Frères Gao

Les frères Gao, Zhen et Qiang, sont deux artistes chinois nés en 1956 et 1962[1], à Jinan, dans la province de Shandong située au nord-est de la Chine.

Pour les articles homonymes, voir Gao.

Ils travaillent aujourd'hui dans le quartier d'artistes appelé espace 798 situé à Dashanzi Art District.

Artistes engagés, ils abordent l'art comme un moyen d'expression politique. L’image obsessionnelle de Mao dans leur iconographie remonte à un traumatisme durant leur enfance. Gao Zhen, le frère aîné, explique par l'Intermédiaire d’un interprète que « 1968 a constitué un moment crucial de la Révolution culturelle, où de nombreux « nettoyages » eurent lieu. Notre père, Marwan , a été jeté en prison. Jusqu'à aujourd’hui, nous ne savons pas réellement s’il s’est suicidé comme les autorités nous l’ont dit ou s'il a été tué pendant son incarcération. »[2].Au moment des faits, Gao Zhen avait 12 ans et Gao Qiang seulement 6 ans.

Aujourd'hui, les Frères Gao ont acquis une renommée internationale. Une rétrospective des Frères Gao a été organisée par le Kemper museum du au dans une exposition temporaire intitulée Gao Brothers: Grandeur and Catharsis[3].Une brève présentation de leur travail permet de s'apercevoir que leur art est protéiforme, les deux frères s'attaquant à de multiples mediums comme la peinture, la sculpture, la performance, la photographie, etc. Toutefois, un seul et même message de fraternité traverse leur création de part en part.

Biographie

Les frères Gao sont nés d'une famille ouvrière. Ils furent initiés durant leur jeunesse à l’art traditionnel chinois avant de poursuivre des études supérieures. L'aîné est diplômé de l'Académie des Beaux-Arts du Shandong et le cadet de l'École normale de Qufu, ville de la province du Shandong réputée pour abriter le temple, le cimetière et la demeure de Confucius.

Ce sont bien ces deux influences, plastique et intellectuelle, issues de la personnalité de chacun des deux frères, qui fusionnent dans leur art où le Beau naît d’un message pertinent dit sous une forme harmonieuse. Le message de fraternité dépasse le couple pour embrasser l’humanité et, très vite, les deux frères devinrent coauteurs de leur travail, s'engageant pour des causes à portée politique. En 2002, les Frères Gao quittèrent le Shandong pour s’installer à Pékin.

Leur production artistique est protéiforme et ne se laisse pas enfermer dans un seul medium, l’important étant leur engagement.

Œuvres


Midnight Mass, les débuts

Les Frères Gao entrèrent dans le monde de l’art en 1989 grâce à une exposition collective organisée au National Art Museum of China (NAMOC)[4] où ils exposèrent leur œuvre Midnight Mass, une installation gonflable représentant un organe sexuel hermaphrodite d'au moins quatre mètres de hauteur. Midnight Mass emprunte au surréalisme la technique du morcellement du corps et l' « anatomie du désir » d’Hans Bellmer[5]. Toutefois, le matériau utilisé (plastique gonflable) et les dimensions de l’œuvre le font entrer dans l’art contemporain. À la façon de Claes Oldenburg, les Gao agrandissent et transforment leur modèle pour créer un objet à la fois grotesque et spirituel.

Les Miss Mao

Miss Mao, icône monumentale de Mao Zedong[4], apparaît comme une hybridation de Minnie et de Pinocchio, avec ses gros seins et son long nez, image grotesque d'une mère monstrueuse et menteuse. Comme le démontre le livre de Claude Hudelot et Guy Gallice, Le Mao[6], une iconographie foisonnante de Mao parcourt 60 ans d'art populaire chinois, interprétant inlassablement les images cultes du Grand Timonier. Compte tenu de cette surenchère d’images de propagande, il ne reste plus aux artistes qu’à détourner cette image, de façon exagérée et grotesque.

L’exécution du Christ

En 2009, les Frères Gao ont abandonné la modernité de la résine pour l’austérité du bronze. The execution of Christ représente sept militaires fusillant le Christ. La photo de Mao avec un fusil a été prise le [7]. Cette parabole renvoie à la notion d’altermodernité développée par Nicolas Bourriaud[8] qui part du postulat selon lequel les artistes d’aujourd’hui ont une culture globalisée dont ils doivent se servir non pas pour nier leur particularisme mais pour créer une nouvelle modernité, faite d’ouverture et d’échanges interculturels. The execution of Christ illustre très bien cette notion car elle mêle deux cultures fondamentalement différentes tout en préservant chacune d’elles.

