Opération Epsilon

L'opération Epsilon était le nom de code d'un programme dans lequel les Alliés occidentaux, à l'approche de la fin de la Seconde Guerre mondiale, cherchèrent à déterminer l'avancée de l'Allemagne nazie dans la fabrication d'une bombe atomique en détenant dix scientifiques allemands dont ils pensaient qu'ils avaient travaillé sur le programme nazi de bombe atomique et en écoutant leurs conversations[1]

Farm Hall

Ces scientifiques furent capturés entre le 1er mai et le [2] et internés en Angleterre dans une maison mise sur écoute, Farm Hall, située à Godmanchester près de Cambridge, du au [3].

Scientifiques allemands détenus

Les scientifiques étaient :

Transcription des écoutes

Les résultats des relevés des écoutes ne furent pas concluants. Le , les microphones captèrent la conversation suivante entre Werner Heisenberg et Kurt Diebner, qui avaient tous deux travaillé sur le projet nucléaire allemand[4]:

Diebner : " Je me demande s'il y a des microphones installés ici ? "
Heisenberg : " Des microphones installés (rire). Oh non, ils ne sont pas aussi mignons que ça. Je ne pense pas qu'ils connaissent les vraies méthodes de la Gestapo, ils sont un peu démodés à cet égard. "

La plupart des historiens s'accordent pour dire qu'il disait la vérité, et l'attitude de Heisenberg et des autres scientifiques durant tous les mois de leur détention et surtout leur réaction à la nouvelle fracassante de l'explosion de la bombe atomique était si authentique qu'il est presque inconcevable qu'elle ait été mise en scène.

Tous les scientifiques furent stupéfaits lorsqu'ils furent informés du bombardement atomique d'Hiroshima le . Les transcriptions semblent indiquer que les physiciens, en particulier Heisenberg, ont soit surestimé la quantité d'uranium enrichi que la bombe atomique nécessitait ou l'ont consciemment exagérée, et que le projet allemand était, au mieux, aux toutes premières étapes théoriques de compréhension de la façon dont une bombe atomique fonctionnait. Après des premières discussions pour savoir si l'information sur l'explosion d'Hiroshima était exacte ou non, les scientifiques allemands envisagèrent alors comment la bombe américaine avait été réalisée et pourquoi l'Allemagne n'avait pas été en mesure d'en produire une.

Le physicien Sébastien Balibar considère en 2019 que les Allemands se sont eux-mêmes volontairement privés de leurs meilleurs chercheurs juifs ou anti-nazis : « (Les Allemands) avaient fait fuir tant de savants qu’ils avaient ravagé la science de leur pays, laquelle était particulièrement brillante à l'époque, en particulier en physique nucléaire »[5]. Certains scientifiques indiquèrent qu'ils étaient heureux qu'ils n'aient pas été en mesure de construire une bombe nucléaire pour Adolf Hitler, tandis que quelques-uns autres, ayant plus de sympathie pour le Parti nazi, furent consternés d'avoir échoué. Otto Hahn, un de ceux qui étaient reconnaissants que l'Allemagne n'ait pas construit une bombe, réprimanda ceux qui avaient travaillé sur le projet allemand, disant : « Si les Américains ont une bombe à l'uranium alors vous êtes tous de second niveau [6]."

Dans les transcriptions des conversations, il n'y a ainsi aucune preuve que Heisenberg ou ses collègues physiciens allemands aient tenté de perturber le programme nucléaire nazi mais cependant, il y a des preuves que certains d'entre eux dont Heisenberg étaient au courant des politiques d'assassinat nazies.

Notes et références

  1. Charles Franck, Operation Epsilon: The Farm Hall Transcriptions (University of California Press, 1993)
  2. Bernstein 2001, p. 63
  3. Bernstein 2001, p. 60
  4. Bernstein 2001, p. 78
  5. Lydia Ben Ytzhak, « Quand les savants juifs fuyaient le nazisme », Interview du physicien Sébastien Balibar, sur CNRS Le journal, (consulté le )
  6. Bernstein 2001, p. 116

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Charles Frank, Opération Epsilon. Les transcriptions de Farm Hall, Flammarion, , 382 p.
  • (en) Jeremy Bernstein (préf. David Cassidy), Hitler's Uranium Club : The secret recordings at Farm Hall, New York, Copernicus Books, , 2e éd. (1re éd. 1995), 384 p. (ISBN 0-387-95089-3, lire en ligne)
  • Stanley Goldberg et Thomas Powers, « Declassified files reopen "Nazi bomb" debate », Bulletin of the Atomic Scientists, vol. 48, no 7, , p. 32-40 (ISSN 0096-3402, lire en ligne)
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