Guerre civile angolaise
La guerre civile angolaise est un conflit important qui frappe l'Angola entre 1975, date de l'indépendance du pays, et 2002. La guerre débute immédiatement après l'indépendance obtenue du Portugal. Avant cette date, l'Angola a déjà connu une guerre de décolonisation entre 1961 et 1974. La guerre civile qui s'ensuit est principalement une lutte entre les deux principaux mouvements de libération que sont le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) et l'UNITA (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola). Dans le même temps, cette guerre devient un champ de bataille de substitution dans le cadre de la guerre froide, un conflit de plus grande envergure qui oppose un bloc dirigé par les États-Unis et le bloc communiste mené par l'URSS, représenté sur le terrain par Cuba.
Date | 1975-2001 |
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Lieu | Angola |
Issue | Victoire du MPLA |
République populaire d'Angola (1975-1992) République d'Angola (1992-2002) Cuba Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO) Soutenus par Union soviétique | Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) Afrique du Sud Zaïre Front national de libération de l'Angola (FNLA) Front pour la Libération de l'enclave de Cabinda (FLEC) Soutenus par États-Unis |
Agostinho Neto † José Eduardo dos Santos Sam Nujoma Arnaldo Ochoa Sánchez (1975-1989) Leopoldo Cintra Frías (1989-1991) | Jonas Savimbi † Mobutu Sese Seko Henrique N'zita Magnus de Merindol Malan (1976-1980) Constand Viljoen (1980-1985) Johannes Geldenhuys (1985-1989) |
40 000-70 000[1] (1987) 130 000 (2001) | 65 000 (1990) 22 000 (1975) 20 000 (1976) |
Inconnues 11 000 morts 2 077-10 000 morts 55 morts | inconnues 7200 morts 600 morts |
Si le MPLA et l'UNITA partagent une volonté commune d'obtenir l'indépendance, ils n'ont pas les mêmes soutiens dans le tissu social angolais. Si les deux mouvements ont des orientations socialistes, le MPLA se définit comme marxiste-léniniste et l'UNITA comme anti-communiste, de manière à susciter l'attention internationale. Un troisième mouvement, le Front national de libération de l'Angola (FNLA), combat le MPLA aux côtés de l'UNITA durant la guerre de décolonisation mais il ne joue presque aucun rôle durant la guerre civile. En outre, le Front de libération de l'enclave de Cabinda, qui réunit des militants séparatistes, combattent pour l'indépendance de la province de Cabinda, au nord de l'Angola.
Cette guerre qui s'étale sur vingt-sept années peut être divisée en trois périodes principales (1975-1991, 1992-1994 et 1998-2002), séparées par de fragiles périodes de paix. Quand le MPLA finit par l'emporter en 2002, plus de 500 000 personnes ont été tuées et le nombre de déplacés au sein du pays s'élève à un million. Cette guerre dévaste les infrastructures de l'Angola et fragilise durement l'administration publique nationale, le tissu économique et les institutions religieuses.
La guerre civile angolaise a été marquante en raison de la combinaison entre les violentes dynamiques internes au conflit et l'importance des interventions étrangères. En cela, cette guerre s'intègre pleinement dans le contexte mondial de la guerre froide car autant les Américains que les Soviétiques, avec leurs alliés, fournissent une aide militaire significative aux parties en présence. En outre, le conflit angolais est aussi lié à la Deuxième Guerre du Congo au sein de la République démocratique du Congo et à la guerre d'indépendance namibienne.
Origines du conflit
Trois mouvements concurrents participent à la guerre d'indépendance de l'Angola :
- le Front national de libération de l'Angola (FNLA), fondé en 1962 et majoritairement bakongo ;
- le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), fondé en 1958, dont la base sociale principale sont les Ambundu et les métis ;
- l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), fondée en 1966 par une scission du FNLA, s'appuyant avant tout sur les Ovimbundu.
