Eugène Jouve

Eugène Jouve, né le à Lyon et mort le dans la même ville, est un journaliste français, correspondant au Courrier de Lyon.

Eugène Jouve
Naissance
Lyon
Décès
Lyon
Nationalité français
Profession Journaliste
Spécialité Reporter
Années d'activité 1847-1879
Médias actuels
Média presse
Historique
Presse écrite Courrier de Lyon

Biographie

Eugène Jouve naît le à Lyon[1] de l’union entre Jean-Joseph Jouve, négociant en soie, et Charlotte Euphrosine Duchesne[2], sœur cadette de Philippine Duchesne[3].

À partir de 1832, il collabore au Courrier de Lyon en compagnie de son frère aîné Alexandre (1805-1879), rédacteur en chef de ce journal jusqu’en 1871[4].

Au cours de sa vie publique, il est tout d'abord orléaniste avant de se rallier au Second Empire[5].

Il cesse ses activités de journaliste vers le milieu des années 1870 pour entreprendre un grand ouvrage sur l’Amérique (non publié)[6] et meurt le , toujours à Lyon[7].

Œuvre

Lettres sur la guerre d'Orient

L'œuvre la plus célèbre d'Eugène Jouve est son journal de correspondant de guerre en Crimée, paru en 1854 sous le titre Lettres sur la guerre d'Orient. Il n'y décrit d'ailleurs pas que la guerre de Crimée, mais aussi son voyage, entre autres son passage à Bucarest (en août 1854) alors en pleine recomposition urbaine[8]. Il ironise sur Bucarest et ses modernisations hâtives, la comparant sarcastiquement à un « petit Paris »[9].

Il fait partie de ceux qui ont popularisé en France la férocité des bachi-bouzouks[note 1].

Durant cette campagne, il est l'un des premiers à défendre la création en Bessarabie d'un « petit état neutre », prémices de l'actuelle Moldavie[11], quoi qu'il estime que la société moldave, à l'époque où il la rencontre, est corrompue et immorale, « un mélange de Russie et Byzance »[12]. En effet, pour Jouve, la société russe est l'archétype de la barbarie et de l'intolérance, et la guerre de Crimée est de son point de vue une croisade nécessaire :

« Il ne faut pas s’y méprendre, cette guerre d’Orient est une immense entreprise, peut-être la plus grande que la France ait tentée depuis les croisades […] Malgré les apparences, la guerre d’Orient est encore une croisade dont le but est au fond exactement le même que celui de ces grandes expéditions du Moyen Âge : repousser la tyrannie d’une race barbare et envahissante. […] Aujourd’hui l’emblème de l’islamisme, désormais impuissant et inoffensif, représente très réellement la liberté civile et religieuse, tandis que le labarum du schisme russe menace formellement le monde[13]. »

Le voyage en Orient est également pour lui l'occasion d'une réflexion sur la nature des relations entre la Méditerranée et l'Orient, et sur la particularité de la Méditerranée en tant que mer intérieure, « de tout temps prédestinée à être le centre autour duquel doit graviter la civilisation, et dont le bassin a déjà vu si souvent et verra bientôt encore peut-être se décider le sort du monde »[5]. Il en profite également pour railler l'orientalisme alors à la mode, mais dont il estime qu'il colporte une vision idéalisée et artificielle de l'Orient[14].

Un voyageur exigeant avec lui-même

Durant ses voyages, Eugène Jouve, à l'instar de Louis Vignet, de Théodore Aynard ou d'Eugène Yemeniz, plaide pour une certaine authenticité du voyage, recherchant l'hébergement chez l'habitant, l'inconfort de l'habitat indigène. Ainsi, voyageant au Mexique, il affirme considérer une bicoque de péons, une natte, une peau de bison et un grand feu comme « un petit nid délectable »[15], et il mange de l'iguane cuisiné par les piroguiers qui le convoient[16]. Il dit écrire son journal « à tout moment de la journée »[17]. Enfin, il revient plusieurs fois sur les lieux déjà visités, afin de mieux s'approprier les lieux et de prendre le temps de les découvrir sous différentes facettes[18].

Journaliste en France

Il est également impliqué dans la vie lyonnaise locale. Les 5 et 7 octobre 1856, il publie deux articles dans le Courrier de Lyon à propos de la restauration que mène alors Tony Desjardins sur la primatiale Saint-Jean. Très critique envers les travaux réalisés, il s'y demande s'il n'aurait pas été préférable de relever la voûte du chœur au niveau de celle de la nef, mais en admettant que ces lourdes modifications auraient nécessité le remplacement des fenêtres hautes par de vastes baies gothiques semblables à celles de la nef. Il partage par ailleurs les inquiétudes de Joseph Bard sur le rehaussement de la charpente qui « va nécessiter forcément le relèvement de tous les clochers »[19].

