Fabrique royale de tapisseries

La Fabrique royale de tapisseries (en espagnol : Real Fábrica de Tapices de Santa Bárbara) est l'une des fabriques royales d'Espagne (es) pour la fabrication d'objets de luxe créés par la politique mercantiliste des Lumières espagnole. Après l'interruption, à la suite des traités d'Utrecht, de l'importation de tapisseries flamandes, qui fournissaient les pièces destinées aux demeures royales, Philippe V fonde la Fabrique royale de tapisserie en 1721 en imitant des ateliers royaux français suivant le modèle de Colbert.

Fabrique royale de tapisseries
Real Fábrica de Tapices de Santa Bárbara
Façade principale.
Présentation
Destination initiale
Usine textile
Destination actuelle
Usine textile
Style
Architecte
José Segundo de Lema (es)
Construction
1720 puis 1889–1891[1]
Commanditaire
Patrimonialité
Site web
Localisation
Pays
Division administrative
Commune
Adresse
Fuenterrabía 2, 28014 Madrid
Accès et transport
Métro
L1
Autobus
10, 14, 24, 26, 32, 37, 54, 102, 141, C1, C2
Coordonnées
40° 24′ 22″ N, 3° 40′ 57″ O
Localisation sur la carte de Madrid

Depuis 1889, elle se trouve dans le quartier Pacífico de Madrid, dans un bâtiment construit entre 1889 et 1891. Elle maintient toujours l'activité pour laquelle elle a été créée[1].

Histoire

Débuts

Philippe V fonde en 1721 la Fabrique royale pour développer la fabrication de tapisseries nationales et ainsi ne plus dépendre des importations hollandaises et françaises. Il fait alors appel à l'Anversois Jacobo Vandergoten[N 1] qu'il nomme directeur et qui vient s'installer avec sa famille.

Elle est située sur une propriété de la banlieue madrilène, à côté de la Porte de Santa Bárbara, de laquelle la Fabrique emprunte le nom[3]. Sont installés des métiers de basse lice[N 2] qui suivaient des modèles réalisés par les peintres de la Cour. Lors des premières années, les modèles étaient ceux de l'école flamande inspirés par l'école de David Teniers III et Philips Wouwerman. En 1734, son fils, Jacobo Vandergoten « le Jeune », inaugure une nouvelle usine qui travaille avec des hautes lices[N 2], plus modernes.

La Fabrique commence à acquérir une véritable importance en 1746, lors du règne de Ferdinand VI, avec le mécénat royal et l'unification des deux manufactures. Les styles des cartons sont rénovés : après l'école flamande, c'est sur les peintres italiens, tels que Jacopo Amigoni et Corrado Giaquinto, et français, tels que Louis-Michel van Loo et Michel-Ange Houasse, que l'on jette son dévolu, notamment avec la collaboration d'Andrés de la Calleja et Antonio González Ruiz. Avec eux, les thèmes sont également mis au gout du jour, avec une plus grande variété s'ouvrant à des motifs mythologiques et à la peinture de mœurs qui répondent aux fins décoratives de ces fabriques. En plus de ces thèmes, sont développées des séries historiques, dont une Historia de Don Quijote Histoire de Don Quichotte ») qui se fait l'écho des personnages de fiction d'un livre qui était déjà considéré comme un grand classique.

Époque dorée

Mais c'est avec Charles III et sous la direction de Raphaël Mengs que la fabrication de tapisserie vivra son époque la plus brillante. Le Tchèque, nommé premier Peintre de la Cour dès son arrivée en Espagne, introduit un concept néoclassique dans la composition sans omettre le pittoresque alors appliqué aux thèmes de mœurs, scènes, types et paysages espagnols, qui est le fruit de la philosophie des Lumières, qui souhaitent une plus grande connaissance de la réalité du pays. Pour cela, il est accompagné de l'architecte Francesco Sabatini pour diriger la Fabrique royale, puis, en son absence, de Francisco Bayeu (nommé directeur après Mengs) et Mariano Salvador Maella. De jeunes artistes espagnols sont engagés, tels que José del Castillo, Ginés Andrés de Aguirre (es), Antonio Barbazza, Mariano Nani (es), Zacarías González Velázquez, José Juan Camarón y Meliá et Ramón Bayeu.