Quand la révolution des Œillets met fin au régime salazariste au Portugal, en , le nouveau pouvoir annonce son intention de se retirer des colonies portugaises en Afrique. En Angola, les trois mouvements commencent alors immédiatement entre eux une lutte pour le pouvoir. Le FNLA, entrant en Angola par le nord, reçoit le soutien de l'armée zaïroise et de mercenaires, l'UNITA celui de l'armée sud-africaine (encore sous le régime de l'apartheid), et le MPLA de l'armée cubaine[2]. Au moins 11 militaires de l'Armée rouge sont morts dans ce pays[3] et plusieurs aéronefs soviétiques détruits[4]. Le service Action du SDECE français apporte une aide à l'UNITA. Un Mil Mi-8 abattu en 1980 l'aurait été par le service Action[5].
Les accords d'Alvor du , obtenus par l'intermédiaire du Portugal, semblent permettre un rapprochement momentané des trois factions et l'établissant d'un gouvernement d'union. Cependant, les hostilités recommencent aussitôt après, et le le MPLA déclare l'indépendance du pays à partir de la capitale Luanda, et au même moment le FNLA et l'UNITA font, ensemble, la même déclaration à partir de la ville d'Huambo. Les combats entre les deux camps continuent et ont dorénavant le caractère d'une guerre civile.
Déroulement de la guerre civile
27 ans de conflit
Le MPLA s'attaque tout d'abord au FNLA, soutenant ainsi des mouvements rebelles katangais contre le Zaïre. À la suite de l'intervention de la France, l'Angola et le Zaïre, et donc le MPLA et le FNLA, se rapprochent en 1978. Le MPLA utilise la même tactique contre l'UNITA, en soutenant l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain. À plusieurs reprises, l'Afrique du Sud pénètre sur le territoire angolais et affronte les armées angolaise et cubaine, combats qui participent à la guerre de la frontière, tandis que l'UNITA progresse, gagnant un certain soutien de la population. Le conflit prend une forme de guerre classique en 1987-1988, le gouvernement angolais perdant peu à peu ses soutiens internationaux et tentant donc de mettre fin rapidement à l'UNITA[2].
Participation étrangère au conflit
Dès , l’Afrique du Sud, décide d’envoyer des commandos avant de dépêcher son armée. En octobre, l’opération « Savannah » est lancée avec le soutien des États-Unis, dont l'objectif consiste à reprendre Luanda avant le . Le déploiement de troupes cubaines met ce projet en échec avec l’opération « Carlota »[6].
1 200 soldats de l'armée soviétique furent déployés en Angola en 1985, ainsi qu'entre 20 000 et 40 000 soldats des forces armées cubaines dont 10 000 trouvèrent la mort[7], et 3 000 soldats de l'Armée populaire de Corée afin d'apporter un soutien au MPLA[8]. L'Allemagne de l'Est, la Tchécoslovaquie, le Mozambique, la Jamahiriya arabe libyenne, la République populaire de Bulgarie, l'Algérie, la Tanzanie, la Guinée, la République socialiste de Roumanie, la Guinée-Bissau et le Zimbabwe fournirent par ailleurs un soutien logistique au MPLA.
De son côté, l'UNITA était soutenu par la Chine, les États-Unis, Israël, le Zaïre, le Gabon, le Maroc et par la Côte d'Ivoire. L'Afrique du Sud a envoyé 20 000 soldats en Angola en 1976 afin de soutenir militairement l'UNITA pour les retirer en 1989.
L'extraction du pétrole était l'activité économique permettant au MPLA de maintenir son effort de guerre contre l'UNITA. Malgré son positionnement marxiste, le mouvement a maintenu tout au long du conflit de bonnes relations avec les compagnies pétrolières assurant l'extraction, en particulier avec la multinationale américaine Chevron[9]. Cette situation a conduit le corps expéditionnaire cubain, dans un contexte de guerre froide, à défendre activement les installations de cette multinationale américaine contre la menace représentée par l'UNITA, un mouvement lui-même soutenu par la CIA[10],[11].
