Esse est percipi aut percipere
Esse est percipi aut percipere est une locution latine pouvant être traduite en français par « Être, c'est être perçu ou percevoir ». Elle résume l'immatérialisme de George Berkeley[1].
Cette formule est en réalité un leitmotiv qui traverse l'ensemble de la philosophie depuis Parménide. En effet, dans son Poème, ce dernier dit : τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστίν τε καὶ εἶναι qu'on peut traduire par : « Car le même est en vérité penser et être ». L’histoire de la tradition métaphysique occidentale est une variation sur ce même thème. "Le même est penser et être" devient une égalité uniforme esse=percipi chez Berkeley. On connaît le « je pense donc je suis » qui fonde chez Descartes l’être sur la pensée. Avec Kant, l’étant devient objet de l’expérience et l’être est défini comme l’objectivité de l’objet. Le principe suprême des jugements synthétiques a priori reformule la parole parménidienne dans la perspective transcendantale qui identifie les conditions de possibilité de toute expérience possible avec celles de tout objet possible. Il s’énonce : « les conditions de la possibilité même de l’expérience sont du même coup les conditions de la possibilité des objets de l’expérience. » (CRP A 158 | B 147) : le "du même coup" est une réinterprétation du "to auto" parménidien. Dans la préface à la phénoménologie de l'esprit, Hegel dit également : « l’Être est Penser. »
Cependant, Parménide ne dit pas que l’être est identique à la pensée ou que penser est la même chose que "être". Il ne s’agit ni d’un idéalisme ramenant la réalité extérieure (la res extensa) à la pensée (res cogitans), ni d’un matérialisme au sens où la pensée serait quelque chose de matériel. To auto (le même) est le sujet de la proposition à la différence des formulations qui feront, dans la suite de la tradition, de l'être (idéalisme) ou du percevoir (matérialisme) les sujets de la proposition. Il ne s’agit pas encore chez Parménide de l’indifférence du pareil au même. Penser et être sont différents et c’est par cette différence qu’ils s’entre-appartiennent.
Notes et références
- Portail de la philosophie
- Portail de la linguistique