éros naît de l'œuf, issu de la Nuit aux ailes noires. Il a deux ailes d'or et engendre, avec Chaos « ailé et ténébreux », la race des oiseaux, avant même celle des Immortels.

Dans Le Banquet de Platon (427-348 av. J.-C.), Éros est présenté différemment en fonction des personnages du dialogue. Pour Phèdre, Éros est une divinité primordiale, « celui qui fait le plus de bien aux hommes », « il inspire de l'audace », « est le plus ancien, le plus auguste, et le plus capable de rendre l’homme vertueux et heureux durant sa vie et après sa mort ». Pausanias fait la distinction entre deux amours et relations sexuelles. Comme il y a deux Aphrodite, l'Aphrodite céleste, plus âgée, née d'Ouranos, et l'Aphrodite née du mâle et de la femelle, Zeus et Dioné, plus jeune et appelée Aphrodite triviale ou populaire ; il y a deux Éros, un Éros populaire, « c’est l’amour qui règne parmi les gens du commun. Ils aiment sans choix, non moins les femmes que les jeunes gens, plutôt le corps que l’âme », « ils n’aspirent qu’à la jouissance ; pourvu qu’ils y parviennent, peu leur importe par quels moyens », et un Éros fidèle, qui « ne recherche que les jeunes gens », qui n'aime que le sexe masculin, « naturellement plus fort et plus intelligent ». Suit un éloge de l'amour vertueux, fidèle, non attaché au corps. Faisant parler Éryximaque, Platon approuve la distinction des deux Éros faite par Pausanias et la complète : l'Éros ne réside pas seulement dans l'âme mais aussi dans la beauté, « dans les corps de tous les animaux, dans les productions de la terre, en un mot, dans tous les êtres ». L'Éros légitime et céleste est celui de la muse Uranie. « Mais pour celui de Polymnie, qui est l'Éros vulgaire, on ne doit le favoriser qu’avec une grande réserve, en sorte que l’agrément qu’il procure ne puisse jamais porter au dérèglement ». Aristophane parle de la puissance de l'Éros et du mythe de l'androgyne (il y a trois sexes originels : le masculin, produit par le soleil, le féminin par la terre et l'androgyne, celui qui est composé des deux autres, par la lune). Éros est la force qui pousse les moitiés les unes vers les autres après leurs séparations par les Dieux. Celle, homme, qui s'unit à une moitié femme devient féconde, celle qui s'unit à une moitié homme n'accouche que de choses de l'esprit. « Les hommes qui proviennent de la séparation des hommes primitifs recherchent le sexe masculin », de sorte que la sympathie, l’amitié et l'amour les saisissent l'un l'autre, et de façon à ne plus former qu’un seul être avec lui, « bonheur qui n’arrive aujourd’hui qu’à très peu de gens ». Agathon le présente comme le plus beau et le plus jeune des Dieux, n'en déplaise à Hésiode et Parménide. C'est un Dieu délicat qui « marche et se repose sur les choses les plus tendres » et « s'éloigne des cœurs durs ». Il est formé d'une essence subtile — c'est la grâce qui le distingue —, ne peut recevoir aucune offense, est de la plus grande tempérance. C'est le plus fort des Dieux, plus fort qu'Arès même. Il est très habile car il rend poète celui qui est inspiré de lui.

Pour Socrate, Éros est amour de quelque chose : c'est l'amour de la beauté. Comme tous les démons, c'est un intermédiaire entre les hommes et les dieux, entre la condition de mortel et celle d’immortel[7]. Il apporte « au ciel les prières et les sacrifices des hommes » et rapporte « aux hommes les ordres des dieux et la rémunération des sacrifices qu’ils leur ont offerts ».

Il est issu de l'union de Poros (l'Abondance), fils de Métis (la Prudence), et de Pénia (la Pauvreté) au moment du festin de la naissance d'Aphrodite, c’est-à-dire que sa conception coïncide avec la naissance de la déesse. Fils de Pénia, il est « toujours pauvre, et, loin d’être beau et délicat, comme on le pense généralement, il est maigre, malpropre, sans chaussures, sans domicile, sans autre lit que la terre, sans couverture, couchant à la belle étoile auprès des portes et dans les rues ». Comme fils de Poros, il « est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est mâle, hardi, persévérant, chasseur habile, toujours machinant quelque artifice, désireux de savoir et apprenant avec facilité, philosophant sans cesse, enchanteur, magicien, sophiste »… Éros est un amant de la sagesse.

