Grenade GLI-F4

La grenade lacrymogène instantanée GLI-F4 (ou SAE 810) est une grenade lacrymogène, assourdissante et à effet de souffle, contenant une charge explosive constituée de 26 grammes de TNT ainsi que de quatre grammes d’hexocire (mélange d'hexogène et de cire). Elle est fabriquée par la société Alsetex.

Grenade GLI-F4
Présentation
Pays d'origine France
Type Grenade lacrymogène instantanée
Fabricant SAE Alsetex (groupe Étienne Lacroix) à Précigné (Sarthe)
Période d'utilisation 2011 à 2020 (en France)
Autre(s) nom(s) SAE 810
Poids et dimensions
Masse 190 g
Longueur totale 17,8 cm
Diamètre 5,6 cm
Caractéristiques techniques
Explosif Trinitrotoluène (TNT), cyclotriméthylènetrinitramine (RDX)
Quantité d'explosif 30 g
Portée 5-30 m (à la main), 40-200 m (fusil ou lanceur)

Catégorie Arme de guerre

Produite jusqu'en 2014, elle est utilisée par les forces de l'ordre françaises de 2011 à 2020. La France est le seul pays européen à l'utiliser pour le rétablissement de l'ordre. Elle est à l'origine de plusieurs cas de blessures et mutilations, en manifestations notamment. Elle succède à la grenade OF F1 et est remplacée par la grenade GM2L.

Historique

La grenade GLI-F4 a d'abord été autorisée dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre, depuis le décret no 2011-795 du , en parallèle à la grenade OF F1[1]. Elle a définitivement remplacé la grenade OF F1, depuis que cette dernière a été d'abord suspendue, après le décès du manifestant Rémi Fraisse, lors de son utilisation pendant la manifestation des 25 et 26 octobre 2014 contre le barrage de Sivens[2],[3], puis définitivement interdite par le décret no 2017-1029 du [4],[5]. Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, n'interdit cependant pas la GLI-F4 et préfère durcir le protocole de son utilisation[6].

Les grenades GLI-F4 sont classifiées en tant qu'armes de guerre dans le Code de la sécurité intérieure[7].

La production des grenades est arrêtée en 2014. Quatre ans plus tard, le ministère de l'Intérieur annonce un retrait progressif de leur utilisation, un retrait mis en exécution en 2020. Elles sont remplacées par des grenades GM2L, semblables mais sans éclat à l'explosion[8], et provenant du même fabricant[9].

Composition

Le gaz lacrymogène de la grenade est composé de dix grammes de CS pulvérulent et la charge explosive est constituée entre 25[10] et 26 grammes de TNT ainsi que de 4 grammes d’hexocire[11].

Utilisation

La France est « le seul pays européen à utiliser des munitions explosives en opérations de maintien de l’ordre »[12]. Cette grenade est utilisée en France pour le maintien de l'ordre depuis 2011[13].

Trois mille grenades de ce type, dont certaines périmées, ont été lancées sur la Zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, en [14]. Lors de l'Acte III du mouvement des Gilets jaunes le , la préfecture de police annonce avoir utilisé 339 grenades GLI-F4, dans la seule ville de Paris[15].

Depuis octobre 2021, les grenades GLI-F4 ne font plus partie de la liste des armes à feu susceptibles d'être utilisées par les représentants de la force publique pour le maintien de l'ordre public[16].

Effets

La grenade est présentée comme une grenade lacrymogène instantanée, c’est-à-dire avec effet de souffle[17]. D'après son fabricant, la Société d'armement et d'étude Alsetex (ou SAE Alsetex), filiale du groupe Étienne Lacroix, qui la produit à l'usine de Malpaire, à Précigné (Sarthe)[18], elle provoque un effet psychologique avec un effet sonore de 165 dB mesuré à m et 160 dB mesuré à 10 m, ainsi qu'une onde de choc[19].

L'Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN) et l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) décrivent ces grenades en ces termes : « les dispositifs à effet de souffle produit par une substance explosive ou déflagrante sont susceptibles de mutiler ou de blesser mortellement un individu »[12]. Une circulaire de la gendarmerie reconnaît également des lésions possibles au tympan[12]. Cette grenade peut causer de graves mutilations comme un pied fracturé[20] ou une main arrachée[21].

Controverse

Demande d'interdiction par un collectif d'avocats

Dans une lettre du , un collectif d'avocats demande au président Emmanuel Macron l'interdiction de ces armes, en raison des blessures occasionnées à plusieurs personnes pendant la manifestation des Gilets jaunes du 24 novembre[22]. Les avocats saisis alertent, le , le premier ministre Édouard Philippe et demandent l'abrogation immédiate du décret autorisant l’usage des GLI-F4. Ils rappellent également que la France est le seul pays d'Europe à utiliser ce type d'arme militaire dans le cadre du maintien de l'ordre, sans que cela se traduise par une efficacité supérieure à celle obtenue par les polices de pays voisins. L'Allemagne et l'Italie arrivent à des meilleurs résultats sans ce type d'armes[23].

