Effet Hawthorne

L'effet Hawthorne, ou expérience Hawthorne, décrit la situation dans laquelle les résultats d'une expérience ne sont pas dus aux facteurs expérimentaux mais au fait que les sujets ont conscience de participer à une expérience dans laquelle ils sont testés, ce qui se traduit généralement par une plus grande motivation. Cet effet tire son nom des études de sociologie du travail menées par Elton Mayo, Fritz Roethlisberger et William Dickson dans l'usine Western Electric de Cicero, la Hawthorne Works, près de Chicago de 1924 à 1932. Cette enquête est considérée comme le point de départ d'une nouvelle technique d'étude en sociologie : l'entretien[1].

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Début des expériences

Les expériences de Hawthorne ont débuté[2],[3] en 1923 sous l'impulsion de Franck Jewett (responsable des laboratoires de la Western Electric) avec l'aide de deux ingénieurs du MIT. Le sujet d'étude portait sur le rôle de l'éclairage sur la productivité des ouvrières. Ils se sont aperçus, en faisant varier les paramètres que tous les groupes voyaient leur productivité augmenter, même ceux dont la variation de l'éclairage était censée être néfaste aux conditions de travail.

Le sujet d'étude fut donc élargi aux conditions de travail en général. L'expérience fut menée dans la « Relay Assembly Test Room ». La méthodologie prévoyait que deux ouvrières expérimentées choisissent quatre autres collègues pour travailler dans un local indépendant du reste de l'atelier. De plus, les chercheurs se sont adressés directement aux ouvrières pour donner les instructions liées à l'étude. Des modifications des conditions de travail ont été introduites. Seul le salaire, calculé sur des critères collectifs et non individuels, était un paramètre fixe. Les conditions de travail modifiées étaient : les pauses, les durées de travail, les prix des repas, l'interdiction de parler pendant le travail… Les chercheurs ont enregistré une hausse constante de la productivité (30 % sur l'expérience), même en l'absence de conditions favorables pour les ouvrières[4].

Études d'Elton Mayo

Elton Mayo, alors professeur à la Harvard Business School, prit en charge une série d'études entre 1928 et 1932 pour comprendre les résultats obtenus précédemment par les chercheurs dans l'usine Hawthorne. Afin de déterminer les facteurs modulant la productivité, Mayo et son équipe de psychologues sélectionnèrent un groupe d'employées qu'ils firent travailler dans différentes conditions de travail, pour compléter les résultats de la « Relay Assembly Test Room ». Ils mirent en place deux nouvelles expérimentations. La première appelée « Mica Splitting Test Room » était identique à la « Relay Assembly Test Room », sauf que le salaire était calculé sur des critères individuels (tout en conservant un mode de calcul fixe). La seconde expérimentation était nommée la « Second Relay Assembly Test Room ». Là, le salaire était calculé collectivement mais les ouvrières n'étaient plus isolées du reste de l'atelier. Les résultats furent une hausse de la productivité durant trois jours, une stagnation durant neuf semaines puis une baisse pour revenir au niveau initial. Mayo mena alors une série d'entretiens avec les ouvrières mais également avec le chercheur présent dans la « Mica Splitting Test Room ». Il s'avéra que ce dernier était sorti de son rôle (qui était de prendre passivement des notes) en ayant des interactions avec les ouvrières. Mayo et son équipe, menant ces entretiens, ont pu mettre en évidence l'effet Hawthorne.

Les conclusions des études de Mayo sont triples :

  • Sur le plan de la méthode expérimentale, le simple fait de participer à une expérience peut être un facteur qui a une conséquence importante en termes de motivation. Le fait d'être l'objet d'une attention particulière de la part de l'expérimentateur et le fait d'avoir été choisi comme sujet de l'expérience peut contribuer à donner une meilleure estime de soi.
  • Sur le plan de la psychologie du travail, le fait d'avoir été associés aux objectifs de l'expérience, d'avoir pu exercer un minimum d'initiative et de s'être sentis solidaires d'un groupe où règne l'émulation interne a eu un effet bénéfique sur la productivité des employés, bien supérieur aux seuls effets des conditions matérielles du travail.
  • Le chercheur présent dans la « test room » a joué un rôle inattendu de leader participatif. Ceci met en évidence l'importance du mode de supervision.