On voit qu'Éros, s'il change d'aspect chaque fois que c'est à un autre convive du Banquet de faire son éloge, se met à ressembler à Socrate lui-même quand Socrate parle : ce sont deux va-nu pieds, chasseurs de beautés ; Socrate, quand il décrit Éros, serait comme tenté à plusieurs reprises par l'autoportrait[8],[9].

Selon la plupart des auteurs, Éros passe pour le fils d'Aphrodite et d'Arès, voire, mais plus rarement, d'Aphrodite et Zeus, Hermès, Héphaïstos ou même Ouranos[10]. En tant que fils d'Aphrodite et d'Arès, il a pour frère jumeau ou cadet Antéros, dieu de l'amour mutuel, et pour sœur Harmonie. Dans des traditions plus récentes (à partir du VIe siècle av. J.-C.), Éros passe pour le fils né sans père de la déesse des Naissances Ilithyie[11] ou le fils de Zéphyr et d'Iris[12].

Culte

Les cultes officiels d’Éros sont rares dans le monde grec[13]. Les imagiers athéniens rendent compte, néanmoins, de la faveur dont jouissait le dieu dans la cité classique[14].

Il est honoré en Grèce antique spécialement comme le dieu de la pédérastie[réf. nécessaire]. Les Spartiates et les Crétois lui sacrifient avant une bataille, le bataillon sacré de Thèbes lui est consacré, et Athènes l'honore comme le dieu libérateur de la cité en l'honneur d'Harmodios et d'Aristogiton, les tyrannoctones. Son sanctuaire principal est situé à Thespies[15], où l'on célébrait les érotidies.

Postérité littéraire

Aphrodite & Eros. Cyrène, découvert à Benghazi. 400-350 av. J.-C. Musée du Louvre.

Éros est notamment connu par le roman qu'Apulée a écrit entre 160 et 180, les Métamorphoses (IV, 28, 1 - VI, 24, 4 ) dans lequel se trouve le conte d'Éros et de Psyché. Bien qu'on ait longtemps cru que cet épisode s'inspirait d'un original grec, il semble aujourd'hui plus probable qu'Apulée s'est inspiré d'un conte berbère[16].

Dans le conte d'Apulée, Psyché est une princesse d'une beauté si parfaite qu'elle éveille la jalousie d'Aphrodite, à laquelle on la compare. Elle a deux sœurs aînées, d'une grande beauté également, mais sur lesquelles Psyché l'emporte de loin. Toutefois, contrairement à ses sœurs, elle ne trouve pas d'époux, les foules se contentant de venir la contempler comme une œuvre d'art et de la vénérer comme une déesse, au point d'oublier de célébrer Aphrodite. La déesse, jalouse de cette rivale et offensée par un tel sacrilège, ordonne à Éros de la rendre amoureuse du mortel le plus méprisable qui soit. Cependant, alors que le dieu s'apprête à remplir sa mission, il tombe lui-même amoureux de Psyché en se blessant avec ses flèches...

Représentations artistiques

À l'origine, Éros est représenté comme un être androgyne. La figure du jeune homme ailé apparaît à la fin du VIe siècle av. J.-C. sur des vases attiques à figures rouges. Il n'est alors que rarement associé à Aphrodite et apparaît souvent sous de multiples instances ; parfois, l'un des Amours est nommé Himéros ou Pothos (désir).

Sa représentation devient très populaire à partir de 490 av. J.-C. On le voit alors sur les vases, avec la lyre ou un lièvre — cadeau pédérastique par excellence — à la main, ou encore poursuivant un garçon. Par la suite, il est plus fréquemment associé avec Aphrodite et le monde des femmes, notamment sur les vases nuptiaux comme les lébétès gamikoi, les loutrophores ou encore les lékanis. Au reste, on recourt au blanc pour le représenter, de même que pour le corps des femmes. L'arc et le carquois sont des attributs habituels à partir du IVe siècle av. J.-C. L'exemple le plus célèbre est sans doute la statue d’Éros bandant son arc, type attribué au sculpteur Lysippe.

