Fonction zêta multiple
En mathématiques, les fonctions zêta multiples sont des généralisations de la fonction zêta de Riemann, définie par
et converge lorsque Re(s1) + . . . + Re(si) > i pour tout i-1<k. Comme la fonction zêta de Riemann, les fonctions zêta multiples peuvent être prolongée analytiquement en des fonctions méromorphes (voir, par exemple, Zhao (1999)). Lorsque s1..., sk sont des entiers positifs (avec s1 > 1) ces sommes sont souvent appelées valeurs zêta multiples (VZM) ou sommes d'Euler[1].
Dans la définition ci-dessus, k est nommé la « profondeur » d'une VZM, et n = s 1 + ... + s k est le « poids »[2].
Définition
Les fonctions zêta multiples apparaissent comme des cas particuliers des fonctions polylogarithmes multiples
qui sont des généralisations des fonctions polylogarithmes. Quand les sont les nièmes racines de l'unité et les sont tous des entiers positifs, les valeurs du polylogarithme multiple sont appelées valeurs zêta multiples colorées de niveau .
Pour n=2, les sommes d'Euler s'écrivent
où . Parfois, il est indiqué une barre sur correspondant à un égal à , donc par exemple
.
Structure intégrale et identités
Il a été remarqué par Kontsevich qu'il est possible d'exprimer une valeur zêta multiple colorée comme certaines intégrales multivariables. Ce résultat est souvent énoncé avec l'utilisation d'une convention pour les intégrales itérées, laquelle est:
En utilisant cette convention, le résultat peut être énoncé comme suit[3] :
où pour .
Ce résultat est très utile en raison d'un résultat bien connu concernant les produits d'intégrales itérées, à savoir que
où et est le groupe de permutation sur symboles.
Pour l'utiliser dans le contexte de plusieurs valeurs zêta, soit , le monoïde libre engendré par et le -espace vectoriel libre engendré par . peut être muni du produit de mélange, donnant une algèbre. Alors la fonction zêta multiple peut être considérée comme une fonction d'évaluation, où nous identifions , , par pour tout ,.
Alors, l'identité intégrale sur les produits donne[3]
.
Exemples
Cas de deux paramètres
Dans le cas particulier de seulement deux paramètres on a (avec s>1 et n,m entier)[4] :
- où sont les nombres harmoniques généralisés.
Les fonctions zêta multiples sont connues pour satisfaire ce que l'on appelle la dualité VZM, dont le cas le plus simple est la fameuse identité d'Euler :
où Hn sont les nombres harmoniques.
Plus généralement, pour s > 0 pair, t > impair, et s+t=2N+1 (en prenant si nécessaire ζ (0) = 0)[4]:
s | t | valeur approximative | formules explicites | OEIS |
---|---|---|---|---|
2 | 2 | 0.811742425283353643637002772406 | A197110 | |
3 | 2 | 0.228810397603353759768746148942 | A258983 | |
4 | 2 | 0.088483382454368714294327839086 | A258984 | |
5 | 2 | 0.038575124342753255505925464373 | A258985 | |
6 | 2 | 0.017819740416835988 | A258947 | |
2 | 3 | 0.711566197550572432096973806086 | A258986 | |
3 | 3 | 0.213798868224592547099583574508 | A258987 | |
4 | 3 | 0.085159822534833651406806018872 | A258988 | |
5 | 3 | 0.037707672984847544011304782294 | A258982 | |
2 | 4 | 0.674523914033968140491560608257 | A258989 | |
3 | 4 | 0.207505014615732095907807605495 | A258990 | |
4 | 4 | 0.083673113016495361614890436542 | A258991 |
Notez que si ces VZM ne peuvent pas être écrites en fonction de seulement[5].
Cas de trois paramètres
Dans le cas particulier de seulement trois paramètres on a (avec a>1 et n,j,i entier) :
Formule de réflexion d'Euler
Les VZM ci-dessus satisfont la formule de réflexion d'Euler :
- pour
En utilisant les relations de mélange, il est facile de prouver que :
- pour
Sommes symétriques en fonction de zêta
Soit , et étant donné une partition de l'ensemble , posons . Enfin, étant donné un tel et un k-uplet , on définit .
Les relations entre les et sont données par: et
Théorème (Hoffman) — Pour tout réel .
Pour , le théorème énonce : pour [7] .
Pour énoncer l'analogue du théorème 1 pour , on définit la quantité suivante :
Pour ou , soit .
Théorème (Hoffman) — Pour tout réel , .
Les conjectures liées aux sommes d'Euler
Conjecture de la somme (Hoffman[6] — Pour tous entiers positifs k et n, , où la somme est étendue sur des k-uplets d'entiers positifs avec .
Trois remarques concernant cette conjecture s'imposent.
- Premièrement, cela implique .
- Deuxièmement, dans le cas , cela s'écrit, ou encore
Cela a été prouvé par Euler[8] et a été redécouvert plusieurs fois, notamment par Williams.[9]
- Enfin, C. Moen[10] a prouvé la conjecture dans le cas k=3 par des arguments longs mais élémentaires.
Pour la conjecture de la dualité, nous définissons d'abord une involution sur l'ensemble des suites finies d'entiers positifs dont le premier élément est supérieur à 1. Soit l'ensemble des suites finies strictement croissantes d'entiers positifs, et soit la fonction qui envoie une suite de à la suite de ses sommes partielles.
On dira que les suites et sont duales l'une de l'autre[6].
Conjecture de la somme (Hoffman) — Si est dual de , alors .
