Grève des sardinières
La grève des sardinières est une série de grèves en 1905 et 1924 à Douarnenez et Concarneau initiée par des ouvrières de conserveries de poisson pour protester contre la pénibilité de leurs tâches et demander une augmentation de salaire. Cette grève est considérée comme une date importante des luttes féministes en France[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7]. Appelées les Penn Sardin, une chanson écrite par Claude Michel et composée par Jean-Pierre Dovilliers célèbre leur révolte[8],[9].
1905
Un conflit oppose les usiniers-fabricants de conserves et les ouvrières, presque exclusivement des femmes (les hommes sont souvent marins). Elles peuvent travailler jusqu'à 18h par jour et sont payées à la pièce, elles revendiquent d'être payées à l'heure. La grève commence à Douarnenez mais rapidement, les ouvrières des autres villes de la côte cessent le travail. 1 500 femmes adhèrent au Syndicat des sardinières dont la présidente est Angelina Gonidec. Un référendum est organisé où les ouvrières se prononcent pour le salaire à l'heure à 944 contre 21. Elles gagnent ainsi leur lutte[10].
1924
Malgré une loi passée en 1919, les ouvrières travaillent 10 heures par jour, n'ont pas de bonus pour les heures supplémentaires effectuées et le travail de nuit, supposément illégal[11].
Durant l'hiver de 1924 2100 personnes dont 600 femmes manifestent pour protester contre le salaire de 80 centimes de l'heure, et le fait de devoir se rendre à tout moment sur appel à l'usine de jour comme de nuit lorsqu'une cargaison de sardine est livrée. Les sardinières entonnent des chansons, et certaines sont renvoyées [12] :
Saluez, riches heureux / Ces pauvres en haillons / Saluez, ce sont eux / Qui gagnent vos millions.
La grève des sardinières de Douarnenez, en , pour demander une augmentation de salaire[11], est à l'origine d'une mobilisation qui va durer plusieurs mois dans la région. Les grévistes, en majorité des femmes, défilent avec le mot d'ordre « Pemp real a vo ! » (Cinq réaux ce sera!). Joséphine Pencalet, qui fait partie du syndicat des Métaux de Douarnenez, participe à la grève[11]. Son nom en Breton, Penn kalet , veut dire « tête brûlée » ou « têtue »[12].
Les gendarmes répriment les grévistes et font appel à des briseurs de grève, le maire Daniel Le Flanchec, qui a apporté un soutien public à la révolte est suspendu de ses fonctions[12]. Le ministre du travail propose une médiation mais la lutte continue. Les ouvrières sont rejointes par les marins et occupent les rues, la ville est bloquée, le conflit est médiatisé[13],[14].
Le 5 décembre 1924 le journal l'Humanité rend compte de la charge contre les manifestantes menées sur ordre du ministère de l'intérieur dans un article intitulé « Le sang ouvrier a coulé à Douarnenez »[12]. Le procès verbal de la suspension de Daniel Le Flanchec pour rébellion provoque une médiatisation de la grève dans les quotidiensdont Paris Soir, La Dépêche de l’Aube » s’émeut de « l’intransigeance provocatrice des patrons sardiniers »[12].
Le , les patrons usiniers cèdent aux demandes des ouvrières[13],[14].
Postérité
Un roman de Daniel Cario, Les coiffes rouges, publié en 2014, retrace les événements mêlant fiction et réalité[15].
En 2021 une manifestation parisienne entonne une chanson écrite par Claude Michel pour rendre hommage aux Penn Sardins[12].
Bibliographie
- Anne-Denes Martin, Les ouvrières de la mer : Histoire des sardinières du littoral breton, L'Harmattan, , 196 p. (ISBN 978-2-7384-2300-9, lire en ligne).
- Fanny Bugnon, « Joséphine Pencalet, une Penn Sardin à la mairie », Bretonnes, des identités au carrefour du genre, de la culture et du territoire, .
- Femmes de l'Ouest : avant-gardistes, ouvrières, artistes., (ISBN 978-2-7373-8442-4 et 2-7373-8442-7, OCLC 1243897922, lire en ligne).
Filmographie
- Penn sardines de Marc Rivière, sorti en 2004.
Notes et références
- (en) « Revue S!lence100 dates qui construisent nos luttes féministes aujourd'hui », sur www.revuesilence.net (consulté le )
- « Douarnenez Ces sardinières qui ont su tenir tête à leurs patrons », L'Humanité, (lire en ligne, consulté le )
- « Il y a 90 ans à Douarnenez, la grande grève des sardinières », Ouest-France.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Douarnenez 1924-1925 : les grandes grèves de la conserve », Becedia, (lire en ligne, consulté le )
- ReSPUBLICA, « La grève des sardinières de Douarnenez en 1924 », ReSPUBLICA, (lire en ligne, consulté le )
- « La grève des sardinières de Douarnenez (Finistère) en 1924 : une grève communiste ? », PAPRIK@2F, (lire en ligne, consulté le )
- Matthieu Lépine, « Elles ont eu le courage de dire « non »: Les sardinières de Douarnenez (1924) », sur Une Histoire populaire, (consulté le )
- Michel Rouger, « La révolte des « Penn Sardin » (chanson) », Histoires Ordinaires parle des anonymes, des invisibles, qui étonnent, (lire en ligne, consulté le )
- Claude Michel, la Penn Sardin fait parler d'elle
- J. Van Becelaere, « Les sardinières bretonnes », Cahiers Féministes, , p. 2
- « Joséphine Pencalet, première femme élue en France », L'Histoire par les femmes, (lire en ligne, consulté le )
- « « Ecoutez l’bruit d’leurs sabots » : comment les ouvrières sardinières ont remporté la grève en 1924 », sur L'Obs, (consulté le )
- Jacques Arvor, « 1924 : la grande grève des sardinières de Douarnenez », CFDT Magazine, , p. 14-16
- « 1924 : la grève victorieuse des ouvrières bretonnes », sur Retronews - Le site de presse de la BnF,
- Daniel CARIO, Les coiffes rouges, Place des éditeurs, , 417 p. (ISBN 978-2-258-10843-1, lire en ligne)
Voir aussi
Article connexe
Liens externes
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