Géologie du massif du Chablais

La géologie du massif du Chablais est caractérisée par des roches sédimentaires calcaires et silici-clastiques, accumulées sous forme de nappes de charriage. Ces nappes correspondent aux couvertures sédimentaires déposés dans les différents domaines paléogéographiques de la Téthys alpine. Elles sont datées entre le Trias jusqu'à l'Éocène et l'Oligocène pour certains dépôts postérieurs. La disposition des nappes de bas en haut respectent a priori leur introduction dans le prisme d’accrétion et donc leur position relative dans la Téthys alpine : les nappes situés à la base de l'édifice préalpin sont associés à la marge nord européenne tandis que celle situés vers le sommet donc davantage placés vers la marge sud.

Géologie du massif du Chablais
Généralités
Type Ceinture de chevauchement
Pays France et Suisse
Origine Nappes de décollement incorporées dans le prisme d'accrétion sédimentaire de la Téthys alpine
Formation Entre 100 et 33,9 Ma
Roches
Roches sédimentaires Calcaire, dolomie, conglomérat, grès, marne, argilite, gypse
Roches magmatiques Olistolithes d'ophiolite et matériel détritique
Roches métamorphiques matériel détritique
Tectonique
Structures tectoniques Nappe de décollement
Failles Normales, inverses et décrochantes
Plis Anticlinaux et synclinaux

Cadre géographique et géologique

Le massif du Chablais est un relief situé sur le flanc nord des Alpes et à cheval entre la France et la Suisse. Il est entouré par le Léman au nord, les Préalpes suisses[note 1] à l'est, le massif du massif du Giffre au sud sud-est, le massif des Bornes au sud-ouest et, le Salève et le plateau des Bornes à l'ouest. C'est un relief d'altitude moyenne dont le plus haut sommet atteint 2 466 m (Hauts-Forts).

Le massif du Chablais est situé à cheval sur le domaine helvétique et le bassin d'avant-pays nord alpin ou bassin molassique suisse. Il partage de nombreuses similitudes avec les Préalpes romandes qui constitue son prolongement oriental. Il est entièrement constitué de terrains allochtones correspondant au domaine structural du pennique. Il résulte de l'accumulation de plusieurs nappes de décollement qui se sont imbriqués lors de l'orogenèse alpine[1],[2]. Ces différentes nappes correspondaient initialement aux couvertures sédimentaires des domaines paléogéographiques du Valaisan, du Briançonnais et du Piémontais. Au cours de la fermeture de la Téthys alpine, ces couvertures sédimentaires se sont décollées selon des plans de cisaillement et se sont agrégés pour former un prisme d'accrétion sédimentaire entre le Crétacé tardif et l'Éocène[3]. Ce prisme sédimentaire a ensuite été charrié sur le domaine helvétique au moment de la collision dès l'Oligocène pour former le massif du Chablais tel que l'on le connaît aujourd'hui.

Le caractère pennique des terrains le constituant le distingue des autres reliefs adjacents. Ces derniers sont tous constitués de couvertures sédimentaires des domaines helvétique (massifs des Bornes et du Giffre) ou du Jura (Salève) et ont été charriés sur des distances relativement faibles en comparaison (moins de 100 km) puisqu'ils demeurent sur leurs socles respectifs ou du moins équivalents. Pour comparaison, le charriage des unités penniques correspond à un déplacement de plusieurs centaines de kilomètres et leurs socles se situent actuellement en arrière des massifs cristallins externes et forment à proprement parler les Alpes. Cette distinction dans l'origine des couvertures sédimentaires et l'importance du charriage permet de distinguer d'un point de vue géologique, les Préalpes (massif du Chablais et Préalpes suisses), constitués d'unités penniques, des massifs subalpins (massifs des Bornes et du Giffre) constitués de couvertures sédimentaires helvétiques moins déplacés.

Subdivisions tectoniques

Le massif du Chablais est constitué d'un empilement de plusieurs de nappes de charriage. L'ordre de superposition des nappes de bas en haut respectent a priori leur introduction dans le prisme d’accrétion et donc leur position initiale dans la Téthys alpine : les nappes situées au sommet ont été les premières incorporées dans le prisme et étaient localisées vers la marge sud de la Téthys alpine tandis que celles situées en bas de l'édifice préalpin sont les dernières imbriquées et sont préférentiellement localisées vers la marge nord[2].