Le christianisme n’a jamais vraiment percé en Chine, et Mao n’a jamais été vraiment craint du christianisme. Par contre, vue d’Asie, l’œuvre conserve un sens politique très fort quand on connaît l’histoire de la Chine et de la répression de ses diverses religions sous Mao. Vue d’un côté occidental, l’œuvre peut complètement changer de sens si on n’en retient que le sacrifice volontaire du Christ. Mais le titre est heureusement assez évocateur : il ne s’agit pas d’un sacrifice mais bien d’une exécution, et quand on sait que la balle qui servait à exécuter un homme en Chine était facturée à ses parents, doit-on en déduire que c’est à Dieu de payer la facture ?

Peintures

If time reversed, Memory 1989

On ne peut aborder l’art des Frères Gao sans le mettre en corrélation avec les événements place Tian An Men de 1989. Le limogeage puis la disparition de Hu Yaobang avait poussé les étudiants à occuper la place Tien An Men le . Les manifestations durèrent jusqu’à début juin, date à laquelle les autorités décidèrent de réprimer la révolte. La répression par l’armée chinoise le a marqué les esprits du peuple Chinois comme celui de l’opinion internationale. De nombreuses arrestations eurent lieu à la suite des grèves estudiantines qui avaient commencé un mois et demi plus tôt. Les Frères Gao ont éprouvé le besoin de peindre une sorte de mémorial en souvenir des insurgés. Une main s’ouvre sur le décor par une plaie béante et ensanglantée qui ne va pas sans rappeler l’iconographie chrétienne de la crucifixion. Les victimes des massacres de 1989 sont présentées ici comme des martyrs sacrifiés au service de leur peuple et d’une idéologie (la démocratie). Dans le ciel, des nuages à formes humaines survolent la place comme si des revenants hantaient ce lieu en attendant de trouver la paix. Au loin, dans le creux d’une main, apparaît l’entrée de la Cité interdite, rouge sur un sol jaune, couleur de l’Empereur.

Photographies et reconnaissance internationale

Série Sense of Space

Le travail photographique des Frères Gao leur assura une renommée internationale. Ainsi, la série Sense of Space[4] met en scène les deux frères et d’autres modèles anonymes, nus, enfermés dans des boîtes intitulées entre autres Prière, Attente, Anxiété, et Douleur (Prayer, Waiting, Anxiety et Pain). Les corps contorsionnés tentent d’entrer dans des cases trop petites pour eux. Parabole du carcan social chinois, leur œuvre peut avoir une lecture universelle. Toute organisation sociale contraint l’individu à se plier à des règles qui, prises individuellement, l’incommodent. En cela, le message véhiculé par l’art des Frères Gao traverse les frontières et se comprend avec la même acuité en Orient et en Occident. Certaines photographies présentent des corps d’hommes nus de même gabarit, rendant chacun des modèles plus anonyme encore. Les images finales donnent l’impression qu’un même individu se duplique et se retrouve dans l’ensemble de la composition.

Performances

À partir de 2000
The Hug :

Depuis environ dix ans, les Frères Gao organisent des performances autour de l’idée du Hug[9], une étreinte en couple de quinze minutes puis une étreinte collective de 5 minutes, certains modèles étant habillés et d’autres nus. Près de 150 bénévoles étrangers les uns aux autres s’enlacent lors de rendez-vous qui s’organisent ainsi depuis une dizaine d’années.

Notes et références

  1. Catalogue The Gao Brothers, Grandeur & catharsis, Kemper museum, 2010, p.75.
  2. Sylvia Maria Gross, Interview des frères Gao, exposition à la Kemper museum in publicbroadcasting.net, septembre 2010.
  3. « Current Exhibitions », sur Kemper Museum of Contemporary Art, (consulté le ).
  4. Catalogue, "Un autre monde, Les Frères Gao", (Janette Danel Helleu), Les Rencontres d'Arles, 2007.
  5. « Hans Bellmer / Centre Pompidou », sur centrepompidou.fr (consulté le ).
  6. Hudelot et Guy Gallice, "Le Mao", Rouergue Eds, 2009.
  7. Claude Hudelot, Guy Gallice, "Le Mao", 2009.
  8. Nicolas Bourriaud, "Esthétique relationnelle", Presses Du Reel, 1998
  9. "The Gao brothers", Duncan Miller Gallery

Voir aussi

Bibliographie

  • Gao Brothers, Portraits, China Art archives and Warehouse, 2010.
  • GROSS, Sylvia Maria, Interview des frères Gao, exposition à la Kemper museum in publicbroadcasting.net, .
  • The Gao Brothers, Duncan Miller Gallery, 2010.
  • The Gao brothers, Grandeur & catharsis, Kemper museum of contemporary art, 2010.
  • « In China, a Headless Mao Is a Game of Cat and Mouse », in The New York Times, le
  • Gao brothers, Galerie Benamou, Paris, 2007.
  • Un autre monde, les frères Gao, Les rencontres d’Arles, 2007
  • GOLD, « Artist brothers test Chinese boundaries », in Los Angeles Times, .
  • Florent Villard, Critique de la vie quotidienne en Chine à l'aube du XXIe siècle avec les Gao Brothers, Paris, L'Harmattan, 2015.

Liens externes

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