Sarin

Le sarin (désignation OTAN : GB) est une substance inodore, incolore et volatile, de la famille des organophosphorés, neurotoxique pour l'homme et l'animal. Même à très faible dose (10 parties par milliard) il peut être fatal. On estime qu'il est environ 500 fois plus toxique que le cyanure. Il passe facilement la barrière des poumons et est absorbé par la peau, d'où il passe directement dans le sang. Quand il ne tue pas, il laisse de graves séquelles neurologiques.

Sarin
Structure du sarin (énantiomères R à gauche et S à droite)
Identification
Nom UICPA 2-[fluoro(méthyl)phosphoryl]oxypropane
méthylphosphonofluoridate de rac-propan-2-yle
No CAS 107-44-8
No RTECS TA8400000
PubChem 7871
ChEBI 75701
SMILES
InChI
Apparence liquide incolore à brun-jaune, inodore
Propriétés chimiques
Formule C4H10FO2P  [Isomères]
Masse molaire[1] 140,093 2 ± 0,004 5 g/mol
C 34,29 %, H 7,19 %, F 13,56 %, O 22,84 %, P 22,11 %,
Propriétés physiques
fusion −57 °C[2]
ébullition 147 °C[2]
Solubilité complète dans l'eau
Masse volumique 1,088 7 g·cm-3 (liquide, 25 °C)
1,102 g·cm-3 (liquide, 20 °C)
Pression de vapeur saturante 197,3 Pa à 20 °C
390 Pa à 30 °C
1,3 kPa à 50 °C
Précautions
SGH[3]

Danger
H300, H310, H330, P260, P264, P270, P280, P284, P310, P302+P350 et P304+P340
NFPA 704

 
Transport
-
   2810   
Écotoxicologie
DL50 0,55 mg·kg-1 (rat, oral)
0,039 mg·kg-1 (rat, i.v.)
0,103 mg·kg-1 (rat, s.c.)
0,218 mg·kg-1 (rat, i.p.)[2]
Découverte Découvert par Gerhard Schrader, Ambros, RüdigerRitter (de), Van der Linde en 1938
Précurseurs principaux Difluorure de méthylphosphonyle
Dichlorure de méthylphosphonyle
Méthylphosphonochloridate de diisopropyle
Précurseurs secondaires Phosphonate d'isopropylméthyle
Précurseurs dérivés Triméthylphosphite
Trichlorure de phosphore
Phosphite de triisopropyle

Pour ces raisons, il a été utilisé comme arme chimique, avant d'être considéré comme une arme de destruction massive par les Nations unies (résolution 687, 1991). À ce titre, sa production et sa conservation sont interdites depuis 1993. Les États devaient avoir détruit leurs stocks d'armes chimiques avant 2007.

En 1952, les Britanniques l'ont modifié pour en créer une version dix fois plus mortelle nommée VX. Le chlorosarin et le cyclosarin (désignation OTAN : GF) sont des dérivés du sarin.

Origine

Le sarin fut inventé en 1939 à Wuppertal-Elberfeld dans la vallée de la Ruhr en Allemagne, dans les laboratoires de l'IG Farben, par quatre chercheurs allemands à la recherche de meilleurs pesticides. Le composé reçoit son nom d'après ses inventeurs : Schrader, Ambros, RüdigerRitter (de) et Van der Linde[4].

Caractéristiques chimiques

Le sarin est proche, par sa structure et ses effets, d'insecticides tels que le malathion ou le carbaryl. Il est également proche de médicaments tels que la pyridostigmine, la néostigmine et l'antilirium.

À température ambiante, le sarin est incolore, inodore et liquide. Il s'évapore rapidement sous la forme d'un nuage incolore et inodore également. Sa volatilité permet de s'avancer sans risque sur un terrain touché par ce produit de quelques minutes à quelques heures plus tard (selon la météorologie).

Il est soluble dans l'eau et dans la plupart des liquides biologiques.

Durée de vie

Le sarin a une durée de vie relativement longue quand il est conservé dans de bonnes conditions, mais il se dégrade en quelques semaines à quelques mois dans l'environnement, non sans conséquences pour les animaux qui entreraient en contact avec lui. Il pourrait persister plus longtemps dans les sols et sédiments en l'absence d'oxygène et de lumière, et certains de ses sous-produits ou métabolites peuvent être toxiques. D'après la CIA[5], en 1989, le gouvernement irakien aurait détruit au moins 40 tonnes de sarin dégradé.

Effets biologiques

Écorché d'une ogive d'entrainement de missile sol-sol Honest John. Les sous-munitions M139 devant contenir le sarin sont bien visibles.

Le sarin est un neurotoxique de catégorie G : il attaque le système nerveux humain.

C'est un organophosphoré très puissant, qui inhibe l'acétylcholinestérase en formant un lien covalent avec le site actif de l'enzyme, qui devrait normalement effectuer l'hydrolyse de l'acétylcholine. Cela a pour effet de permettre à l'acétylcholine de prolonger son activité puisqu'elle n'est plus éliminée, ce qui aboutit à une paralysie complète et très rapide.

