Hôtel de Soissons

L'hôtel de la Reine devenu hôtel de Soissons était un palais, construit au XVIe siècle par la reine Catherine de Médicis dans le cœur de Paris.

Hôtel de Soissons
L'hôtel de Soissons au XVIIe siècle.
Présentation
Type
Architecte
Démolition
Propriétaire
État de conservation
Détruit (d)
Localisation
Adresse
Coordonnées
48° 51′ 47″ N, 2° 20′ 35″ E

Origine du nom

Il tire son nom du comte de Soissons (cousin du roi Henri IV) qui en fut un des propriétaires.

Situation

Fruit d'un long assemblage de propriétés, il porta au fil du temps, les noms d'« hôtel de Nesle », d'« hôtel de Bohême », d'« hôtel d'Orléans », d'« hôtel de la Reine », en fonction des nobles familles auxquelles il appartint successivement.

L'hôtel a été détruit au XVIIIe siècle sous le nom d'hôtel de la Reine. Il se situait dans le quartier des Halles, à l'emplacement approximatif de l'actuelle bourse de commerce.

Historique

Moyen Âge

Hôtel de Soissons aux Halles en 1615 (Merian).
L'hôtel de Soissons et ses environs en 1652. Extrait du plan de Gomboust. Le nord est orienté vers la gauche.

À l'origine se trouvait un hôtel qui appartenait, au début du XIIIe siècle, à Jean II de Nesle. N'ayant pas d'héritiers, celui-ci en céda en 1232 la propriété à saint Louis, qui l'offrit à sa mère, Blanche de Castille, pour en faire sa résidence. Philippe le Bel, qui en hérita, l'offrit en 1296 à son frère, Charles de Valois (1270-1325). L'hôtel passa ensuite au fils de ce dernier, Philippe de Valois, qui le donna à Jean de Luxembourg, fils de l'empereur Henri VII du Saint-Empire et lui-même roi de Bohême.

Sa fille, Bonne de Luxembourg, héritière de l'hôtel en 1327, épousa le prince Jean de Normandie, futur roi de France sous le nom de Jean le Bon. Leur fils, Charles, le céda à Amédée VI de Savoie en 1354. Il appartint ensuite à Louis, duc d'Anjou et fils du roi Jean. Sa veuve, Marie de Blois, le vendit en 1388 à Charles VI, qui l'offrit à son frère Louis, duc de Touraine et d'Orléans.

Sur les instances du confesseur du roi Charles VIII, Jean Tisseran, celui-ci créa le « couvent des filles repenties » installé en 1498, dans une partie de l'hôtel, tandis que le reste des bâtiments fut partagé entre le connétable et le chancelier du duc d'Orléans.

L'hôtel de la Reine

Portail de l'hôtel de Soissons.
Distribution de l'appartement de Catherine de Médicis au premier étage de l'hôtel de Soissons, seconde moitié du XVIe siècle.

À partir de 1572, Catherine de Médicis abandonna subitement le palais des Tuileries qu'elle faisait édifier et acquit un hôtel appelé d'Albret[1], constitué de diverses demeures qui avoisinaient le couvent à l'est. Elle s'y installa et commença l'aménagement de ce qui allait devenir l'hôtel de la Reine. L'hypothèse selon laquelle une prédiction[2] serait la cause de ce déménagement précipité est la plus couramment retenue. Il est cependant difficile d'en connaître avec précision les raisons. La reine mère acheta donc dès 1572 les bâtiments entourant l'hôtel dit d'Albret pour les intégrer à sa résidence. La propriété ainsi obtenue ne suffisant pas à ses besoins, elle fit supprimer une rue, appelée rue d'Anjou qui serait située à l'emplacement de la bourse de commerce, et déplacer le couvent des filles repenties dans les bâtiments de l'Abbaye Saint-Magloire dont les religieux, de l'ordre de Saint-Benoît, furent eux-mêmes transférés au faubourg Saint-Jacques.

L'espace ainsi dégagé devint le vaste jardin qui s'étendait jusqu'à la rue de Grenelle (rue Jean-Jacques-Rousseau aujourd’hui, dans sa partie sud, près de la rue Coquillière). L'ensemble du projet fut confié à l'architecte Jean Bullant qui s'y attela de 1572 à sa mort en 1578 et qui commença à exhausser le sol de 14 pieds pour mettre le bâtiment à l'abri des crues de la Seine[3].
Une très belle Vénus de marbre couchée, réalisée par Jean Goujon, décorait le bassin d'une fontaine dans un des jardins. De nombreuses améliorations y furent apportées au fil du temps, dont notamment en 1611 un magnifique portail élevé par Salomon de Brosse.

