Friedrich Engels

Friedrich Engels /ˈfʁiːdʁɪç ˈʔɛŋs/[1], né le à Barmen et mort le à Londres, est un philosophe, un anthropologue et un théoricien socialiste et communiste allemand, grand ami de Karl Marx. Après la mort de ce dernier, il assure, à partir des brouillons laissés par son ami, la rédaction définitive et la publication des livres II et III du Capital. Engels a été militant de la Ligue des communistes, de l'Association internationale des travailleurs (Première Internationale) et de l'Internationale ouvrière (Deuxième Internationale).

Pour les articles homonymes, voir Friedrich Engel, Engels (homonymie) et Engel.

Friedrich Engels
Naissance
Décès
Nationalité
Formation
Université de Berlin (d)
École/tradition
Principaux intérêts
Œuvres principales
Influencé par
A influencé
Célèbre pour
La méthode d'étude du « socialisme scientifique » (afin de se différencier du « socialisme utopique »), le communisme primitif et la naissance de l'opposition dominant/dominé, puis pour avoir expliqué le dépérissement de l'État selon une vision communiste.
Signature

Biographie

D'une situation industrieuse à la situation de la classe laborieuse

Marx et Engels. Monument à Berlin.

Il est issu d'une famille d'industriels protestants, son père ayant fait fortune dans l'industrie du textile[2]. Il quitte le lycée d'Elberfeld pour raisons familiales en 1838. Tout en travaillant comme commis dans une société commerciale à Brême, il commence à étudier la philosophie en profondeur. Il se rapproche particulièrement de la philosophie de Hegel, qui prédomine alors dans la philosophie allemande de l'époque, au détriment de celle de Schopenhauer.

En 1842 il s'installe en Angleterre, à Manchester, et travaille dans une société industrielle où son père a des intérêts. C'est là qu'il écrit, et publie en 1845 La situation de la classe laborieuse en Angleterre.

Rencontre et révolution

La même année, Engels contribue au journal Annales franco-allemandes, édité et publié par Karl Marx à Paris. Après leur première rencontre en 1844, ils découvrent qu'ils partagent les mêmes vues et décident de collaborer plus étroitement. Après l'expulsion de Marx hors de France, ils s'installent en Belgique, où la liberté d'expression est plus grande que dans d'autres pays d'Europe.

En , Engels propose à Marx un voyage en Angleterre. Il y rencontre Mary Burns, une ouvrière irlandaise avec laquelle il vivra, jusqu’à la mort de celle-ci en 1863. Il s'installe ensuite avec sa sœur Lizzie Burns, jusqu'à sa mort en 1878. Elle est remplacée comme hôtesse chez Engels par Mary Ellen[pas clair]. C'est probablement Mary Burns qui l'a introduit dans le mouvement chartiste, dont il rencontre quelques dirigeants comme George Julian Harney. Marx et Engels retournent à Bruxelles en où ils fondent le Comité de Correspondance Communiste. Le but est d'unifier les socialistes des différentes parties de l'Europe. Influencé par les conceptions de Marx, la Ligue des justes, organisation socialiste, se transforme en Ligue des communistes, à laquelle Marx et Engels adhèrent.

Sur demande de la Ligue des communistes, Marx commence en 1847 à rédiger un pamphlet fondé entre autres sur les Principes du communisme d'Engels. Cet ouvrage, terminé en six semaines, est écrit de manière à rendre les principes communistes accessibles à tous. Il est intitulé Manifeste du parti communiste et publié anonymement en .

En raison de la révolution de 1848, Engels et Marx sont expulsés en mars de Belgique. Ils s'installent à Cologne, où ils fondent un nouveau journal, la Neue Rheinische Zeitung (Nouvelle Gazette rhénane).

Engels participe activement à la révolution de 1848, prenant part à l'insurrection d'Elberfeld (actuelle Wuppertal). Après l'écrasement du soulèvement, il rejoint la révolution en Bade et Palatinat. Il participe aux combats contre l'armée prussienne (juin-) comme aide de camp d'August Willich, chef d'un corps de troupe des insurgés[3].

Mécène et savant

En 1849, Engels et Marx sont contraints de quitter le pays, et partent pour Londres. Les autorités prussiennes pressent le gouvernement britannique d'expulser les deux hommes, mais le Premier ministre John Russell refuse.

Afin d'aider financièrement Marx, Engels retourne travailler avec son père à Manchester, avant de repartir pour Londres en 1870. Il s’intéresse particulièrement au féminisme. Il considère par exemple le concept de mariage monogame comme résultant de la domination de l'homme sur la femme.

À partir de 1864, il milite au sein de l'Association internationale des travailleurs (Première Internationale), jusqu’à sa dissolution en 1876. Il publie en 1878 Monsieur E. Dühring bouleverse la science (dont trois chapitres sont extraits pour former un ouvrage sous le titre Socialisme utopique et socialisme scientifique en 1880).

Après la mort de Marx en 1883, il réunit les brouillons de celui-ci pour assurer la publication posthume des livres II et III de l'ouvrage Le Capital. Il assume aussi l'édition et la traduction d'autres écrits de Marx. Il se charge d'« exposer les résultats des recherches de Lewis H. Morgan en connexion avec l'étude matérialiste de l'histoire »[4]. Ce sera L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, paru en 1884. Il travaille à l'unification des différents partis ouvriers marxistes au sein de la Deuxième Internationale.