Les symptômes[6] d'une exposition au sarin sont :

L'exposition au sarin est potentiellement mortelle et laisse toujours de graves lésions et séquelles neurologiques permanentes chez ceux qui y survivent.

Une tonne de sarin ferait entre 300 et 700 morts par kilomètre carré à supposer une densité de 3 000–10 000 pers/km2 s'il est vaporisé par un avion en jour clair, ensoleillé, avec un vent modéré, 400 à 800 pour une nuit claire avec un vent modéré, 3 000 à 8 000 de nuit et dans des conditions de température et de vent favorables à son action toxique. La létalité de ce gaz dans d'autres conditions est de 7 à 8 % par km²[7].

Traitement

Il fait l'objet de recherches depuis des décennies[Quand ?][8],[9].

Un empoisonnement au sarin doit être traité rapidement par de l'atropine ou des antagonistes de l'acétylcholine ainsi qu'un inhibiteur des organophosphorés, comme le pralidoxime. Une thérapie anticonvulsive à base de benzodiazépines est également utilisée.

Plusieurs armées ont mis à la disposition de leurs soldats des seringues auto-injectables à 3 compartiments pré-chargées contenant successivement de l'atropine, la pralidoxime et le diazépam. Les soldats ont quelques minutes pour faire l'injection, à travers leur tenue de combat si nécessaire.

Une autre piste étudiée depuis plusieurs années est de rapidement distribuer dans l'organisme un enzyme capable de rapidement hydrolyser les organophosphorés (certains insectes cibles ont développé des résistances aux organophosphorés). En 2019, Zhang et al. ont publié un article sur le développement d'un antipoison (bioscavenger, et plus précisément nanoscavenger basé sur des nanoparticules injectables décomposant les agents neurotoxiques organophosphorés en composés inoffensifs, efficacement testées chez le rat et le cobaye de laboratoire[10].
Le produit semble avoir une faible immunogénicité et bien se distribuer dans le corps (biodistribution) ; de plus il protège pour une semaine contre une nouvelle exposition au sarin[10].

Utilisations

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (en) « Sarin », sur ChemIDplus, (consulté le ).
  3. (de) Günter Hommel, Handbuch der gefährlichen Güter. Transport- und Gefahrenklassen, vol. 6, Springer, Berlin Heidelberg, 2012 (fiches 2282 et 2002). (ISBN 978-3-642-25051-4).
  4. Richard J. Evans, The Third Reich at war, (ISBN 978-1-59420-206-3, 1-59420-206-0 et 978-0-14-311671-4, OCLC 233549166, lire en ligne)
  5. (en) Stability of Iraq's CW stockpile.
  6. Jean-Claude Monfort, Vieillir, risques et chances : petit traité de psycho-gérontologie, éd. Lavoisier, 2015, p. 118, partiellement consultable sur Google livres.
  7. (en) Proliferation of Weapons of Mass Destruction: Assessing the Risks, Office of Technology Assessment, Congrès des États-Unis, , 118 p. (lire en ligne [PDF]), p. 54.
  8. (en) Stone R (2018) How to defeat a nerve agent. Science 359, 23 (2018).
  9. (en) E. X. Albuquerque, E. F. R. Pereira, Y. Aracava, W. P. Fawcett, M. Oliveira, W. R. Randall, T. A. Hamilton, R. K. Kan, J. A. Romano Jr., M. Adler (2006) Effective countermeasure against poisoning by organophosphorus insecticides and nerve agents. Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 103, 13220–13225.
  10. (en) Peng Zhang et al., « Nanoscavenger provides long-term prophylactic protection against nerve agents in rodents », Science Translational Medicine, vol. 11, no 473, (DOI 10.1126/scitranslmed.aau7091, lire en ligne).
  11. (en) DCI Special Advisor Report on Iraq's WMD, volume I, p. 25 du document [PDF].
  12. Convention on the Prohibition of the Development, Production, Stockpiling and Use of Chemical Weapons and on their Destruction.
  13. (en) Mike Brunker, « Bomb said to holddeadly sarin gas explodes in Iraq », sur National Broadcasting Company, (consulté le ).
  14. Le Monde, « Syrie : comment les échantillons de gaz sarin ont été rapportés », .
  15. Le Figaro, « Des analyses confirment l'utilisation de gaz sarin en Syrie », .
  16. Le Monde, « Syrie : Paris et Londres affirment avoir des preuves de l'utilisation de gaz sarin », le .
  17. France24, « Moscou doute de l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien », le .
  18. Le Nouvel Observateur, « SYRIE. La Russie accuse les rebelles d'utiliser du gaz sarin », le .
  19. « L'armée syrienne accusée d'avoir utilisé du gaz toxique, l'ONU sommée de réagir », Le Figaro, .
  20. « Armes chimiques en Syrie : l'ONU veut « faire la lumière » », Le Parisien, .
  21. (en) Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, « OPCW Director-General Shares Incontrovertible Laboratory Results Concluding Exposure to Sarin », sur opcw.org, La Haye (Pays-Bas), OIAC, (consulté le ).
  22. « Un rapport de l’ONU attribue l’attaque au sarin de Khan Cheikhoun à l’armée syrienne », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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