Rompant avec l'hypothèse taylorienne de l'intérêt individuel, Mayo affirme que « le désir d'être bien avec ses collègues de travail […] l'emporte facilement sur le simple intérêt individuel et la logique des raisonnements sur lesquels tant de faux principes de direction se sont fondés ». Durant l'expérience, Mayo fit trois groupes, un avec de jeunes femmes, un au hasard, un avec des ouvrières se connaissant. Le groupe trois fut le plus productif.

« Ces résultats [de l'expérience de Mayo] sont tenus maintenant pour certains dans le milieu des chercheurs, qui, dans toutes leurs enquêtes, contrôlent l'effet Hawthorne »[5].

Critique

Les économistes John A. List et Steven Levitt ont réussi à retrouver les données originales d'Elton Mayo pour l'expérience sur l'éclairage et montrent qu'il n'y a pas d'évidence statistique en faveur de l'effet Hawthorne. D'après leurs recherches, « les descriptions [...] prétendument remarquables s'avèrent tout à fait fictives. (…) Tous les changements de l'éclairage se faisaient des dimanches, seul jour de congé des travailleurs. (…) La productivité est plus élevée les lundis que les vendredis et samedis. Le résultat des lundis est aussi élevé, en fait, qu'il y ait eu ou non un changement d'éclairage les lundis concernés. Ainsi, les chercheurs semblent avoir confondu l'effet du jour de la semaine, avec l'effet Hawthorne. »[6].

Effet inversé

L'effet Hawthorne inversé est cité dans la bande-dessinée Le protocole Pélican de Richard Marazano, dans laquelle une expérience psychosociologique est menée sur plusieurs individus non consentants, dans des conditions proches d'une prison. Les scientifiques s'interrogent sur la fiabilité des résultats de leur analyse comportementale à cause de la personnalité particulièrement réfractaire de certains sujets (due à la probable conscience qu'ils sont sujets d'une expérience, connaissance en psychosociologie leur permettant de fausser volontairement les résultats des entretiens, sentiment d'illégalité de leur situation, perte de la maîtrise de leur environnement, sentiment de culpabilité, de fatalité…)[7].

Notes et références

  1. Alain Blanchet et Anne Gotman, L'entretien, Malakoff, Armand Colin, , 128 p. (ISBN 978-2-200-60191-1), p. 7
  2. (en) Fritz Roethlisberger et William Dickson, Management and the worker, Psychology Press, , 615 p..
  3. (en) Marcelo Bucheli et R. Daniel Wadhwani, Organizations in Time : History, Theory, Methods, Oxford University Press, , 344 p..
  4. Alain Laramée, Communication dans les organisations, PVQ, 1998, pp. 48-49.
  5. Philippe Bernoux, La sociologie des organisations, Paris, Seuil, 1985, p. 73.
  6. (en) John List et Steven Levitt, « Was There Really a Hawthorne Effect at the Hawthorne Plant? An Analysis of the Original Illumination Experiments », American Economic Journal: Applied Economics, vol. 3, (lire en ligne, consulté le ).
  7. Richard Marazano, Le protocole Pélican, (ISBN 978-2205-06333-2).

Bibliographie

  • (en) Gillespie, Richard, Manufacturing knowledge : a history of the Hawthorne experiments, Cambridge, Cambridge University Press, .
  • (en) Katzell, R. A. et Austin, J. T., « From then to now: The development of industrial-organizational psychology in the United States », Journal of Applied Psychology, vol. 77, , p. 803-835.
  • (en) Landsberger, Henry A., Hawthorne Revisited, Ithaca (NY), Cornell University, .
  • (en) Roethlisberger, F. J. et Dickson, W. J., Management and the Worker, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, .
  • (en) Ryan Olson, Jessica Verley, Lindsey Santos et Coresta Salas, « What We Teach Students About the Hawthorne Studies: A Review of Content Within a Sample of Introductory I-O and OB Textbooks », The Industrial-Organizational Psychologist, vol. 41, no 3, (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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