Grottes Russell
Les grottes Russell sont sept grottes artificielles, creusées par le comte Henry Russell entre 1881 et 1893 sur le massif du Vignemale, pour servir d'abri et de villégiature. Au total, il y a passé cent quarante-sept nuits.
Les théories de Russell
Henry Russell, s'il prône la vie à haute altitude, n'accepte pas les constructions qui, selon lui, défigurent l'aspect sauvage de la montagne : Il n'y a rien de plus laid, de plus hideux, de plus repoussant qu'une maison au milieu des chaos éternels et sublimes des montagnes. La solution des grottes artificielles, creusées dans le roc, constitue pour lui la seule possibilité. Il mettra cette théorie en pratique sur le massif du Vignemale, dont il obtient en 1889 la concession par le préfet des Hautes-Pyrénées, pour un bail emphytéotique de 99 ans.
La villa Russell
Henry Russell fait creuser sa première grotte sur les flancs du Cerbillona, près du col de Cerbillona, en haut du glacier d'Ossoue, par l'entrepreneur Étienne Theil, de Gèdre, qui a déjà bâti l'abri du Mont Perdu. Le percement commence l’été 1881, mais s’opère très lentement. Russell monte fréquemment surveiller les travaux et est réduit à bivouaquer sur le col de Cerbillona. L’été suivant, les ouvriers ont pu installer une forge afin d’entretenir leurs outils qui s’émoussent vite, et le la grotte est terminée. Comme le seront toutes les autres grottes Russell, l'entrée est maçonnée et fermée par une porte en fer peinte au minium. C'est la Villa Russell, à 3205 m d’altitude, inaugurée le par Russell, le jeune Anglais F. E. L. Swan (le futur vainqueur, en 1885, du couloir Swan, aux Astazous) et les guides et porteurs Henri Passet, Pujo et Haurine. Ils y passeront trois jours[1]. Le , trois prêtres, six touristes, des personnalités diverses, des guides et des porteurs montent. Trois messes sont dites et le Père Carrère bénit la villa Russell, avec l’ensemble du massif du Vignemale. La grotte est progressivement équipée et aménagée, jusqu'à recevoir un poêle.
La grotte des Guides
La villa Russell ne suffisant pas à héberger à la fois ses amis et les nécessaires guides et porteurs qui les accompagnent, Russell entreprend en 1885 de faire creuser la grotte des Guides, à un niveau légèrement supérieur à celui de la Villa Russell car les variations de niveau du glacier en empêchent souvent l'accès.
La grotte des Dames
La grotte des Dames est creusée en 1886, toujours un peu plus haut. Russell en sera très satisfait : (…) ma chère petite grotte, celle des Dames (3207 m), la plus aimable, la plus gracieuse et la plus chaude de toutes, la première à paraître à la fin de juillet, et la dernière à sombrer sous les neiges en octobre. Celle-là est mon plus grand succès : j'en suis très fier. Jamais par aucun temps, je n'y ai vu tomber une goutte : et cette fois-ci, dans les rafales de neige et de grésil qui nous gelaient les doigts devant la porte, son atmosphère nous semblait orientale. Si je disais que je la trouvai presque trop chaude, par son contraste avec l'air extérieur, on ne me croirait pas : je me contenterai donc de le penser …[2]
Russell reçoit de nombreuses visites et organise parfois des réceptions fastueuses. En 1888, il reçoit la visite de ses amis Jean Bazillac et Roger de Monts, qui dressent une tente (la villa Miranda) sur le glacier, à proximité de la villa Russell. Ils sont rejoints par Henri Brulle et sa jeune épouse, accueillis par des colonnes de neige et une allée d'androsaces.
Peu avant sa mort, Russell confiera les clés de ses grottes à un autre visiteur illustre, le poète Saint-John Perse[3].
Les grottes Bellevue
Russell trouve que l'accès aux grottes du Cerbillona est de plus en plus difficile, en raison des fluctuations du niveau du glacier. Le manque d'eau est aussi un obstacle à des séjours prolongés. En 1888, il décide d'en faire creuser deux nouvelles, celles-ci définitivement accessibles car en dessous du glacier et sur le sentier qui mène à la hourquette d'Ossoue, à 2400 m. Puis en 1890, il en ajoute une troisième. Ce sont les grottes Bellevue.
La grotte du Paradis
En 1892-93, avec la nostalgie de l'altitude, Russell s'offre l'ultime luxe d'une grotte sous le sommet de la Pique-Longue, à 3280 m, alors que le sommet est à 3298 m : c'est la grotte du Paradis. Étant donné la dureté de la roche à cet endroit, on a recours à l'explosif pour en extraire 16 m3.
La grotte du Paradis sert toujours occasionnellement d'abri aux ascensionnistes. Une plaque en hommage à Russell y a été apposée.
Les grottes aujourd'hui
Les grottes Russell, quoi qu'en ait dit leur créateur, si elles représentaient un avantage indéniable sur le bivouac en plein air, n'ont jamais été des modèles de confort. Les infiltrations d'eau sont fréquentes. À l'exception des grottes Bellevue, moins exposées aux intempéries, toutes ont perdu leurs entrées maçonnées. Elles servent plus souvent de dépotoir, quand ce n'est pas de latrines.
Références
Bibliographie
- Marcel Pérès, Henry Russell et ses grottes, le fou du Vignemale, Presses universitaires de Grenoble
- Henri Beraldi, Cent ans aux Pyrénées, Paris, 1898-1904, sept volumes in-8°. Réédition par « Les Amis du Livre Pyrénéen », Pau, 1977
- Jean-Claude Pertuzé, Le Jour du Vignemale, éditions Loubatières, Toulouse, 1987 (bande dessinée presque entièrement réalisée dans la grotte du Paradis, les 19 et ) ; Vignemale, l’autre jour, nouvelle version, Toulouse, Éditions ED, 2011)
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