Couvrant l'exposition universelle de 1855, Jouve décide de conserver les principes qu'il a acquis durant ses voyages et de couvrir l'exposition « au point de vue de la foule, de ces […] profanes ». Il s'y montre particulièrement virulent à l'encontre de l'art britannique :

« La nationalité de l’art britannique ne se reconnaît guère malheureusement qu’à ses défauts ; et ces défauts sont graves et nombreux. […] Le plus commun, le plus national est la fausseté du coloris, tantôt exagéré, tantôt fade, et presque toujours criard et discordant ; puis, la recherche souvent excessive du fini, du poli, engendre la sécheresse ou la mollesse du modelé ; et enfin la raideur anglo-saxonne se trahit, dans la plupart des sujets par je ne sais quelle gaucherie qui sent le modèle plus que le naturel[20]. »

Publications

  • Eugène Jouve, Lettres sur la guerre d'Orient, Lyon, Vve Mougin-Rusand, , 574 p. (BNF bpt6k6365767q, lire en ligne) ;
  • Eugène Jouve, Voyage à la suite des armées alliées en Turquie, en Valachie et en Crimée : guerre d'Orient, vol. I + II, Paris, Alphonse Delhomme, , VII + 342 + 460 (BNF bpt6k6365643z, lire en ligne) ;
  • Eugène Jouve, Voyage en Amérique, Lyon, Vve Mougin-Rusand, 1853-1855, 657 p. (OCLC 23046008).

Notes et références

Notes

  1. Le 7 mai 1854, il écrit : « Ce sont bien des barbares et ils se comportent en barbares »[10]

Références

  1. Jean-Marie Mayeur & Yves-Marie Hilaire, « Eugène Jouve », Dictionnaire du Monde religieux, (consulté le ).
  2. Archives municipale de Lyon, registre des naissances, cote 2E154, acte 804.
  3. Louise Callan, Philippine Duchesne, frontier missionary of the Sacred Heart, 1769-1852, Wetminster, Maryland, The Newman Press, p. 730.
  4. Marc Jampy, Expériences de presse, Lyon 1870-1914, vol. 1, Lyon, , p. 199-201.
  5. Saminadayar-Perrin et alii 2012, Édouard Galby-Marinetti, « La traversée de la Méditerranée dans l'œil de la guerre de Crimée », p. 69.
  6. « M. Eugène Jouve », Le Salut Public, Lyon, , p. 2.
  7. Archives municipale de Lyon, registre des décès, cote 2E823, acte 2388.
  8. (en) Micheline Nilsen, Nineteenth-century Photographs and Architecture : Documenting History, Charting Progress, and Exploring the World, Ashgate Publishing, , 272 p. (ISBN 978-1-4094-4833-4, lire en ligne), p. 220.
  9. Andrei Pippidi, « Les “formes vides” hier et aujourd'hui », Revue des études sud-est européennes, t. XXX, nos 3-4, , p. 214 (lire en ligne).
  10. Roger Marlin, L'opinion franc-comtoise devant la guerre de Crimée, Presses universitaires de Franche-Comté, , 72 p. (lire en ligne), p. 26.
  11. Luisa-Georgiana Bârgoanu 2012, p. 143.
  12. Luisa-Georgiana Bârgoanu 2012, p. 153.
  13. Saminadayar-Perrin et alii 2012, Édouard Galby-Marinetti, « La traversée de la Méditerranée dans l'œil de la guerre de Crimée », p. 72 & 73.
  14. Saminadayar-Perrin et alii 2012, Édouard Galby-Marinetti, « La traversée de la Méditerranée dans l'œil de la guerre de Crimée », p. 74.
  15. Gérard Fontaines 2003, Première partie - 1820-1860 : le temps de l'esquisse — II. Savoir tirer profit des conditions matérielles, p. 67.
  16. Gérard Fontaines 2003, Première partie - 1820-1860 : le temps de l'esquisse — II. Savoir tirer profit des conditions matérielles, p. 68.
  17. Gérard Fontaines 2003, Première partie - 1820-1860 : le temps de l'esquisse — IV. Écrire et lire le voyage, p. 75.
  18. Gérard Fontaines 2003, Première partie - 1820-1860 : le temps de l'esquisse — IV. Écrire et lire le voyage, p. 79.
  19. Philippe Dufieux, Le mythe de la primatie des Gaules : Pierre Bossan (1814-1888) et l'architecture religieuse en Lyonnais au XIXe siècle, Lyon, Presses universitaires de Lyon, , 311 p. (ISBN 978-2-7297-0726-2, lire en ligne), chap. II (« Les édifices diocésains »), p. 113.
  20. Guillaume Évrard 2014, V. French Criticism of the British Fine Arts Display, p. 193 à 195.

Voir aussi

Bibliographie

  • [Gérard Fontaines 2003] Gérard Fontaines, La culture du voyage à Lyon de 1820 à 1930, Lyon, Presses universitaires de Lyon, , 325 p. (ISBN 978-2-7297-0721-7, lire en ligne) ;
  • [Luisa-Georgiana Bârgoanu 2012] Luisa-Georgiana Bârgoanu, « La société moldave pendant la guerre de Crimée dans la vision des consuls et voyageurs français », Codrul Cosminului, vol. XVIII, no 1, , p. 139-154 (lire en ligne) ;
  • [Saminadayar-Perrin et alii 2012] Corinne Saminadayar-Perrin (dir.), L’Invention littéraire de la Méditerranée dans la France du XIXe siècle, Paris, Paul Geuthner, , 258 p. (ISBN 978-2-7053-3856-5, OCLC 796082437, lire en ligne) ;
  • [Guillaume Évrard 2014] (en) Guillaume Évrard, Directing the Eye : Stories of Modernity and Tradition atthe 1878 Paris Universal Exhibition : [Thèse de doctorat], Paris, Université d'Édimbourg, , 267 p. (lire en ligne).

Liens externes

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