Ultrahelvétique

L'Ultrahelvétique correspond à la partie distale du domaine helvétique où prédominent des dépôts marno-calcaires de pente et pélagiques[4]. Elle constitue la semelle des Préalpes et est préservé à des degrés variables : sous forme d'une nappe à la stratigraphie cohérente et incomplète ou sous une forme plus chaotique assimilable à un mélange.

Il affleure très faiblement sur la bordure externe des Préalpes du Chablais[note 2]. Le Barrémien affleure notamment entre Saint-Gingolph et le Bouveret[5],[6],[7],[8]. Il est ensuite absent jusqu'aux collines du Faucigny ou dissimulé par l'importance couches de dépôt quaternaire. L'extrémité septentrionale des collines du Faucigny est constitué d'une série stratigraphique tronquée mais plus développé entre l'Oxfordien et le Coniacien[9].

L'ultrahelvétique affleure principalement le long de la bordure interne des Préalpes du Chablais, dans la zone des Cols. Il sert de transition avec le massif du Giffre et les dents du Midi vers le sud. Il présente un apsect plus chaotique incorporant des olistolites des différentes nappes préalpines[10].

Nappe des Voirons

La nappe du Gurnigel est restreinte sur la bordure externe du massif du Chablais. Les Voirons et les reliefs secondaires l'entourant (mont Vouan, Tête de Char) ainsi que les collines d'Allinges constituent les principales unités. Il s'agit de dépôts marins profonds issus de courants de densité ou turbidites s.l. qui peuvent être interprétés comme des flyschs. Son origine paléogéographique est débattue. Certains lui attribuent une origine sud téthysienne mais de récents travaux tendent à lui attribuer une origine valaisanne c'est-à-dire nord téthysienne. Ainsi la nappe du Gurnigel est datée de l'Éocène moyen à tardif voire l'Oligocène basal avec incertitude.

Contrairement aux autres nappes, la nappe du Gurnigel ne possède pas de socle cristallin. En effet elle s'est déposée sur des séries marines profondes préexistantes à l'image d'autres unités de flysch.

Nappe des Préalpes médianes

La nappe des Préalpes médianes (plastiques et rigides) constitue la majeure partie de l'édifice préalpin. De par leur position structurale dans les Préalpes et leur épaisseur, elles comportent une grande partie des sommets supérieures à 2 000 m à l'image de la dent d'Oche. Les Préalpes médianes correspondent aux couvertures sédimentaires issues du micro-continent (et domaine) briançonnais. Il s'agit de dépôts carbonatés de plateforme (Préalpes médianes rigides) et du bassin marginal (Préalpes médianes plastiques). La différence réside dans la plus forte proportion d'intervalles marneux dans les Préalpes médianes plastiques liée à leur plus grande profondeur de dépôt. Cette teneur en marnes confère par ailleurs à cette dernière une plus grande plasticité qui apparaît régulièrement plissée en une succession de plis synclinaux et anticlinaux. Par opposition, la faible teneur en niveaux marneux dans les Préalpes médianes rigides favorise une déformation cassante qui se manifeste par une forte proportion de plans de faille. Les dépôts sont datés entre le Trias avec les niveaux évaporitiques qui furent exploités à Armoy et les niveaux de flysch de l'Éocène moyen qui affleurent sporadiquement.

Le socle cristallin correspond de nos jours à un ensemble d'unités incluant la nappe Siviez-Mischabel.

Nappe de la Brèche

La nappe de la Brèche affleure dans une bande débutant au Praz de Lys et traversant Châtel. De par sa position structural élevée et sa lithologie, la nappe de la Brèche compose le sommet le plus élevé du massif du Chablais : le mont de Grange. La nappe correspond à la transition entre les domaines briançonnais et piémontais. La majeure partie des dépôts se sont par ailleurs déposés lors de la phase de rifting de la Téthys alpine (sédimentation syn-rift). Elle se caractérise par d'importantes accumulations de brèche scindées en deux unités géologiques (brèches inférieure et supérieure) et séparés par des dépôts fins schisteux. La série sédimentaire débute au Trias et se poursuit jusqu'aux flyschs éocènes. Son socle cristallin correspond au mont Rose.

