François Panetié
François Panetié ou Pannetier, seigneur de la Croix[1], né en 1626 à Boulogne-sur-Mer et mort le au Havre, est un officier de marine français du XVIIe siècle. Issu d'une famille de la petite noblesse boulonnaise, il débute au service du maréchal d'Aumont avant d'entrer dans la Marine royale. Il sert pendant la guerre de Hollande et la guerre de la Ligue d'Augsbourg, et se distingue particulièrement pendant ce dernier conflit lors des batailles de la baie de Bantry, du cap Béveziers et de la Hougue. Ses faits d'armes lui valent d'être promu au rang de chef d'escadre, et d'être fait Commandeur de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis.
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François Panetié Seigneur de la Croix | |
Naissance | 1626 à Boulogne-sur-Mer |
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Décès | (à ~70 ans) au Havre |
Origine | Français |
Allégeance | Royaume de France |
Arme | Marine royale française |
Grade | Chef d'escadre |
Années de service | 1665 – 1696 |
Conflits | Guerre de Hollande Guerre de la Ligue d'Augsbourg |
Faits d'armes | Bataille de la baie de Bantry Bataille du cap Béveziers Bataille de la Hougue |
Distinctions | Commandeur de Saint-Louis |
Autres fonctions | Commandant de la Marine en Normandie Commandant de la Marine à Brest |
Biographie
Origines et famille
François Panetié naît à Boulogne-sur-Mer. Le marquis de Sourches, qui l'a bien connu, revient jusqu'à trois fois dans ses mémoires sur cette origine boulonnaise[N 1]. Toutefois, sa naissance, qui remonte au début de l'année 1626, n'a pas laissé de traces dans les registres paroissiaux, incomplets et mal tenus à l'époque[N 2],[N 3].
Il est fils de « messire Claude De la Croix, Chevalier, Seigneur de Panetié et de Belle Croix » et de « dame Catherine de Marconnelle ». Son père, probablement originaire du Poitou est un soldat de fortune, que les hasards de la guerre avaient amené, jeune encore en Boulonnais, dans le premier quart du XVIIe siècle[N 4]. En arrivant dans son gouvernement de Boulogne en 1635, Antoine d'Aumont, seigneur de Villequier, avait aussitôt constitué un « régiment de gens de guerre à pied françois, composé de vingt enseignes de cent hommes chacune ». Et Claude de la Croix figure au nombre des capitaines de ce régiments.
Un certificat que lui donne, trente ans plus tard, le 1er février 1665, le même Antoine d'Aumont, devenu maréchal de France atteste qu'il avait « bien et fidellement servi Sa Majesté depuis l'année 1636 jusques a celle de 1651 tant en qualité de commandant soubs nostre charge dans le Chasteau de Boulogne que de capitaine en nostre Régiment d'Infanterie » et que dans ces emplois il avait « donné des marques en diverses occasions de sa valleur et bonne conduite au fait des armes »[2].
Carrière dans la Marine royale
Le , il reçoit le commandement de la frégate Notre-Dame du Rosaire, 80 tonneaux, armée par le maréchal d'Aumont, avec pour ordre de « courir sus aux sujets du roi d'Espagne et aux ennemis de l'État, pirates, corsaires et gens sans aveu » pendant un an « le long des côtes, rades de France de Flandres et d'Espagne, et en tout lieux que bon lui semblera[3]… ». Il apprend son métier sur les frégates du maréchal d'Aumont. En 1662, il commande la frégate, le Nom de Jésus. Le 4 décembre de la même année, à la suite du passage de Louis XIV à Boulogne, il est chargé de conduire à Londres le comte de Vivonne.
En 1665, il quitte le service du maréchal d'Aumont pour entrer dans la Marine royale, avec pour mission de protéger le cabotage des corsaires ennemis, en compagnie de Michel Jacobsen, le grand-oncle de Jean Bart. Il reçoit une commission de capitaine de frégate[N 5], signée des mains du duc de Beaufort[4] et se voit confier L'Hirondelle, frégate de 26 canons et 200 hommes d'équipage. La même année, il est promu capitaine de vaisseau.
Le , alors qu'il commande L'Alcyon, il reçoit une lettre de Colbert dans laquelle le ministre de la Marine lui écrit « Sa Majesté ne doute pas que si vous rencontriez quelque vaisseau hollandais qui fasse difficulté de vous saluer, vous ne fassiez votre devoir[5]. »
Guerre de Hollande
Il est à la bataille de Solebay, le , au sein de la flotte combinée franco-anglaise placée sous les ordres de Jacques Stuart et d'Abraham Duquesne. Il commande à cette occasion L'Heureux, 50 canons.
