Glomérulonéphrite lupique
Définition et épidémiologie
Le lupus est une maladie auto-immune systémique qui peut toucher plusieurs organes. L’atteinte rénale (aussi appelée « glomérulonéphrite lupique » car touchant le « glomérule » qui est la structure interne du rein) est une inflammation du rein causée par le lupus. Cette complication - qui survient chez près de la moitié (40 %) des patients atteints de lupus systémique [1, 2] - peut être présente dès le début de la maladie ou apparaitre secondairement pendant le suivi. Cette atteinte rénale comporte plusieurs stades (il existe 6 classes de glomérulonéphrites lupiques selon la classification ISN/RPS 2003 [2-4] ), et la phase terminale - qui touche 4-10% des patients avec une atteinte rénale [2, 5] - reste une préoccupation pour tous les patients lupiques en raison de sa sévérité (handicap, décès). Cependant, les études montrent qu’une prise en charge rapide et adaptée réduit considérablement le risque de dommages irréversibles [2, 6-11] .
Prise en charge
- Au cours du lupus, préserver la fonction rénale à long terme nécessite d’une part une détection précoce de l’atteinte rénale, et d’autre part de mettre en place le plus rapidement possible une stratégie thérapeutique adaptée.
- Il est donc très important, pour tous les patients atteints de lupus, de faire suivre régulièrement l’état de leur fonction rénale (protéinurie 24h, sédiments urinaires, biopsie rénale si nécessaire) par une équipe médicale spécialisée.
Biopsie rénale
Deux types d’examens permettre de suivre l’évolution de la maladie lupique en général et plus particulièrement l’état de la fonction rénale :
- Des examens biologiques (prélèvement sanguin et/ou urinaire)
- Des examens histologiques plus poussés (prélèvement par biopsie d’une petite quantité de tissus ou d’organe suspecté d’être touché)
Au cours du lupus, l’atteinte rénale peut demeurer « silencieuse » car il n’y a malheureusement pas ou peu de corrélation entre les signes cliniques (visibles de l’extérieur) et la présence d’anormalités histologiques du rein (visible uniquement au microscope sur une biopsie). C’est pour cette raison que, si une atteinte rénale est suspectée (à la suite d'un examen biologique anormal : protéinurie élevée ou présence de sédiments urinaires), la biopsie rénale - un acte invasif réalisé sous anesthésie - reste un examen fondamental pour l’évaluation et la prise en charge de la glomérulonéphrite lupique [2, 12, 13].
- Seule la biopsie rénale permet d’identifier la classe histologique de la glomérulonéphrite lupique (classification ISN/RPS 2003 [2-4]) et par la suite de mettre en place un traitement adapté [2, 12, 14, 15].
- En effet, le choix des traitements dépend à la fois de la classe histologique identifiée (classification ISN/RPS 2003 [2-4]) et de l’activité de la maladie lupique.
Traitements
Les traitements médicamenteux permettent de contrôler la maladie et de préserver la fonction rénale : par conséquent de diminuer le nombre de cas, la mortalité et de préserver la fertilité (le lupus touchant principalement des femmes en âge de procréer).
- Il faut d’abord noter que les traitements de « base » du lupus (l’hydroxychloroquine par exemple) ont démontré un rôle « protecteur » pour prévenir l’apparition de l’atteinte rénale et sa rémission.
- En cas de glomérulonéphrite lupique, la plupart des formes peuvent être traitées efficacement avec des glucocorticoïdes et un immunosuppresseur (mycophénolate mofétil le plus souvent, mais aussi l’azathioprine, le cyclophosphamide, le tacrolimus et/ou les inhibiteurs de calcineurine dans certains cas).
- En cas de glomérulonéphrite lupique réfractaire aux traitements conventionnels (association glucocorticoïdes et immunosuppresseurs), des biomédicaments (ou traitements ciblés) peuvent constituer une alternative. Cependant, à ce jour, aucun biomédicament n’a montré d’efficacité formelle sur la glomérulonéphrite lupique au cours d’un essai clinique randomisé contrôlé. Néanmoins certains biomédicaments, ayant prouvé leur efficacité dans d’autres formes de lupus ou de maladie auto-immune (comme le rituximab ou le belimumab), peuvent être prescrits de façon dérogatoire, hors de leur AMM, pour traiter une glomérulonéphrite lupique réfractaire.
