Gâtine

Les termes gâtine ou gastine (avec l'ancienne graphie) sont à l'origine des noms des anciennes provinces françaises du Gâtinois et du Gâtinais. Il désigne au sens le plus ancien un « terrain inculte, inhabité », mais aussi « le pillage, la ruine »[1]. Ils partagent le même radical que les termes gâter et l'ancien français gast « désert, inculte ».

Ne doit pas être confondu avec Gâtinais.

« Gatine » redirige ici. Pour l'avocat français abolitionniste du XIXe, voir Adolphe Ambroise Alexandre Gatine.

Les gâtines en vieux français

Une définition ancienne, selon l' Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières : géographie moderne, Volume 3, publié en 1788 [2]

« Des mots latins, vastum, vastare, ravager, nos vieux François firent les mots de gast, guast, guaster, d'où sont venus les mots de dégât & de gâter. Ensuite il en arrivé qu'après que plusieurs lieux incultes ont commencé à être cultivés, on leur a conservé le nom de gastine, assez commun en Touraine, Beauce, le Maine, &c.  »

Mais en réalité, le latin vastum ou vastare n'expliquent pas complètement gast, ni gâter. Seul le gallo-roman WASTU peut avoir donné gast et seul WASTARE peut avoir donné gâter.

Il faut supposer une influence germanique, issue des Francs saliens depuis l'actuel Benelux et la Rhénanie, sur l'initiale de ces mots qui permet de rendre compte de la consonne initiale [g]. En effet, le français conserve le v initial latin sauf dans les cas où il y a une influence du vieux bas francique cf. guêpe, goupil, gui, etc. Il est suggéré une influence du terme vieux bas francique *wōst « désert, désertique » (cf. allemand wüst « désertique ») qui s'est exercée à la fois sur le plan phonétique et sur le plan sémantique. Cependant pour gâtine, le problème est plus complexe, il est difficile d'admettre un dérivé du radical gast- à l'aide du suffixe -ine. C'est pourquoi on postule directement pour le vieux bas francique *wōstinna, corroboré par le vieux haut allemand wôstinna, wuostinna, substantif signifiant « désert »[1], parlé par le peuple franc, Clovis, Charles Martel, Pépin le Bref, à l'époque de leur pouvoir, y compris Charlemagne dont la langue maternelle est aussi le francique.

Les Francs saliens (en jaune) et rhénans (orangé) dans la première moitié du Ve siècle. Les zones grises correspondent à l'Empire romain.


Carte des royaumes francs de 481 à 814 ; les conquêtes en Neustrie, Royaume Wisigoth et Germanie sont datées.

Les termes Wa(s)tine, Va(s)tine, Gastine, Gâtine sont typiques et caractéristiques de la toponymie de langue d'oïl.

Géographie des gâtines

C'est une région formée de terrains pauvres ou peu fertiles, imperméables, à dominante siliceuse, et donc à pH acide, établis souvent sur des schistes, des granites, affleurants ou non en chaos ou, plus fréquemment dans le Bassin parisien, des dépôts sableux ou morainiques fluvio-glaciaires, peu mis en valeur sur le plan agricole (de médiocres forêts subsistent dans les parties non défrichées), formée de landes et prairies pauvres, convenant principalement à l'élevage des moutons et des chèvres.

Toponymie

Les Francs sont originaires de l'actuel Benelux et de la Rhénanie, s'étendent des Flandres vers la Picardie, puis en Normandie, en passant par le Gâtinais, la Touraine, jusqu'au Poitou et les Charentes, conquis par Clovis à Vouillé sur Alaric II et les Wisigoths en 507, après la victoire de Tolbiac.

Avant qu'il ne soit Empereur, Charlemagne, petit-fils de Charles Martel, fils de Pépin-le-Bref, possède un Royaume en 768 qui représente un territoire dont la superficie s'étend de l'Austrasie, la Neustrie et l'ouest de la France jusqu'aux Pyrénées ; un territoire qui diffuse alors le francique depuis deux siècles déjà, ainsi que dans les territoires du Royaume de Carloman, frère de Charlemagne.

Un groupe occidental, les Francs saliens, qui se disséminèrent en partie dans des territoires dont le parler roman est devenu par la suite la langue d'oïl.

Normandie

La toponymie de la Normandie et notamment du nord Cotentin, pays où les mauvaises terres sont fréquentes, révèle un type toponymique récurrent en -vast de même sens et de même étymologie que gastine, sous forme d'un appellatif toponymique, par exemple : Martinvast (de Martin wasto vers 1210), Sottevast (Sotewast XIIe siècle), Tollevast (Toberwast vers 1000, lire *Tolerwast, Tolewast XIIe siècle), Reniévast, etc. Il en existe quelques rares exemples en Pays de Caux, où Véraval est désigné en tant que Warelwast in 1024 ; Le Gast dans le Calvados.