Mais le peintre qui se montre clairement au-dessus est Francisco de Goya, depuis son arrivée en 1775 comme peintre de cartons jusqu'en 1792, où à la suite d'une maladie qui le rendra sourd, il s'éloignera définitivement de ce travail[5],[N 3]  son premier à la Cour madrilène. C'est lui qui parvient à conjuguer les styles des écoles antérieures pour en créer un propre qui caractérisera la Fabrique royale jusqu'à son déclin après le règne de Charles IV d'Espagne et la Guerre d'indépendance espagnole.

À la fin du XIXe siècle, la Fabrique royale déménage son activité dans un local construit entre 1889 et 1891[1].

Au début du XXe siècle, Alphonse XIII essaie de se moderniser et de favoriser la création contemporaine en incorporant des artistes modernes de l'époque[7].

L'institution récupère son statut de Fabrique royale en 1982 et est consolidée et réformée en 1992[1].

Actualité

La Fabrique royale de tapisserie continue son activité sous l'égide d'une fondation  créée en 1996 par le Ministère de la Culture face au danger de disparition de l'institution[8]  qui perpétue la tradition tricentenaire de la production artisanale de tapisserie dans le but de maintenir en vie cette institution culturelle ainsi que les métiers artisanaux qui lui sont propres, mais en voie d'extinction. La fondation a ainsi l'objectif de conserver et divulguer les trésors artistiques historiques et de continuer la tâche de reproduire les compositions d'auteurs contemporains, comme ça a été le cas au XXe siècle avec des œuvres de José Maria Sert, Manuel Viola, Pablo Picasso ou encore Salvador Dalí, parmi les plus prestigieux.

Le , la Fabrique royale de tapisserie de Santa Bárbara est déclarée Bien d'intérêt culturel[9] dans la catégorie de Monument, et pour lequel l'édifice serait le support physique de l'activité. En effet, il s'agit aussi de maintenir les métiers artistiques et de garantir la conservation et la restauration des textiles du patrimoine historique espagnol[10].

Ainsi, la fondation promeut un programme de formation de nouveaux artisans au travers des écoles-ateliers successifs (1999-2011) ainsi qu'un ambitieux processus d'innovation technologique pour se situer à l'avant-garde de la conservation du patrimoine[10].

La Fabrique royale de tapisserie est considérée comme un « musée vivant » : les visiteurs peuvent contempler directement l'activité des tapissiers, avec leurs coulisses, machines et laines, ainsi que les œuvres  dont certaines sont parmi les meilleurs tapis d'Europe  exposées sur ses murs et dans les entrepôts ; elle organise également de nombreuses expositions, avec notamment des cartons de Raphaël et Pierre Paul Rubens. La Fabrique royale possède des archives composées de plus de 520 dossiers qui hébergent plus de 2 500 esquisses de tapis et de cartons historiques, dont certains de Goya. Restaurant des pièces d'autres institutions, elle a installé en 2005 une machine à laver les textiles de grand format, avec un système d'immersion contrôlée et mise sous monitorage[9].

Architecture

Après sa première localisation près de l'ancienne Porte de Santa Bárbara, l'institution déménage en 1889 dans un bâtiment qui est l'œuvre de l'architecte José Segundo de Lema (es), et qui est toujours le bâtiment actuel. L'immeuble se construit sur un pâté de maisons provenant d'une ordonnance de l'oliveraie et du verger du convent d'Atocha, dans une zone où la création d'infrastructures industrielles prolifère de par sa proximité avec la station de train[3].

L'ensemble est formé par un bâtiment représentatif de trois étages. Les bâtiments industriels, dont l'étage bénéficie d'un plafond plus haut et a une disposition « en U », possède de grandes fenêtres, une cheminée et trois hangars auxiliaires ainsi que quelques remises. Il suit un style néo-mudéjar sobre, uniquement décoré de fenêtres et d'impostes, où la brique apparente brigue tout le protagonisme[10].

En 2008, les jardins de l'ensemble sont réhabilités grâce à la subvention du Ministère de l'Équipement et à l'appui de la Communauté de Madrid[10].