En , l’Afrique du Sud obtient de l’Angola la promesse du retrait de son soutien à la SWAPO (mouvement indépendantiste namibien installé en Angola depuis 1975) en échange de l’évacuation des troupes sud-africaines d’Angola. Malgré cet accord, l'Afrique du Sud, sous prétexte de poursuivre les guérilleros de la SWAPO mène des opérations de grande envergure sur le sol angolais, chaque fois que l'UNITA subissait des offensives des forces gouvernementales angolaises. En parallèle, l'Afrique du Sud organise des attentats en Angola. En , une patrouille angolaise intercepte à Malongo un commando sud-africain qui s'apprêtait à saboter les installations pétrolières[12].
Les États-Unis procurent aux rebelles des missiles sol-air Stinger, en passant par la base de Kamina, dans le sud du Zaïre. L'aide américaine portait également sur des armes antichars devant permettre à l'UNITA de mieux résister aux offensives de plus en plus menaçantes de l'armée de Luanda contre les zones encore sous son contrôle dans l'Est et le Sud-Est du pays[12].
Processus de paix
Le sont signés les accords de New York (en), organisant l'indépendance de la Namibie et le désengagement progressif de l'Afrique du Sud, de Cuba et de l'Union soviétique. Malgré ces accords, l'Afrique du Sud, les États-Unis et le Zaïre continuent d'intervenir dans le conflit. Le sont signés les accords de Bicesse, mettant en place un cessez-le-feu, la démobilisation des groupes armés (et leur intégration dans les Forces armées angolaises) et l'organisation d'élections. Celles-ci se tiennent le 29 et et donnent la victoire du MPLA aux élections législatives et une majorité relative à José Eduardo dos Santos aux élections présidentielles[2]. Selon la constitution, un deuxième tour aurait été nécessaire pour qu'il soit légalement élu. Cependant, l'UNITA considère les élections comme truquées, ne les reconnaît pas et recommence aussitôt la guerre civile.
Reprise et fin des hostilités
Les hostilités reprennent immédiatement après les élections de 1992 et ne prendront définitivement fin qu'avec la mort du dirigeant de l'UNITA, Jonas Savimbi, le .
L’offensive de l'UNITA est d'abord victorieuse et l'organisation s'empare des principaux centres producteurs de pétrole et de diamants. Son intention serait de partager le pays et de créer une République d'Angola du sud, qui posséderait de riches régions diamantifères[13].
En septembre 1993, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte une résolution condamnant l’UNITA, considérée comme responsable de la reprise des combats. Les négociations reprennent officiellement en novembre 1994 et aboutissent à un nouveau accord de paix, qui sera rapidement rompu par Jonas Savimbi. Ce dernier déclare par la suite refuser « catégoriquement » l’un des deux postes de vice-président proposé par le gouvernement angolais. Plusieurs fois reportée, la constitution du gouvernement d’unité et de réconciliation nationale (GURN) devient effective à partir d'avril 1997. En octobre de la même année, le Conseil de sécurité de l’ONU vote à l’unanimité des sanctions contre l’UNITA, qui refuse de démobiliser ses troupes[14].
Une grande partie des cadres militaires et combattants de l'UNITA choisissent néanmoins de poursuivre le processus d’intégration au sein de l’armée nationale, de sorte que des généraux issus de l'UNITA étaient aux commandes de l’armée lorsqu’elle élimina la « faction » de Savimbi, en février 2002[15]. Après la mort de ce dernier de rapides négociations encouragées par l'ONU, la Russie, les États-Unis et le Portugal, José Eduardo dos Santos et Paulo Lukamba (en) « Gato », secrétaire général de l'UNITA, signent un accord de paix le de la même année[16]. L'UNITA, qui s'était déjà constitué en parti politique en 1991, démobilise ses forces armées qui sont en partie intégrées dans les Forces armées angolaises (dont un général de l'UNITA devient le chef d'état-major). Le MPLA ne tient cependant pas sa promesse d'organiser rapidement les élections qui sont reportées jusqu'en 2008[17].