Cependant en Normandie, la Vatine (anciennement Wastine) n'est qu'un microtoponyme, tout en étant extrêmement répandu ;

Picardie

De même que son équivalent normand, en picard la Wâtine, la Wastine[3] que l'on rencontre également dans la Flandre romane a le sens de « plaine déserte ». Cet appellatif toponymique est à l'origine de localités comme Malèves-Sainte-Marie-Wastines. Ces espaces sont parfois restés boisés en tout ou partie ; lorsqu'ils étaient défrichés pour être mis en culture, c'était généralement dans le cadre d'une jachère biennale et le seigle était alors la principale céréale cultivée.

Touraine

Gâts, dégâts, gâtines s'appliquent aux landes intercalées entre champs cultivés et lambeaux de forêts, obtenues autrefois par incendie de celles-ci.

Poitou

Le terme de gâtine s'est fixé dans la toponymie en Poitou, Vendée.

Provence et Gascogne

En revanche on trouve également des terres gastes en Gascogne, et jusqu'en Provence à Puget-sur-Argens par exemple.

Les principales gâtines du Centre et de l'Ouest français

Gâtine ou Gastine est à l'origine du nom donné à plusieurs régions dans le centre et vers l'ouest de la France[4] :

D'autres « gastines » existent sur le territoire français, à l'instar de Saint-Denis-de-Gastines en Mayenne...

Anciennement une gâtine est une « terre imperméable, inculte et marécageuse », aujourd'hui cela n'en n'aurait plus que le sens géographique de « pays de landes et de médiocre culture mal dégagé de la forêt ».

Dans la légende arthurienne, la Terre Gaste est un territoire désolé, devenu stérile, qui ne retrouvera sa fertilité qu'à l'issue de la quête du Graal, qui guérira le roi blessé ainsi que son royaume ; voir l'article Le Roi pêcheur. C'est également sous ce titre qu'est parfois traduit en français le poème de T. S. Eliot, La Terre vaine.

Origine de noms de famille

Des noms de famille sont formés à partir de Gâtine :

  • Gatinois se retrouve dans un vaste espace territorial des Ardennes, de la Meuse et de la Marne, ainsi que dans la Sarthe
  • Gatineau et Gastineau, sont localisés dans l'Ouest de la France
  • Gatinel dans le Sud Bretagne et Sud-Ouest de la France
  • Gastinel sur la côte sud-est de la France

Les études de généalogie tendent vers des toponymies devenues patronymes, "appellation relative au domaine" [8].

Bibliographie

  • Jacques Dibot, Mutation agricole de la Gâtine poitevine au cours du dix-neuvième siècle, thèse non publiée, université de Poitiers, 1966.
  • Bélisaire Ledain, La Gâtine, historique et monumentale, Paris : Imprimerie de Jules Claye, 1876
  • Louis Merle, « La métairie de la Gâtine Poitevine sous l'Ancien Régime. Étude de géographie agraire », Norois, 1954/3, p. 241-266 [lire en ligne].
  • Jacques Péret, Seigneurs et seigneuries en Gâtine poitevine. Le duché de La Meilleraye, XVIIe siècle-XVIIIe siècles, Poitiers, Société des antiquaires de l'Ouest, 1976.
  • Daniel Schweitz, Une forêt gâtée pour pays : l'identité traditionnelle de la Gâtine tourangelle (XIe – XIXe siècle) », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, XLIII, 1993, p. 931-949 
  • Daniel Schweitz, Historiens, « antiquaires » et archéologues de la Société archéologique de Touraine. Répertoire biographique et bibliographique (1840-2018), in Mémoires de la Société archéologique de Touraine, LXXVII, 2020, 291 p.u pays traditionnel au pays d'accueil : l'identité de la Gâtine tourangelle depuis 1850 », Norois, revue géographique de l'Ouest et des pays de l'Atlantique Nord, 1994, 163, p. 399-418 ;
  • Daniel Schweitz, Aux origines de la France des pays : Histoire des identités de pays en Touraine (XVIe-XXe siècle) », Paris, L’Harmattan, 2001, 463-p.-XXVII p. de pl.
  • Daniel Schweitz, L’Identité traditionnelle du Vendômois : des travaux d’érudition à la reconnaissance d’un pays de la Vieille France (XIXe -XXe siècles), Vendôme, Éd. du Cherche-Lune, 2008.

Notes et références

  1. Site du CNRTL : étymologie de "gâtine"
  2. Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières: géographie moderne, Volume 3, Charles-Joseph Panckoucke (lire en ligne), p. 854
  3. Ernest Nègre, Toponymie générale de la France (lire en ligne)
  4. Denis Jeanson, page personnelle.
  5. Centre Écologie Gouvernement français, Atlas, Indre.
  6. Blog d'actualité du Boischaut Nord./Le_Boischaut_Nord_ou_Gatines_de_lIndre-335676.html
  7. Albert Dauzat, Dictionnaire des noms de famille et prénoms de France, Paris, Larousse, , 628 p., Gâtine (variante archaïque : Gastine, Gastinne) Page 281

Lien externe

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