Le , commandant L'Alcyon, il reçoit l'ordre de croiser au large de Yarmouth, pour y protéger les navires de pêche français.
Le , il est à la bataille du Texel au sein de la flotte franco-anglaise conduite par le Prince Rupert et le comte d'Estrées. Commandant Le Précieux, il se distingue au cours de ce combat. En récompense, il reçoit le commandement de L'Invincible, en remplacement du capitaine d'Estalle, tué d'un coup de canon. Le marquis de Rosmadec, le remplace sur Le Précieux.
En 1675, chargé de lutter contre les corsaires hollandais au large de Dunkerque, il en coule un après l'avoir capturé, le jugeant irrécupérable[6]. Il est à la prise de Cayenne sur les Hollandais au sein de la flotte du comte d'Estrées en 1677.
Il est reçu chevalier de grâce de l'Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem le 3 janvier 1682[1].
Guerre de la Ligue d'Augsbourg
Le , il est désigné pour commander Le François, 48 canons, avec ordre de faire passer à Lisbonne le Vidame d'Esneval, que Louis XIV envoyait au Portugal en qualité d'ambassadeur. Au retour, il escorte une flûte chargée de blé pour Marseille. Après une altercation avec le comte d'Estrées à qui Panetié fait une allusion suggérant qu'il fait partie de ces « bâtards du cotillon », officiers qui doivent leur promotion davantage à leur naissance qu'à leurs faits d'armes, il connaît une période de disgrâce.
Cependant cette dernière est de courte durée et il reprend du service au début de la guerre de la Ligue d'Augsbourg. En avril 1689, il est placé sous les ordres du marquis de Châteaurenault. Les 9 et le , il est sous les ordres de ce dernier à la bataille de la baie de Bantry au cours de laquelle il commande à nouveau Le François, à la tête de la ligne de bataille. Il se distingue au cours de cette bataille et le Mercure Galant relate son action :
« Il se passa une chose singulière entre ces deux avant-gardes […] Le vaisseau que montait M Panetié n'ayant que 44 canons et le vaisseau contre lequel il combattait en ayant 70, il s'approcha sans tirer jusqu'à la portée du mousquet et comme ses sabords étaient ouverts, il fit une décharge de mousqueterie qui tua ou blessa la plupart de ceux qui étaient à ses ouvertures. On les referma aussitôt, ce qui empêcha ce vaisseau anglais de faire feu de son canon. M. Panetié fit tirer le sien, et tous les vaisseaux de l'avant-garde ayant fait de même sur celle des ennemis, cette dernière se retira fort mal traitée et ne se battit plus[7]. »
Panetié est félicité par le ministre de la Marine Seignelay, et reçoit le commandement du Bourbon, 50 canons et 400 hommes d'équipage, sur lequel il embarque le 13 août, et croise à l'ouest de la Manche. Il est promu chef d'escadre de la province de Normandie à Brest le , après vingt-quatre ans passés au grade de capitaine de vaisseau. Au début de 1690, il reçoit le commandement du Terrible, 80 canons et 490 hommes d'équipage dans la flotte qui était armée à Brest. Il est nommé commandant la Marine en Normandie le . Le 10 juillet de la même année, à la bataille du cap Béveziers, il commande Le Terrible et prend une part importante à cette nouvelle victoire. Au cours du combat, une bombe vient mettre le feu à son vaisseau et il compte à son bord 31 tués et 62 blessés à la fin du combat.
Il se distingue lors du combat de la Hougue, au cours duquel il commande une division de l'arrière-garde à bord du vaisseau Le Grand, de 84 canons, dont le commandement était assuré par le chevalier de Courbon, capitaine de vaisseau. Il en était très éloigné lorsque le signal de se ranger en ligne de bataille est donné. Malgré tous ses efforts, il ne put jamais reprendre son poste. Le vent, favorable à ce moment-là aux ennemis, les incite à aller isoler Pannetier du reste de la flotte. Ils détachent, à cet effet, 25 vaisseaux. Pannetier, convaincu de l'impossibilité de rejoindre l'arrière-garde, force de voiles, et va prendre poste à l'avant-garde, ayant toujours les bâtiments ennemis dans ses eaux. « Cette manœuvre, dit l'historien, sauva la flotte francoise. Si M. de Pannetier se fût scrupuleusement attaché à reprendre son poste naturel, il ne pouvoit manquer d'être enlevé ; s'il eût pris la fuite, les forces de notre armée auroient été diminuées d'autant, au lieu qu'il occupa pendant 4 heures 5 vaisseaux obstinés à le poursuivre, & qu'il alla renforcer le corps de bataille, où commandoit le comte de Tourville, contre lequel les ennemis réunissoient tous leurs efforts ».