Manifestations des Gilets jaunes devant l'ancien site de production

Le , une cinquantaine de porteurs de Gilets jaunes manifeste sans entraver la circulation devant l'usine d'Alsetex à Précigné. Cette manifestation a pour objectif de dénoncer les violences et soutenir les personnes blessées lors de précédentes manifestations du mouvement. Le lieu de cette manifestation est un site sensible, classé Seveso. Les manifestants affichent sur des grilles des photos de personnes blessées lors des manifestations et quelques dessins satiriques. Une marche est organisée le lendemain, sur un itinéraire allant de l’usine LDC de Sablé jusqu’en centre-ville, pour dire craindre que les grenades déjà produites ne fassent d'autres victimes lors des manifestations parisiennes[24].

Chronologie des accidents

Le , un homme qui manifeste pour le système de retraites dans les rues de Saint Nazaire se retrouve amputé de deux orteils, et reste handicapé à 75 % après avoir été touché par un ancien modèle de grenade GLI[12],[25].

En 2013, lors d'une manifestation en Bretagne contre les portiques écotaxes à Pont-de-Buis, un homme a la main arrachée après l'avoir ramassée[26],[27].

Mardi , lors d'une manifestation à Bure contre l'enfouissement de déchets nucléaires, plusieurs personnes sont grièvement blessées par cette grenade. Une victime risquait alors d'être amputée de plusieurs orteils malgré différentes opérations[6]. Un trou de cm de profondeur et de 15 cm de diamètre a été creusé dans son pied, tous les os sont brisés et certains ont disparu. Le plastique de la grenade a également fondu dans la plaie, risquant de déclencher une infection[28].

Le , lors de l'évacuation par la gendarmerie de la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes, un homme a la main arrachée par une GLI-F4[27]. En avril déjà, 3 000 grenades assourdissantes sont lancées dont des grenades GLI-F4[29]. Le cinq « requêtes en référés expertises » sont déposées au tribunal administratif de Nantes par cinq blessés — dont deux journalistes — par ce type de grenade. Cette procédure vise à en démontrer la dangerosité, par constatation de blessures ayant provoqué fractures, brûlures au 3e degré ayant nécessité une greffe de peau, et éclats de grenade logés définitivement sous la peau. Le lien de causalité ainsi prouvé permettrait ensuite de faire reconnaître la responsabilité de l'État, via le ministre de l'intérieur et le préfet[30].

Le , lors d'une manifestation du mouvement des Gilets jaunes, un jeune homme de 21 ans, Gabriel Pontonnier, a la main arrachée par l'explosion d'une grenade GLI-F4, lancée par des forces de l'ordre avenue Franklin-Roosevelt à Paris[31],[32]. Un collectif d'avocats écrivent alors au président Emmanuel Macron pour interdire cette munition le [22]. Le policier soupçonné d’avoir lancé la grenade « sans respecter les préconisations légales et réglementaires imposées lors de l’usage de cette arme » est mis en examen en février 2022[33],[34]. Une autre personne a eu un important éclat de plastique de GLI-F4 incrusté dans le pied et différents éclats dans la jambe[35],[23],[36]. Le , 10 000 grenades sont tirées à Paris, dont 339 GLI-F4[37],[38].

Le à Tours, lors de l'« Acte III » du mouvement des Gilets jaunes, un représentant syndical Ayan P. a la main arrachée après avoir ramassé une GLI-F4[39].

Le à Bordeaux, également lors du mouvement des Gilets jaunes, un homme perd sa main après avoir ramassé une grenade GLI-F4, la confondant avec une grenade lacrymogène[40].

Le , à Paris, lors d'un épisode du mouvement des Gilets jaunes, un homme a la main sévèrement mutilée (quatre doigts arrachés) après avoir approché sa main pour la ramasser lors de heurts devant l'Assemblée Nationale, à la suite de l'explosion d'une grenade supposée GLI-F4 lancée par les forces de l'ordre[41].