Hôtel de Soissons en 1734, plan de Turgot.

L'hôtel était composé de plusieurs appartements, dont un pour la reine-mère et un autre pour sa petite-fille Christine de Lorraine. Le roi et la reine, Henri III et Louise de Lorraine y avaient également leur chambre respective. L'hôtel comprenait des galeries et des salles de réception, magnifiquement décorées et ornées des collections d'œuvres d'art de Catherine de Médicis. Il servait alors de cadre aux réceptions mondaines et politiques de la cour.

L'hôtel possédait également une curieuse colonne astronomique cannelée, élevée dès 1574, appelée également colonne Médicis, haute de 31 mètres, qui existe encore et qui est le seul vestige de cet hôtel. Sa fonction exacte n’a jamais été déterminée, mais elle aurait pu servir aux observations de l'astrologue personnel de la Reine, le florentin Côme Ruggieri, auteur supposé de la prédiction déjà évoquée.

En 1589, après la mort de Catherine de Médicis et l'assassinat du duc de Guise, l'hôtel fut occupé par les princesses de la Ligue (dont Anne d'Este). À cette occasion, il prit provisoirement le nom d'Hôtel des Princesses. Pendant cet épisode, il fut dépouillé d'une grande partie de ses meubles.

La transmission de l'hôtel

En 1601, après de longs problèmes de succession liés aux dettes accumulées par Catherine de Médicis, les héritiers de la Reine cédèrent l'hôtel à Catherine de Bourbon (1559-1604), sœur d'Henri IV. À la mort de celle-ci, il fut acquis par Charles de Bourbon, comte de Soissons, qui lui donna son nom. Ce dernier mourut en 1612 et sa veuve, Anne de Montafié, comtesse de Soissons, poursuivit l'acquisition de nombreuses propriétés autour de l'hôtel jusqu'en 1644 date de son décès. L'hôtel de Soissons présentait alors son apparence et sa taille définitive. Il passa ensuite à sa fille, Marie de Bourbon, épouse de Thomas de Savoie, prince de Carignan. Leur fils Emmanuel-Philibert en hérita, puis son successeur Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan, en 1718.

Ce dernier établit dans les jardins de l'hôtel, en 1720, la Bourse de Paris, afin de soulager les riverains de la Rue Quincampoix, où la spéculation s'agitait sous les fenêtres de la Compagnie du Mississippi. Des baraques furent dressées devant l'hôtel pour y accueillir les agioteurs et y négocier. Ruiné par la banqueroute de Law, il dut vendre la propriété en 1740. La prévôté de Paris racheta le terrain et détruisit les bâtiments en 1748. La colonne Médicis, vendue séparément, fut acquise par Louis Petit de Bachaumont qui en fit ensuite don à la Ville de Paris.

Les terrains ainsi dégagés servirent à la construction de la Halle au blé en 1760. Elle fut elle-même remplacée par la Bourse de commerce en 1889.

Notes et références

  1. Ne serait-ce pas l'hôtel où mourut le 9 juin 1572 Jeanne d'Albret, la mère d'Henri IV, en fait l'hôtel particulier de Charles Guillard, † 1573, ancien évêque de Chartres, rue de Grenelle (le sud de l'actuelle rue Jean-Jacques Rousseau, près de la rue Coquillière) ?
  2. L’astrologue Cosme Ruggieri aurait prédit à Catherine de Médicis qu'elle mourrait « près de Saint-Germain », ce qui aurait interrompu la construction du palais des Tuileries sis près de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris. La reine mère décéda le au château de Blois ; le prêtre appelé pour lui porter l'extrême-onction se nommait Julien de Saint-Germain.
  3. Henri-Louis Bayard, Mémoire sur la topographie médicale du IVe arrondissement de Paris.

Bibliographie

  • Catherine Madoni, « L'hôtel de la Reine », dans Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek (dir.), Paris et Catherine de Médicis, Paris, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, , 190 p., 29 cm (ISBN 2-905118-16-4), p. 108-127.
  • Chantal Turbide, « Catherine de Médicis, mécène d'art contemporain : l'hôtel de la reine et ses collections » dans Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, études réunies par Kathleen Wilson-Chevalier, Publications de l'université de Saint-Étienne, 2007.
  • Luisa Capodieci, Medicæa Medæa. Art, astres et pouvoir à la cour de Catherine de Médicis, Genève, Droz, 2011.
  • Camille Piton, Comment Paris s'est transformé : histoire de Paris, topographie, mœurs, usages, origines de la haute bourgeoisie parisienne : le quartier des Halles, p. 3-133, J. Rothschild éditeur, Paris, 1891 (lire en ligne)
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