Dans ses Mémoires, le comte de Forbin ne dit pas autre chose « M. de Panetier, chef d'escadre, arbora le pavillon de ralliement ; ce qui sauva le reste de la flotte[8]. » avec laquelle il rallie Saint-Malo. Le ministre de la Marine Ponchartrain lui ordonne alors à plusieurs reprises de quitter ce port et de rejoindre Brest avec ce qu'il reste de la flotte. Et comme Panetié n'exécute pas ces ordres, par ailleurs inexécutables, il envoie le marquis d'Amfreville à Saint-Malo pour y prendre le commandement des vaisseaux, et en particulier de celui de Panetié, Le Grand. Mais Ponchartrain, changeant d'avis, était revenu sur ses ordres, que d'Amfreville avait également refusé d'exécuter ; et Panetié revient en grâce dès le 9 juillet 1692.
À la création de l'ordre le , il est fait Commandeur de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis. Des huit commandeurs et huit grands-croix à 4 000 livres de pension, il est le seul représentant de la Marine lors de la première promotion.
En 1693, à la bataille de Lagos il prend un vaisseau hollandais. Commandant de la Marine à Brest, il est chargé en 1694, avec Vauban et M. de Langeron de protéger les abords de la ville. Il tient en échec l'amiral Berkeley, qui ne peut entrer dans le goulet et dont les troupes sont repoussées à Camaret.
Il meurt le , dans sa soixante-dixième année, dont cinquante-cinq années passées à la mer et 31 passées au service du Roi. Il portait alors le titre (honorifique) de « premier chef d'escadre des armées navales », étant alors le plus ancien chef d'escadre en activité, et exerçait le commandement de la Marine en Normandie.
Jugement et postérité
L'historien Ernest Hamy porte un regarde pour le moins laudateur sur Panetié dans la biographie qu'il lui consacre (1903).
« Panetié a fait preuve de rares mérites comme chef de service pendant cette longue carrière et Colbert recourait volontiers à sa grande expérience des choses de la mer. Mais c'est surtout comme manœuvrier qu'il s'est montré tout à fait remarquable. Il excellait à manier ces lourdes masses qu'étaient encore nos vaisseaux, malgré l'amélioration notable de la construction nautique. Aussi Tourville et Château-Renault lui donnaient-ils de préférence dans la ligne de bataille un de ces postes extrêmes, où soit pour l'attaque, soit pour la défense, il pouvait mieux qu'ailleurs développer ses qualités personnelles.
La navigation des mers du Nord qu'il avait pratiquée de bonne heure lui était particulièrement familière, mais il connaissait bien aussi toutes les côtes du Ponant qu'il a fréquemment visitées. Ses voyages se sont étendus du Spitzberg jusqu'à Candie.
Rigoureux dans le service, ainsi que l'exigeait la composition toujours hâtive et souvent hétérogène du personnel dont disposait alors tout officier de vaisseau, prudent et avisé dans la préparation d'une entreprise, et dans l'exécution à la fois intrépide et plein de sang-froid, il a fait modestement et simplement de grandes et belles choses et […] il mérite une place à part parmi les personnalités de second rang de notre vieille marine[9]. »
Notes
- Pannetier, dit-il dans une note de son troisième volume, « le plus ancien capitaine de vaisseau du roi et un très brave homme ; il étoit soldat de fortune et natif de Boulogne sur la mer » (Mémoires du marquis de Sourches sur le règne de Louis XIV, publiés d'après le manuscrit authentique appartenant à M. le duc des Cars, par le comte de Cosnac et E. de Pontil. Paris, 1884, in-8, t. III, p. 167). Dans une autre note (t. III, p. 93), il dit encore de notre personnage que : « C'étoit un très brave officier, qui étoit originaire du Boulonnois ». Enfin, parlant d'un autre Pannetier, promu enseigne de vaisseau en mai 1705, il ajoute qu'il était « fils ou neveu de Pannetier, célèbre capitaine de vaisseau, qui étoit de Boulogne » (t. IX, p. 250).