Notes et références

  1. « Décret n° 2011-795 du 30 juin 2011 relatif aux armes à feu susceptibles d'être utilisées pour le maintien de l'ordre public », Journal officiel de la République française, no 0151, , p. 11269 (lire en ligne)
  2. Marion Joseph, « Les policiers s'inquiètent de la suspension de la grenade offensive », sur Le Figaro,
  3. Jean-Louis Courtois, « Le retrait de la grenade OF F1. Bonne ou mauvaise idée ? »
  4. AFP, « Les grenades offensives de type F1 interdites après la mort de Rémi Fraisse », sur 20 Minutes,
  5. « Décret n° 2017-1029 du 10 mai 2017 modifiant l'article D. 211-17 du code de la sécurité intérieure », sur Légifrance
  6. « Forces de l’ordre : pourquoi tant de grenades ? », tribune, sur Libération,
  7. « "N'est-ce pas inquiétant qu'un gouvernement utilise des armes de guerre contre la population ?" », sur L'Obs (consulté le ).
  8. « Castaner annonce le retrait de la grenade lacrymogène GLI-F4 », sur Le Figaro, (consulté le ).
  9. « Grenade GM2 lacrymogène : SAE 820 » [PDF], sur France 3 Régions, inconnue (consulté le ).
  10. Cécile Bouanchaud, « La grenade GLI-F4 est-elle abandonnée au profit d’une arme tout aussi dangereuse ? »,
  11. « Grenade GLI-F4 : révélations sur une arme qui mutile », sur Libération.fr, (consulté le ).
  12. (Daillère et Linglet 2016, p. 48, 49)
  13. « Décret n° 2011-795 du 30 juin 2011 relatif aux armes à feu susceptibles d'être utilisées pour le maintien de l'ordre public », sur Légifrance, (consulté le ).
  14. Moran Kerinec, « Les gendarmes ont déversé une quantité record de grenades sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes », sur Reporterre, .
  15. « Gilets jaunes : près de 10000 grenades lancées samedi par les CRS à Paris », sur Le Parisien, (consulté le ).
  16. Journal officiel, « Décret n° 2021-1352 du 15 octobre 2021 portant modification de l'article D. 211-17 du code de la sécurité intérieure », sur www.legifrance.gouv.fr, (consulté le )
  17. Quentin Girard, « Quelles sont les grenades autorisées pour le maintien de l'ordre ? », sur liberation.fr,
  18. « Acquisition de grenades et de moyens de propulsion pour les besoins de la Gendarmerie et Police Nationales », sur Centrale des marchés
  19. Société d'armement et d'étude Alsetex, « Grenade lacrymogène GLI F4 — SAE 810 » (consulté le )
  20. Robin Pagès, « Grièvement blessé au pied par les gendarmes à Bure, Robin témoigne », sur Reporterre, (consulté le )
  21. Le Monde, « Notre-Dame-des-Landes : un homme grièvement blessé dans la ZAD en ramassant une grenade », sur Le Monde, (consulté le )
  22. « Monsieur le ministre de l’Intérieur, il faut renoncer à l’usage des grenades GLI-F4 », sur Libération,
  23. Willy Le Devin, « Grenades GLI-F4 : des avocats montent au créneau », sur Libération,
  24. Léa Soula, « Gilets jaunes. Une action en Sarthe devant l’usine de bombes lacrymo », sur Ouest-France, .
  25. Jade Lindgaard, « Pascal Vaillant, handicapé à vie par une grenade de CRS », sur Mediapart (consulté le )
  26. « Mort de Rémi Fraisse: une grenade des gendarmes mobiles en cause », 29 octobre 2014[ site=la voix du nord
  27. « Maxime P., mutilé par une grenade GLI F4 à Notre Dame des Landes le 22 mai 2018 », sur Désarmons.net,
  28. Jade Lingaard, « Bure : « Juste avant que mon pied saute, j'ai vu une grenade exploser à hauteur de tête » », sur local.attac.org, .
  29. Moran Kerinec, « Les gendarmes ont déversé une quantité record de grenades sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes », sur Reporterre,
  30. Nicolas de la Casinière, « Des victimes de la grenade GLI-F4 - dont une journaliste de Reporterre - lancent une procédure judiciaire », sur Reporterre, (consulté le ).
  31. Cédric Mathiot, « Un « gilet jaune » a-t-il eu la main arrachée par une grenade samedi à Paris ? », Libération.fr, (ISSN 0335-1793, lire en ligne, consulté le )
  32. Karl Laske, « Deux blessés graves aux Champs-Élysées: l’exécutif en accusation », Mediapart, 27 novembre 2018
  33. « Un major de CRS mis en examen pour la main arrachée d’un « gilet jaune » en 2018 », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  34. Pascale Pascariello, « Main arrachée : le CRS auteur du tir de GLI-F4 est mis en examen », sur Mediapart (consulté le )
  35. « 24 novembre : les forces de l’ordre mutilent des “gilets jaunes” », sur Désarmons-les !,
  36. Emeline Cazi, « Antonio, 40 ans : « Ils ont retiré la peau brûlée, mais j’ai un trou dans le pied droit » », sur Le Monde,
  37. Fabien Magnenou, « Pourquoi des « gilets jaunes » veulent-ils l'interdiction des grenades explosives GLI-F4 ? », sur France Info, .
  38. Jean-Michel Décugis et Eric Pelletier, « Gilets jaunes : près de 10 000 grenades lancées samedi par les CRS à Paris », sur Le Parisien, .
  39. « Main arrachée par une grenade GLI-F4: décryptage d'une vidéo qui accable la police », sur Libération.fr, (consulté le )
  40. Thibault Lefèvre et Valeria Emanuele, « "Gilets jaunes" : "Le gouvernement envoie des grenades sur des gamins qui lancent des œufs" », sur France Inter, (consulté le ).
  41. « "Gilets jaunes" : ce que l'on sait du manifestant qui a eu la main arrachée devant l'Assemblée nationale », sur France Info, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Aline Daillère et Salomé Linglet, L’Ordre et la force : Enquête sur l'usage de la force par les représentants de la loi en France, ACAT, (présentation en ligne, lire en ligne)

Vidéographie

Articles connexes

Liens externes

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