À partir de l'époque hellénistique, le type de l'Éros-enfant apparaît concurremment à celui de l'Éros-éphèbe. Dès cette époque, Éros perd sa signification religieuse pour devenir ornemental.

À partir de la Renaissance, sa représentation est assimilée à celle des anges pour parvenir au type du putto. Véronèse, vers 1562, le personnifie en petit enfant, présenté avec son frère Antéros nouveau né, par leurs parents, Vénus et Mercure, à Jupiter. Ce tableau de 150 × 243 cm est conservé au Musée des Offices à Florence[17].

Son avatar romain, Cupidon, est souvent représenté sous les traits d'un jeune enfant espiègle, joufflu, avec deux petites ailes dans le dos et portant un arc, qui lui sert à décocher des flèches d'amour.

On peut voir une statue supposée le représenter sur la place Piccadilly Circus à Londres ; en réalité il s'agit de l'Ange de la charité chrétienne[18].

Eros est un des personnage principaux de La Petite Olympe et les Dieux, secondant Olympe dans ses aventures.

Sources

Notes

  1. Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne], 116-123.
  2. Jean-Pierre Vernant, L’Individu, la Mort, l’Amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989[Où ?].
  3. Théogonie, 201-202.
  4. Jean-Pierre Vernant, L'Univers, les Dieux, les Hommes, Seuil, Paris, 1999, p. 15-26.
  5. Alain Verjat, « Éros est renversant. Sur les valeurs heuristiques de la figure mythique d'Éros », dans D. Jiménez et J.-C. Abramovici (dir.), Éros volubile : Les Métamorphoses de l'amour du Moyen Âge aux Lumières, Desjonquères, 2000,Article Orphici du dictionnaire Daremberg et Saglio (1877), Gomperz Theodor : Les penseurs de la Grèce. (chapitre II) Cosmogonies orphiques.
  6. Aristophane, Les Oiseaux [détail des éditions] [lire en ligne], 676 et suiv.
  7. Platon, Le Banquet, p. 202-de
  8. Pierre Hadot, La Figure de Socrate, conférence donnée en 1974, in Exercices spirituels et philosophie antique, Albin Michel, 2002
  9. « autoportrait de Socrate sous Éros » expression de Dominique Sels, qui complète la liste des analogies entre Socrate et Éros inaugurée par Pierre Hadot (réf. précédente). Intertitre : « les traits pittoresques de Socrate en Éros chasseur », Dominique Sels, in Les Mots de l'amour arrivent d'Athènes, vocabulaire de l'amour dans Le Banquet de Platon, suivi du Portrait de Socrate, éditions de la Chambre au Loup, 2008, p. 193-199
  10. Sources diverses dont Cicéron, Nonnos de Panopolis, Sappho, etc.
  11. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], IX, 27, 1.
  12. Jean Cazeneuve, Les mythologies à travers le monde, Hachette, , p. 157.
  13. Vinciane Pirenne-Delforge, L’Aphrodite grecque : Contribution à l’étude de ses cultes et de sa personnalité dans le panthéon archaïque et classique, Liège, Centre international d'étude de la religion grecque, , 554 p. (lire en ligne) (revue Kernos - supplément no 4)
  14. Vinciane Pirenne-Delforge, ibid., 1994, p.15-82
  15. Plutarque de Chéronée, Dialogue sur l'Amour, Éditions Mille et une nuits, , 135 p., p. 82.
  16. Emmanuel Plantade, « Du conte berbère au mythe grec : le cas d’éros et Psyché », Revue des études Berbères (INALCO), 9, p. 533-563, 2013
  17. Mina Gregori (trad. de l'italien), Le Musée des Offices et le Palais Pitti : La Peinture à Florence, Paris, Editions Place des Victoires, , 274 p. (ISBN 2-84459-006-3), page 281
  18. >Florentin Collomp, « Piccadilly Circus - Londres en perpétuel mouvement », Le Figaro, , p. 11 (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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