Cette conjecture peut être exprimée comme suit : la valeur zêta de Riemann d'un entier n ≥ 2 est égal à la somme de toutes les VZMs des partitions de profondeur k et de poids n, avec 1 ≤ k ≤n − 1. Dans la formule[2] :
Par exemple avec une profondeur k = 2 et un poids n = 7 :
Valeurs zêta de Mordell – Tornheim
La fonction zêta de Mordell–Tornheim, introduite par Matsumoto (2003) motivé par les articles Mordell (1958) et Tornheim (1950), est définie par
C'est un cas particulier de la fonction zeta de Shintani.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Multiple zeta function » (voir la liste des auteurs).
- Zhao, « Standard relations of multiple polylogarithm values at roots of unity », Documenta Mathematica, vol. 15, , p. 1–34 (arXiv 0707.1459)
- Hoffman, « Multiple Zeta Values », Mike Hoffman's Home Page, U.S. Naval Academy (consulté le )
- Jianqiang Zhao, Multiple Zeta Functions, Multiple Polylogarithms and Their Special Values, vol. 12, World Scientific Publishing, coll. « Series on Number Theory and its Applications », (ISBN 978-981-4689-39-7, DOI 10.1142/9634)
- Borwein, Borwein et Bradley, « Parametric Euler Sum Identities », CARMA, AMSI Honours Course, The University of Newcastle, (consulté le )
- (en) Auteur inconnu « On the enumeration of irreducible k-fold Euler sums and their roles in knot theory and field theory. », {{{year}}}.
- Hoffman, « Multiple Harmonic Series », Pacific Journal of Mathematics, vol. 152, no 2, , p. 276–278 (DOI 10.2140/pjm.1992.152.275, Math Reviews 1141796, zbMATH 0763.11037, lire en ligne )
- Ramachandra Rao et M. V. Subbarao, « Transformation formulae for multiple series », Pacific Journal of Mathematics, vol. 113, no 2, , p. 417–479 (DOI 10.2140/pjm.1984.113.471)
- Euler, « Meditationes circa singulare serierum genus », Novi Comm. Acad. Sci. Petropol, vol. 15, no 20, , p. 140–186
- Williams, « On the evaluation of some multiple series », Journal of the London Mathematical Society, vol. 33, no 3, , p. 368–371 (DOI 10.1112/jlms/s1-33.3.368)
- Moen C., Sums of Simple Series, Preprint
- Leonard Tornheim, « Harmonic double series », American Journal of Mathematics, vol. 72, no 2, , p. 303–314 (ISSN 0002-9327, DOI 10.2307/2372034, JSTOR 2372034, Math Reviews 0034860)
- Louis J. Mordell, « On the evaluation of some multiple series », Journal of the London Mathematical Society, vol. 33, no 3, , p. 368–371 (ISSN 0024-6107, DOI 10.1112/jlms/s1-33.3.368, Math Reviews 0100181)
- Tom M. Apostol et Thiennu H. Vu, « Dirichlet series related to the Riemann zeta function », Journal of Number Theory, vol. 19, no 1, , p. 85–102 (ISSN 0022-314X, DOI 10.1016/0022-314X(84)90094-5 , Math Reviews 0751166)
- Richard E. Crandall et Joe P. Buhler, « On the evaluation of Euler Sums », Experimental Mathematics, vol. 3, no 4, , p. 275 (DOI 10.1080/10586458.1994.10504297, Math Reviews 1341720, lire en ligne)
- Jonathan M. Borwein et Roland Girgensohn, « Evaluation of Triple Euler Sums », Electron. J. Comb., vol. 3, no 1, , #R23 (DOI 10.37236/1247, Math Reviews 1401442, lire en ligne)
- Philippe Flajolet et Bruno Salvy, « Euler Sums and contour integral representations », Exp. Math., vol. 7, , p. 15–35 (DOI 10.1080/10586458.1998.10504356, CiteSeerx 10.1.1.37.652, lire en ligne)
- Jianqiang Zhao, « Analytic continuation of multiple zeta functions », Proceedings of the American Mathematical Society, vol. 128, no 5, , p. 1275–1283 (DOI 10.1090/S0002-9939-99-05398-8 , Math Reviews 1670846)
- Kohji Matsumoto, Proceedings of the Session in Analytic Number Theory and Diophantine Equations, vol. 360, Bonn, Univ. Bonn, coll. « Bonner Math. Schriften », (Math Reviews 2075634), « On Mordell–Tornheim and other multiple zeta-functions »
- (en) Olivier Espinosa et Victor Hugo Moll « The evaluation of Tornheim double sums », .
- Olivier Espinosa et Victor Hugo Moll, « The evaluation of Tornheim double sums II », Ramanujan J., vol. 22, , p. 55–99 (DOI 10.1007/s11139-009-9181-1, Math Reviews 2610609, arXiv 0811.0557, S2CID 17055581)
- J.M. Borwein et O-Y. Chan, « Duality in tails of multiple zeta values », Int. J. Number Theory, vol. 6, no 3, , p. 501–514 (DOI 10.1142/S1793042110003058, Math Reviews 2652893, CiteSeerx 10.1.1.157.9158)
- Ankur Basu, « On the evaluation of Tornheim sums and allied double sums », Ramanujan J., vol. 26, no 2, , p. 193–207 (DOI 10.1007/s11139-011-9302-5, Math Reviews 2853480, S2CID 120229489)
Liens externes
- Jonathan Borwein et Wadim Zudilin, « Lecture notes on the Multiple Zeta Function »
- Michael Hoffman, « Multiple zeta values »,
- Jianqiang Zhao, Multiple Zeta Functions, Multiple Polylogarithms and Their Special Values, vol. 12, World Scientific Publishing, coll. « Series on Number Theory and its Applications », (ISBN 978-981-4689-39-7, DOI 10.1142/9634)
- José Ignacio Burgos Gil et Javier Fresán, « Multiple zeta values: from numbers to motives »
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