Il meurt à Londres en 1895, sans enfant. Ses cendres sont ensevelis en mer. Il laisse à Laura Marx-Lafargue, épouse de Paul Lafargue, une partie de sa fortune[5].

Critiques sur Engels

Par ses écrits, son militantisme communiste, son travail de publication de textes importants de Marx, Friedrich Engels reste pour beaucoup une référence du marxisme.

Cependant, la publication par David Riazanov des manuscrits originaux de Marx a montré que Engels avait modifié des textes de ce dernier avant de les publier, en altérant parfois le sens[6]. Par ailleurs, Maximilien Rubel accuse Engels d'être l'inventeur du marxisme idéologique[7] et d'avoir ainsi dénaturé la pensée de Marx.

Selon Norman Levine, les idées d'Engels sont simplifiées et en partie divergentes de celles de Marx. Ce sont pourtant ses conceptions qui auraient le plus influencé Karl Kautsky, puis Lénine et les léninistes. Commentant un ouvrage de Levine, Pierre Souyri écrit qu'Engels « crut prolonger Marx alors qu'il le réinterprétait en fonction de ses propres présuppositions philosophiques et fondait, avec innocence, le marxisme vulgaire[8]. »

C'est surtout sur la conception du « matérialisme dialectique » qu'Engels est critiqué par des marxistes hétérodoxes, tels Henri Lefebvre ou Jean-Paul Sartre[9], et par des exégètes[10] du XXe siècle – membres de l'École de Francfort ou marxiens. En effet, ils considèrent que la conception du matérialisme dialectique est inexistante chez Marx. Elle fut par ailleurs attaquée par les néo-rousseauistes comme Dühring et par les réformistes de la fin du XIXe siècle, comme Eduard Bernstein. Ces accusations envers Engels sur la dénaturation des œuvres théoriques de Marx auraient conduit selon eux au « marxisme idéologique »[11]. À la fin des années 1990, ces critiques tendent à disparaître[12],[13]. Cependant, des marxologues reconnus comme Michael Heinrich et Kevin Anderson leur redonnent vigueur au début du XXIe siècle[14].

Œuvres

Engels et Marx

  • La Sainte Famille (1844/45)
  • L'Idéologie allemande (Première partie, 1845/46)
  • Statuts de la Ligue des communistes (1847)
  • Manifeste du parti communiste (1848[15])
  • La Nouvelle Gazette rhénane (1849)
  • Adresse du Comité central à la ligue des communistes (1850)
  • Statuts de la Société universelle des communistes révolutionnaires (1850)
  • Abd El Kader ; Bugeaud ; Algérie (articles de la New American Cyclopedia, 1859)
  • Inventer l'inconnu, textes et correspondance autour de la Commune, La Fabrique,

Engels

Portraits

Notes et références

  1. Prononciation en allemand standardisé retranscrite selon la norme API.
  2. Jacques Grandjonc, « Engels Friedrich », sur maitron.fr.
  3. .
  4. Frédéric Engels traduit par Bracke, L'origine de la famille, de la propriété et de l'Etat, Paris, Alfred Costes, , préface de la première édition (1884)
  5. Paul Lafargue et Laura Marx-Lafargue, Archives de France, Ministère de la culture, 2011.
  6. Cela est analysé par exemple dans « Les Œuvres de Marx dans la Bibliothèque de la Pléiade », tome III, pages 1 715 à 1 717, à propos des Thèses sur Feuerbach.
  7. Maximilien Rubel, Marx critique du marxisme, Payot, (réimpr. 2000).
  8. Pierre Souyri, compte rendu dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1979.
  9. Sartre, Matérialisme et révolution, dans Situations, III, Paris, Gallimard, 1949.
  10. Charbonnat 2007, p. 531-534.
  11. Selon Pascal Charbonnat, ces accusations ne seraient aucunement justifiées : Charbonnat 2007, p. 463-464.
  12. Labica, Delbraccio et al 1997.
  13. Hunt 2009.
  14. Michael Heinrich, Comment lire Le Capital de Marx ?, Smolny, 2015, et Kevin B. Anderson, Marx aux antipodes, Syllepse, 2015.
  15. Le Manifeste (éd. 1901) lire en ligne sur Gallica.
  16. Révolution et Contre-révolution en Allemagne, texte complet traduit en français.
  17. Anti-Dühring, Monsieur Eugen Dühring bouleverse la science.

Voir aussi

Bibliographie

  • Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies matérialistes, Syllepse, , 650 p.
  • Michel Gandilhon, « (Encore) quelques remarques sur une biographie d'Engels », Cahiers du mouvement ouvrier no 46
  • Jacques Grandjonc, « Engels Friedrich », Le Maitron, 3 février 2009, dernière modification le 1er avril 2019 (lire en ligne).
  • Florian Gulli, Jean Quétier, Découvrir Engels, Éditions sociales/La Dispute, 2020, 142 p.
  • Tristram Hunt (trad. de l'anglais), Engels, Le gentleman révolutionnaire, Paris, Flammarion, , 591 p. (ISBN 978-2-08-122481-0).
  • Georges Labica, Mireille Delbraccio et al., Friedrich Engels, Savant et révolutionnaire, PUF, coll. « Actuel Marx confrontation », , 448 p. (ISBN 978-2-13-048146-1).
  • Jean-Jacques Marie, « Quelques remarques sur une biographie d'Engels », Cahiers du mouvement ouvrier, no 45.
  • Mohamed Moulfi, Engels, philosophie et science, L'Harmattan, 2004, 244 p.

Articles connexes

Liens externes

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