Bilan
Le conflit a considérablement handicapé économiquement l'Angola. Le pays devait consacrer, à la fin des années 1980, jusqu'à 70 % de son PIB aux dépenses liées à la défense tandis que l'UNITA cherchait prioritairement à saboter et à détruire des objectifs économiques, allant jusqu'à s'attaquer à des centres médicaux et à des écoles[13].
Une étude de 1987 de l'UNICEF a estimé qu'il y avait eu 140 000 décès d'enfants en 1986 en Angola et au Mozambique. L'étude a estimé que 45 % des décès étaient dus à la guerre et à la déstabilisation économique, notamment les raids transfrontaliers et les guérillas de l'UNITA et de la RENAMO. Ils ont également noté une mauvaise gestion économique de la part du gouvernement[18].
Le bilan humain global est estimé à 800 000 morts[19].
En 2021, le Président angolais João Lourenço exprime publiquement ses excuses aux victimes du massacre du 27 mai 1977, où des dizaines de milliers de personnes sont mortes et auquel les militaires cubains ont participé[20].
Culture populaire
- La première mission du jeu vidéo Call of Duty: Black Ops II prend place en pleine guerre civile angolaise, et met notamment en scène le général Jonas Savimbi comme allié du joueur.
Notes et références
- (es) « Las Guerras Secretas de Fidel Castro », cubamatinal.com, 17 août 2008.
- Jean-Marc Balencie et Arnaud de La Grange, Mondes rebelles : L'encyclopédie des acteurs, conflits & violences politiques, Paris, Éditions Michalon, , 1677 p. (ISBN 2-84186-142-2), p. 1074-1077.
- « Implication des troupes russes dans des conflits à l'étranger », sur RIA Novosti, (consulté le ).
- (ru)« Сергей Коломнин. "История сбитого летчика". », sur Veteran Angola (consulté le ).
- Roger Faligot, Jean Guisnel (dir.), Rémi Kauffer, Renaud Lecadre, François Malye, Martine Orange et Francis Zamponi, Histoire secrète de la Ve République, Paris, La découverte, , 752 p. (ISBN 2-7071-4902-0 et 978-2-7071-4902-2), p. 156-157.
- Augusta Conchiglia, « Ingérences occultées en Angola », Le Monde diplomatique, (lire en ligne)
- Cuba, une odyssée africaine.
- (en) Angola - Foreign Influences - Communist Nations, consulté le 21 janvier 2013.
- Ricardo Soares de Oliveira, Magnífica e Miserável: Angola Desde a Guerra Civil, 2015, Tinta da China, p. 33.
- Ricardo Soares de Oliveira, Magnífica e Miserável: Angola Desde a Guerra Civil, 2015, Tinta da China, p. 61.
- Julia E. Sweig, Cuba : What Everyone Needs to Know, Oxford University Press (ISBN 978-0-19-974081-9, lire en ligne), p. 114.
- « Analyse economique et sociale », sur afriquepluriel.ruwenzori.net (consulté le )
- Aguirre Mariano, « Presse internationale », sur Afrique pluriel,
- Angola : Vingt-cinq ans de guerre civile, Atlas 2000 des conflits, (lire en ligne)
- « Angola, le MPLA attendu au tournant »,
- Associated Press, « La paix, après 27 ans de guerre civile », L'Obs, (lire en ligne, consulté le ).
- Sabine Cessou, « Dos Santos, le Machiavel de l'Afrique », Slate, (lire en ligne, consulté le ).
- Infant Toll 'Horrendous' in Africa, U.N. Finds The New York Times, février 2 1987.
- « Angola (1975 - 2002) » [PDF]
- « Angola pide perdón por masacre en la que participó el ejército cubano. », ADNcuba,
Voir aussi
- W. Martin James, A Political History of the Civil War in Angola 1974-1990, Transaction Publishers, Piscataway, 2011 [lire en ligne].
Articles connexes
Filmographie
- Dissidence, film documentaire angolais, 1998.
- Cuba, une odyssée africaine. documentaire en deux parties de Jihan El Tahri sur Arte, 2007.
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