Nappe supérieure des Préalpes

La nappe supérieure des Préalpes constitue la partie sommitale du massif du Chablais. Toutefois en raison de leur forte sensibilité à l'érosion, ils sont uniquement préservés de nos jours au cœur des plis synclinaux. Cette unité est constituée d'une superposition de quatre flyschs qui sont de bas en haut : le flysch de la Sarine, le flysch de la Dranse, le flysch de la Simme et le flysch des Gets. Ces différentes unités sont des dépôts silico-clastiques marins profonds et déposés par des courants de densités ou turbidites s.l.. Ils ont été déposés le long de la marge sud téthysienne et constituent par ailleurs les premières unités emportées dans la subduction et donc dans le prisme d'accrétion. Ces flyschs affleurent très mal et sont généralement couverts par des prairies. Ils sont par ailleurs sujet régulièrement à des glissements de terrain. Selon les interprétations, la nappe du Gurnigel est parfois associée à la nappe supérieure des Préalpes et plus particulièrement au flysch de la Sarine.

Histoire géologique du massif du Chablais

Notes et références

Notes

  1. D'un point de vue géologique, la partie occidentale des Préalpes suisses, à savoir les Préalpes vaudoises, fribourgeoises et bernoises sont décrites comme un ensemble cohérent et dénommé Préalpes romandes.
  2. Par convention, les domaines internes sont ceux situés le plus au sud tandis que les domaines externes sont localisés au nord.

Références

  1. Jon Mosar, « Géologie structurale dans les Préalpes Médianes (Suisse) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 84, no 3, , p. 689-725 (DOI 10.5169/seals-166793).
  2. (en) Jon Wissing et Adrian O. Pfiffner, « Structure of the eastern Klippen nappe (BE, FR) : implications for its Alpine tectonic evolution », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 95, no 3, , p. 381-398 (DOI 10.5169/seals-168966).
  3. (en) Mark R. Handy, Stefan M.R. Schmid, Romain Bousquet, Eduard Kissling et Daniel Bernoulli, « Reconciling plate-tectonic reconstructions of Alpine Tethys with the geological–geophysical record of spreading and subduction in the Alps », Earth-Science Reviews, vol. 102, , p. 121-158 (DOI 10.1016/j.earscirev.2010.06.002).
  4. Serge Anatrà, Toni Ackermann et Peter Homewood, « Les facies de l'Ultrahelvétique du Montsalvens (Préalpes externes) et la région d'Anzeinde (Préalpes internes) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 73, no 1, , p. 283-292 (DOI 10.5169/seals-164955).
  5. Elie Gagnebin, « Présence du Barrémien ultra-helvétique à St-Gingolph (Valais) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 37, no 2, , p. 195-197 (DOI 10.5169/seals-160499).
  6. Héli Badoux, « Géologie des Préalpes valaisannes », Matériaux pour la Carte Géologique Suisse, vol. 102, no 170, (ISBN 978-3-302-40086-0).
  7. Héli Badoux, Carte et notice explicative de la Carte géologique de la France (1/50000ème) - Feuille Thonon-Châtel (630), BRGM, , 8 p..
  8. Marc Dupuy, François Marillier, Raymond Plancherel et Marc Weidmann, « Analyse structurale de la région lémanique basée sur la sismique réflexion dans le Léman (Grand Lac et Haut Lac) et la géologie des rives nord et sud », Matériaux pour la Carte Géologique Suisse, vol. 102, no 170, (ISBN 978-3-302-40086-0).
  9. Jean Charollais, François Atrops, Robert Busmardo, Lionel Fontannaz, Pascal Kindler et Roland Wernli, « Précisions stratigraphiques sur les Collines du Faucigny, Préalpes ultrahelvétiques de Haute- Savoie (France) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 86, no 2, , p. 397-414 (DOI 10.5169/seals-167249).
  10. Pascal Jeanbourquin, Pascal Kindler et Stephan Dall'Agnolo, « Les mélanges des Préalpes internes entre Arve et Rhône (Alpes occidentales franco-suisses) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 85, no 1, , p. 59-83 (DOI 10.5169/seals-166995).
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