- Des deux paroisses qui se partagent alors la ville de Boulogne, l'une, Saint-Nicolas, qui comprenait toute la basse ville, ne possède aucun registre antérieur à l'année 1663 ; l'autre, Saint-Joseph, formée de la haute-ville remonte par ses actes de catholicité jusqu'à 1569, mais avec des lacunes étendues (cf. Ville de Boulogne-sur- Mer, Inventaire des Archives Communales antérieures à 1790, Boulogne-sur-Mer, 1884, in-4, p. 253 et suiv.)
- Panetié avait pour nom de baptême François. Or on trouve dans le registre baptismal de la paroisse Saint-Joseph de Boulogne (Arch. Comm., no 1788), juste à l'endroit convenable, c'est-à-dire presque exactement soixante-dix ans avant celle du décès qui nous est connue par le procès-verbal d'inhumation de la paroisse Saint-François du Havre du 27 avril 1696, procès-verbal qui lui attribue cet âge, un acte de baptême laissé en blanc et ainsi formulé : « 17 febvrier 1626 baptisé François fils de… pour parrain françois de… et pour assistons… ». Ne serait-ce pas notre François, dont un personnage important tel que François de Pattas, Sgr de Campaigno aurait été le premier parrain titulaire? Les actes ainsi demeurés incomplets ne sont pas rares dans les registres du temps et il est arrivé plus d'une fois que l'acte de baptême avec les noms de l'enfant et des parents laissés plus ou moins en blanc se continuait par l'énumération de parrains et marraines de qualité comme Antoine d'Aumont, François de Patras, etc
- Peut-être avec Antoine Ier d'Aumont, gouverneur des ville et château de Boulogne » qui avait avec lui « une compagnie de cinquante hommes de guerre à pied françois estant en garnison pour le service de sa Majesté audit château » (15 février 1625).
- Texte de la commission : « Le Roy ayant résolu de faire armer et équiper en guerre un nombre considérable de ses meilleurs vaisseaux à dessein de tenir les mers et côtes de son obéissance tant en Levant qu'en Ponant, libres et exemptes de piraterie de la part des corsaires d'Afrique ou autres qui pourroient, sous quelque prétexte que ce puisse être, troubler et incommoder le commerce maritime de ses sujets. Le Grand Maître chef et surintendant de la navigation commet, ordonne et établit dans les formes ordinaires […] le sieur François Panetié […] pour commander le vaisseau nommé l'Hirondelle qui est présent au port de Dunkerque » (Villiers 2000, p. 160)
Références
- Chebrou de Lespinats 2012, p. 4.
- Hamy 1903, p. 4
- Villiers 2000, p. 159.
- Hamy 1903, p. 5-6
- Archives nationales de la Marine, carton, B2 15, folio 48
- Villiers 2000, p. 180
- Mercure Galant, mai 1689, p. 309 et suiv.
- Forbin 1748, p. 336.
- Hamy 1903
Voir aussi
Sources et bibliographie
- Patrick Villiers, Les corsaires du littoral : Dunkerque, Calais, Boulogne, de Philippe II à Louis XIV (1568-1713), Presses universitaires du Septentrion, , 156-160 ; 172 ; 193 & 235 (lire en ligne)
- Ernest Hamy, François Panetié, premier chef d'escadre des armées navales (1626- 1696), Société académique de l'arrondissement de Boulogne-sur-Mer, (lire en ligne)
- Léon Guérin, Histoire maritime de France, vol. 3, Dufour et Mulat, (lire en ligne)
- Claude de Forbin, Mémoires du Comte de Forbin Claude, chef d'escadre, Girardi, (lire en ligne)
- Louis Étienne Dussieux, Les grands marins du règne de Louis XIV, Librairie V. Lecoffre, , 364 p.
- Robert Challe, Mémoires : Correspondance complète ; Rapports sur l'Acadie et autres pièces, Genève/Paris, Librairie Droz, , 764 p. (ISBN 2-600-00130-1, lire en ligne)
- Prosper Levot, Les gloires maritimes de la France, Paris, A. Bertrand, , 559 p. (lire en ligne), p. 384-385
- M. d'Aspect, Histoire de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, vol. 3, Paris, chez la veuve Duchesne, (lire en ligne), p. 133 et suiv.
Articles connexes
Liens externes
- Olivier Chebrou de Lespinats, Officiers de Marine de l'Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem (1610-1910), (lire en ligne)
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