Famine soviétique de 1921-1922
La famine soviétique de 1921-1922 est la première des trois grandes famines de l'État soviétique. Cette famine débuta au printemps 1921 et dura environ un an. Vingt millions de personnes souffrirent de la faim et il y eut plus d'un million de victimes, se concentrant entre le Dniepr, la Volga et le Nord Caucase[1].
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Famine soviétique de 1921-1922 | |
Enfants soviétiques en 1922. | |
Pays | Union soviétique |
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Période | 1921 - 1922 |
Victimes | 5 millions de personnes |
Au total, entre 1921 et 1922, cette famine fit plus de 5 millions de victimes, un bilan difficile à confirmer, vu l'absence, par exemple, d'observateurs étrangers.
Origines
Les origines de la famine sont de deux ordres : naturelles (sécheresse de mai 1921) et anthropiques (désorganisation des moyens de production et de distribution en raison des réquisitions du communisme de guerre et de la collectivisation forcée)[2].
Le pillage des ressources agricoles (commencé par les forces d'occupation allemandes de la Première Guerre mondiale à l'issue de la paix de Brest-Litovsk entre la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) et l'Empire allemand et intensifié par les divers belligérants de la révolution et de la guerre civile) ont préparé le terrain à la famine en affaiblissant la population, désorganisant les transports et en vidant les entrepôts. En l'absence de réserves, la sécheresse de mai 1921 et la politique de l'État bolchevik qui, ne reconnaissant que fort tard l'ampleur du phénomène, refusa d'amener des vivres à temps et n'accepta qu'à contrecœur l'aide du Secours ouvrier international, suffirent pour évoluer en grande famine qui devint rapidement une catastrophe nationale[2].
Mesures prises par le pouvoir bolchevik
Le Parti communiste russe (bolchevik) dirigeant un « État ouvrier », se devait d'approvisionner en priorité les villes ouvrières, quitte à affamer les campagnes, que sa propagande qualifiait d'« arriérées » avec une paysannerie « illettrée et superstitieuse » (c'est-à-dire croyante) et des outils « rudimentaires » (c'est-à-dire non mécanisés). Le Parti en tira prétexte pour accuser les paysans d'avoir réduit leur production, cumulé des surplus et refusé les réquisitions (« attitude réfractaire et contre-révolutionnaire »), c'est-à-dire d'être, autant voire plus que la sécheresse, des « koulaks » responsables de la famine. Cet État ouvrier n'avait pas à se faire aider par des « États impérialistes » et refusa donc toute aide internationale [2].
Aide internationale
Le peu d'aide acceptée de la part du Secours ouvrier international par la Russie soviétique, alla en priorité aux forces armées et de l'ordre, de sorte que les populations affamées commencèrent à fuir par tous les moyens, à pied, en charrette ou en train vers l'Ouest dans l'espoir de passer en Pologne ou en Roumanie. Pourchassés par d'autres affamés devenus pillards et, bien sûr, par l'armée et les forces de l'ordre qui, elles aussi, souffraient de la disette, ces groupes parvinrent à passer les fleuves à la nage, sur des radeaux ou sur la glace (les ponts étant gardés), surtout de nuit. Rares sont ceux qui purent emporter quelque bagage, et beaucoup furent tués, noyés, ou capturés et envoyés au Goulag. Parmi ceux qui s'échappèrent, plus d'un fut rançonné par les garde-frontière soviétiques, polonais ou roumains avant d'être pris en charge par l'office Nansen[3].
Utilisation de la famine pour la répression des religions
Parmi les populations victimes, il y avait une majorité de fidèles de l'Église orthodoxe, mais aussi des Juifs et des minorités musulmanes, par exemple tatares. La destructuration des communautés servit la politique de l'État ouvrier consistant à accuser les popes, rabbins ou imams de cumuler des réserves alimentaires et d'être des « laquais du capitalisme » et des pourvoyeurs d'« opium du peuple », pour les déporter vers le Goulag naissant et pouvoir démolir les édifices de culte (ou les convertir en granges, cinémas ou bars) en brûlant au passage les bibliothèques[4].
Concernant les rabbins, ces sections eurent lieu sous l'égide de la Evsektia, créée pour les membres juifs du parti communiste, dont l’objectif est la fermeture des établissements religieux, la dissolution de communautés et le combat contre le prosélytisme des rabbins. C’est le début d’une série de « procès communautaires » contre la religion juive. Le dernier de ces procès, sur la circoncision, se tient en 1928 à Kharkov, au même moment où l’on essaye d’établir une identité laïque pour la collectivité juive[5].
Conséquences
L'écrivain Mikhaïl Ossorguine décrit des cas de cannibalisme dans les populations affamées. La Tchéka, police politique du régime, indique que les paysans déterrent les morts pour les manger[6].
Malgré les dénégations communistes, la famine finit par être connue à l'étranger, ce qui nuit à la bonne réputation du jeune régime soviétique. Lénine réagit : c'est la « nouvelle politique économique ».
Notes et références
- Andrea Graziosi, Histoire de l'URSS, PUF, Paris, 2010, p. 46
- La famine en Russie 1920-1922 et l'aide internationale aux affamés Bibliothèque de documentation internationale contemporaine.
- Andrea Graziosi, Histoire de l'URSS, PUF, Paris, 2010 et Anthony Babel, La Bessarabie, éd. Félix Alcan, Genève et Paris, 1932.
- Orlando Figes, (en) A People's Tragedy: The Russian Revolution 1891-1924, Penguin Books 1997
- Pinkus 1988, p. 62
- Secours en temps de paix - la famine en Russie CICR, 2 août 2003 Article, Le Temps, de Francis Haller
Bibliographie
- Nicolas Werth, Les grandes famines soviétiques, PUF, Que sais-je ?, 2020.
Voir aussi
Articles connexes
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