Féminisme en Égypte
Le féminisme égyptien concerne le mouvement d'émancipation des femmes en Égypte depuis le début du XXe siècle.
Histoire
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les écrits, poésies, essais, et romans, de Aïcha Taymour, célèbre à l'époque, témoignent de l'émergence d'une sensibilité féministe[1],[2]. Aïcha Taymour est notamment l'auteure de Miroir de la contemplation (مرآة التأمل في الأمور), œuvre dans laquelle elle étudie les relations hommes / femmes[1],[3].
Pour autant, au début du XXe siècle, les femmes n'ont pas encore de rôle politique, y compris parmi l'aristocratie et la bourgeoisie. Les mariages sont souvent conclus entre les familles des futurs époux et la femme tient le plus souvent le rôle de mère au foyer, devant en particulier porter le voile lors de ses sorties.
Durant les émeutes dites révolution de 1919, des manifestations de femmes contre l'occupant britannique ont lieu le , sur la voie publique, organisées par Safia Zaghloul, épouse de Saad Zaghloul, alors exilé, et par la féministe Huda Sharawi[4]. En 1923, cette dernière acquiert une renommée internationale après avoir décidé de militer en ne portant pas le voile. En 1925, l'actrice Rose El Youssef, voulant faire évoluer l'image des femmes dans l'opinion, décide de fonder un nouveau magazine culturel, également porteur d'opinions sociales et politiques, et donne à ce magazine son nom[5],[6]. À cette époque, Le Caire connaît une renaissance intellectuelle et culturelle, d'où émergent plusieurs artistes féminines comme Mounira El Mahdeya et Badia Masabni[7].
En 1951, la féministe Doria Shafik, fondatrice du mouvement Bint El Nil (« La Fille du Nil », titre d'un film de Aziza Amir de 1929) organise une manifestation devant le Parlement qui rassemble 1500 femmes, pénètre dans l'hémicycle et demande aux députés de leur octroyer le droit de vote, demande à laquelle le roi Farouk accède. Plus tard, la médecin Nawal El Saadawi se fait remarquer en écrivant sur la sexualité des femmes arabes. En 2011, les femmes participent activement aux manifestations sur la place Tahrir du Caire, qui ont lieu dans le cadre de la révolution[8]. La même année, la militante égyptienne Aliaa Magda Elmahdy questionne le rapport au corps dans les sociétés arabes en postant des photos d'elle dénudée[9].
En , les femmes comptent pour 23 % des parlementaires, alors que 20-25 % d'entre elles sont actives professionnellement[9].
Féminisme et voile
En 2014, on compte 80 % d'Égyptiennes portant le voile musulman, bien que cette pratique ne soit pas obligatoire. Même si la présence de l'islam est séculaire dans le pays, la mode du voile a surtout connu une poussée dans les années 1970, avec le retour en Égypte de citoyens expatriés dans les pays du Golfe et marqués par l'idéologie wahhabite. Par la suite, divers évènements politiques et médiatiques (conflit israélo-palestinien, guerre en Afghanistan et en Irak, lancement de la chaîne satellitaire al-Jazeera) ont renforcé le port du voile comme réflexe identitaire et anti-occidental. Au milieu des années 2000 naît pourtant un rejet de cette pratique, qui, si elle est minoritaire, n'en est pas moins palpable dans la société : en 2006, la téléprédicatrice Basma Wahba abandonne son voile, et l'actrice Abir Sabri l'année suivante, provoquant autant la colère des imams que l'admiration de nombreuses femmes. La révolution anti-Moubarak de 2011 est pour sa part non seulement une révolte contre le régime autoritaire en place, mais aussi contre le patriarcat, portée par une jeunesse urbanisée : enlever son voile devient ainsi pour les femmes une forme de défi, accentuée en 2012-2013 par l'instauration pro-islamiste dirigé par Mohamed Morsi, finalement renversé par l'armée en [10].
Accès des femmes aux postes à responsabilité
En 2017, Nadia Ahmed Abdou devient la première femme gouverneure en Égypte, à la tête du gouvernorat de Beheira. En 2019, Manal Awad Mikhail devient la seconde, dirigeant le gouvernorat de Damiette, mais la première issue de la minorité copte[11].
Féministes égyptiennes célèbres
- Voir aussi catégorie « Féministe égyptienne ».
Notes et références
- (en) Raḍwá ʻĀshūr et Ferial Jabouri Ghazoul, Arab Women Writers : A Critical Reference Guide, 1873-1999, American University in Cairo Press, , 526 p. (lire en ligne), p. 102-105
- Alain Roussillon et Fāṭimah al-Zahrāʼ Azruwīl, Être femme en Égypte, au Maroc et en Jordanie, Aux lieux d'être, , 141 p. (lire en ligne), p. 28
- Cf. Mervat Fayez Hatem, Literature, gender, and nation-building in nineteenth-century Egypt: the life and works of ʻAʼisha Taymur, Literatures and cultures of the Islamic world (Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2011), p. 113.
- Amira Nowaira, Azza El Kholy et Moha Ennaji, Des femmes écrivent l'Afrique: L'Afrique du Nord, Éditions Karthala, (lire en ligne), p. 76
- (en) Earl L. Sullivan, Women in Egyptian Public Life, Syracuse University Press, (lire en ligne)
- Gloria Awad, « Youssef, Rose Al- (Fatima Al-Youssef, dite) [Tripoli 1898, Le Caire 1958] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, , p. 4669
- Olivier Nuc, « Quand l'Orient chantait l'amour au féminin », Le Figaro, cahier « Le Figaro et vous », 12-13 juin 2021, p. 31 (lire en ligne).
- Denise Ammoun, « En 1923, Hoda Charaoui enlève son voile », in la-croix.com, 9 octobre 2011.
- Stéphanie Latte-Abdallah, « La troisième vague du féminisme », Le Nouvel Observateur, hors-série n°79, « Les Arabes. Le prodigieux destin du peuple du désert », janvier-février 2012, p. 74-75.
- Delphine Minoui, « Égypte : du vent dans les voiles », Le Figaro, mardi 13 mai 2014, page 14.
- Denise Ammoun, « Égypte : la première femme copte gouverneure », sur lepoint.fr, (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
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