- Par ailleurs, la recherche clinique thérapeutique est très active dans ce domaine du lupus. L’efficacité de nouveaux médicaments est actuellement en cours d’évaluation dans des essais cliniques internationaux pour traiter spécifiquement la glomérulonéphrite lupique : la voclosporine (NCT02141672, NCT03021499, NCT03597464), le belimumab (NCT01639339), le rituximab (NCT02260934), l’obinutuzumab (NCT04221477, NCT02550652), l’anifrolumab (NCT02547922), le secukinumab (NCT04181762) ou des inhibiteurs de la tyrosine-kinase 2 (NCT03943147). Mis à part la voclosporine qui fait partie de la classe des immunosuppresseurs (inhibiteurs de calcineurine), tous ces biomédicaments agissent sur une cible précise impliquée dans la pathogenèse de la glomérulonéphrite lupique (c’est-à-dire le processus responsable du développement de la maladie) : les lymphocytes B et T (cellules du système immunitaire) ou l’interféron alpha (signal produit par les cellules du système immunitaire).
Bibliographie
- Hoover PJ, Costenbader KH. Insights into the epidemiology and management of lupus nephritis from the US rheumatologist's perspective. Kidney international 2016; 90: 487-92
- Gasparotto M, Gatto M, Binda V et al. Lupus nephritis: clinical presentations and outcomes in the 21st century. Rheumatology 2020; 59: v39-v51.
- Bajema IM, Wilhelmus S, Alpers CE et al. Revision of the International Society of Nephrology/Renal Pathology Society classification for lupus nephritis: clarification of definitions, and modified National Institutes of Health activity and chronicity indices. Kidney international 2018; 93: 789-96.
- Weening JJ, D'Agati VD, Schwartz MM et al. The classification of glomerulonephritis in systemic lupus erythematosus revisited. Kidney international 2004; 65: 521-30.
- Hanly JG, O'Keeffe AG, Su L et al. The frequency and outcome of lupus nephritis: results from an international inception cohort study. Rheumatology 2016; 55: 252-62.
- Cameron JS. Lupus nephritis. Journal of the American Society of Nephrology : JASN 1999; 10: 413-24.
- Croca SC, Rodrigues T, Isenberg DA. Assessment of a lupus nephritis cohort over a 30-year period. Rheumatology 2011; 50: 1424-30.
- Mak A, Cheung MW, Chiew HJ et al. Global trend of survival and damage of systemic lupus erythematosus: meta-analysis and meta-regression of observational studies from the 1950s to 2000s. Seminars in arthritis and rheumatism 2012; 41: 830-9.
- Moroni G, Vercelloni PG, Quaglini S et al. Changing patterns in clinical-histological presentation and renal outcome over the last five decades in a cohort of 499 patients with lupus nephritis. Annals of the rheumatic diseases 2018; 77: 1318-25.
- Tektonidou MG, Dasgupta A, Ward MM. Risk of End-Stage Renal Disease in Patients With Lupus Nephritis, 1971-2015: A Systematic Review and Bayesian Meta-Analysis. Arthritis & rheumatology 2016; 68: 1432-41.
- Ward MM. Changes in the incidence of endstage renal disease due to lupus nephritis in the United States, 1996-2004. The Journal of rheumatology 2009; 36: 63-7.
- Mittal B, Rennke H, Singh AK. The role of kidney biopsy in the management of lupus nephritis. Current opinion in nephrology and hypertension 2005; 14: 1-8
- Zabaleta-Lanz M, Vargas-Arenas RE, Tapanes F et al. Silent nephritis in systemic lupus erythematosus. Lupus 2003; 12: 26-30.
- Bihl GR, Petri M, Fine DM. Kidney biopsy in lupus nephritis: look before you leap. Nephrology, dialysis, transplantation : official publication of the European Dialysis and Transplant Association - European Renal Association 2006; 21: 1749-52
- Giannico G, Fogo AB. Lupus nephritis: is the kidney biopsy currently necessary in the management of lupus nephritis? Clinical journal of the American Society of Nephrology : CJASN 2013; 8: 138-45.
Lien externe
- Portail de la médecine