Notes et références

Notes

(es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Real Fábrica de Tapices » (voir la liste des auteurs).
  1. Francisco de Goya fera en 1782 un portrait du premier directeur de la Fabrique appelé Cornelio Van der Goten, conservé au musée du Prado[2].
  2. Une « basse lice » indique que l'ouvrage est horizontal devant l'ouvrier (ce qui permet la copie stricte d'un dessin) ; une « haute lice » indique que l'ouvrage est vertical devant l'ouvrier (ce qui l'oblige à travailler de mémoire — cette méthode est considérée comme plus créative)[4].
  3. Dans Francisco Goya : vida y obra, Valeriano Bozal analyse la condition physique de Goya à partir de 1794 en s'appuyant sur l'analys de ses portraits ainsi que sur les arguments et la documentation mise en avant par Glendinning. Il indique que l'activité frénétique du peintre dans les années 1790 n'est pas compatible avec les maux qu'il avance pour être exempté de certains engagements d'enseignant et de certaines commandes de la Cour :
    « […] le directeur de la Fabrique royale [de tapisserie], Livinio Stuyck, croyait en mars 1794 que Goya « était en incapacité absolue de peindre à cause d'une grande maladie qu'il avait attrapée » [mais aussi bien en 1793 qu'en 1794, Goya a peint plusieurs œuvres] ; en , il ne put diriger la salle du modèle [comme superviseur des élèves de l'Académie de San Fernando où il était obligé de se présenter un mois par an] tel qu'il devait le faire « parce qu'il était malade », et en , il démissionna de son poste de Directeur de peinture à l'Académie, désabusé d'être en convalescence de ses maux habituels. En 1798, Goya lui-même « reconnaît qu'il n'a pu se consacrer à sa profession, par rapport à la Fabrique de tapisserie, pour être si sourd que sans utiliser les chiffres de ses mains [le langage des sourds-muets], il ne comprend rien »[6]. Mais Glendinning n'exclut pas que Goya exagère ses maux, non seulement pour la grande production picturale de ces années-là, mais aussi pour l'intérêt qu'il avait pour ses affaires économiques. »

     Bozal 2005, vol. 1, p. 120

    .

Références

  1. (es) Ministerio de Fomento, « Acondicionamiento y Rehabilitación de naves en la Real Fábrica de Tapices(Madrid - Madrid) », sur fomento.gob.es, (consulté le )
  2. Rita de Angelis (trad. Simone Darses), Tout l'œuvre peint de Goya, Paris, Flammarion, , 144 p. (ISBN 2-08-011202-3), p. 97.
  3. (es) « Real Fábrica de Tapices », sur turismomadrid.es (consulté le )
  4. Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, « Lice », sur The ARTFL Project (site conjoint à l’ATILF, au CNRS, et à l’ETS de l’Université de Chicago), Hachette, 1872-1877 (consulté le ).
  5. Bozal 2005, vol. 1, p. 119-124
  6. Glendinning 1992, p. 25.
  7. (es) Logopress, « “Hilos de modernidad: tapices y alfombras”, en la Real Fábrica de Tapices », sur revistadearte.com, (consulté le )
  8. (es) María Jesús Burgueño, « El Ministerio de Cultura continuará colaborando con la Real Fábrica de Tapices », sur revistadearte.com, (consulté le )
  9. (es) Rafael Fraguas, « La Real Fábrica de Tapices logra la máxima protección urbanística », sur elpais.com, (consulté le )
  10. (es) « 14 propuestas para conocer tu patrimonio histórico - Real Fábrica de Tapices », sur madrid.org (consulté le )

Annexes

Bibliographie

Sources primaires
  • (es) Hilos de modernidad : tapices y alfombras de La Real Fábrica de Tapices, Fundación Real Fábrica de Tapices, , 96 p. (ISBN 978-84-612-8933-2)
  • (es) Gonzalo Anes et Antonio Sama García, Real Fábrica de Tapices : una historia que crece, Fundación Real Fábrica de Tapices, (ISBN 978-84-613-2299-2)
Sources secondaires
  • (es) Laura de la Calle Vian, Cien años de tapiz español : la Real Fábrica de Tapices, 1900-2000, Fundación Universitaria Española, , 436 p. (ISBN 978-84-7392-739-0)
  • (es) Florentina Vidal Galache et Benicia Vidal Galache, La real fábrica de tapices. Pasado y presente, Universidad Nacional de Educación a Distancia, , 20 p. (ISBN 978-84-362-4705-3)
  • (fr)(ca)(es) Ximo Company et Isidre Puig, El Arte de la Tapicería en la Europa del Renacimiento, Universidad de Lleida, Poliédrica Edicions, , 216 p. (ISBN 978-84-940117-0-2)
  • (es) Valeriano Bozal, Francisco Goya : vida y obra, TF Editores & Interactiva, (ISBN 978-84-96209-39-8)
  • (es) Nigel Glendinning, Goya : la década de los caprichos : retratos 1792-1804, Real Academia de Bellas Artes de San Fernando, , 320 p. (ISBN 978-84-87181-10-8)

Article connexe

Liens externes

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