Henri Martin (historien)

Henri Martin, né le [1] à Saint-Quentin et mort le [1] à Passy, est un historien, essayiste, romancier et homme politique français.

Pour les articles homonymes, voir Henri Martin.

Henri Martin
Henri Martin, photographié par Eugène Pirou.
Fonctions
Président
Ligue des patriotes
-
Maire du 16e arrondissement de Paris
-
Président de la Société des gens de lettres
-
Sénateur de la Troisième République
Aisne
-
Député français
-
Rédacteur en chef
Le Siècle
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Bon-Louis-Henri Martin
Pseudonyme
Irner
Nationalité
Activités
Rédacteur à
Autres informations
Chaire
Membre de
Distinction
Signature d’Henri Martin.
Henri Martin par Désiré Laugée (société académique).

Carrière d’historien

Henri Martin profita, dès son plus jeune âge, de la riche bibliothèque léguée par un parent de son père, juge au tribunal civil[2]. La lecture assidue lui donna très tôt le goût de l’histoire mais, son père le destinant, suivant la tradition de sa famille, au notariat, l’envoya, à l’âge de dix-huit ans, après ses études au lycée de sa ville natale, à Paris comme petit clerc dans une étude de notaire de la rue de la Harpe[2]. Mais, une fois à Paris, il retrouva son compatriote et ami Félix Davin, de trois ans son ainé, employé de commerce mais passionné, comme lui, de littérature[2].

Martin s’associa, sous le nom de plume d’« Irner[3] », à Davin pour collaborer à un roman, paru dans les premiers mois de 1830, intitulé Wolfthurm ou la Tour du loup, roman dont l’action se passe à l’époque de l’invasion du Tyrol par les troupes françaises commandées par le général Lefèvre[4].

Lors de la Révolution de Juillet, il prit activement part aux évènements[2]. Après Wolfthurm, Davin le présenta au Bibliophile Jacob, Paul Lacroix, qui l’accueillit à bras ouverts[2]. La coopération entre ce dernier, polygraphe prodigieusement actif, et le jeune clerc de notaire, désireux de gagner suffisamment avec sa plume pour obtenir de son père la permission de quitter le notariat, fut extrêmement productive, d’autant plus que, marié, à vingt-et-un ans, avec la fille d’un commerçant de Saint-Quentin, le jeune ménage n’était pas riche[2]. Il est difficile de trouver une revue littéraire, un magazine, un recueil quelconque, de 1830 à 1835, où Martin n’ait publié sa prose, et quelquefois ses vers[2]. Le Bibliophile Jacob, qui dirigeait alors trois ou quatre journaux, le fit écrire dans le Mercure, le Gastronome, le Garde national, dont Émile de Girardin lui avait offert la direction, en 1830, mais qui dura trois mois à peine[2]. Il écrivit également dans la Mode, le Journal des Demoiselles, le Livre de beauté, les Sensitives, album des Salons[2].

Henri Martin, à cette époque, se croyait surtout poète[2]. Passionné de légendes, il allait en chercher partout, jusqu’en Orient, et étudia sérieusement les langues orientales, avant de les abandonner par la suite[2]. Jusqu’à l’époque de sa grande Histoire de France, il mena courageusement une vie laborieuse et difficile[2]. En 1832, dans le livre des Cent et Un de Ladvocat, il publia une Visite à Saint-Germain-en-Laye[2]. À la même date, il écrivait Gad le forgeron pour les Cent et une nouvelles, et entreprenait une satire hebdomadaire, le XIXe siècle, dont deux ou trois numéros seulement ont paru ; il publiait encore Minuit et Midi, bientôt suivi du Libelliste, romans historiques ; la Vieille Fronde, scènes à la façon de Vitet[2]. Enfin, toujours en 1832, il donnait à la Gaîté, avec Pixérécourt, un drame en trois actes et six tableaux : l'Abbaye-aux-Bois, ou la Femme de chambre[2]. La même année, il donnait, cependant, la Vieille Fronde, ouvrage sur la Fronde parlementaire, qui donne un aperçu de son œuvre d’historien à venir[2]. En effet, cette année-là, Alfred Mame s’adressa au bibliophile Jacob pour avoir une Histoire de France d’une certaine importance comme étendue, capable de devenir un livre de fonds, une source de revenus annuels pour la maison[2]. Ce dernier conçut l’idée de composer ce livre avec les extraits des principaux historiens de chaque époque, reliés entre eux par des transitions et des compléments pour combler les vides pour les périodes manquantes, comme ce qu’avait fait Prosper de Barante pour son Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois[5].

Sollicité pour ce projet, Martin, après de longues hésitations, se décida à fournir à Lacroix une Histoire des Gaulois, qu’il avait particulièrement étudiés[2]. Parue en 1833, en petit volume in-32, elle obtint un certain succès, le format primitif fut changé à celui de l’in-octavo pour ne pas allonger trop considérablement le nombre des volumes[2]. L’Histoire des Gaulois fut réimprimée pour ouvrir l’édition nouvelle, et le résultat fut son Histoire de France en quinze volumes (1833-1836), qui porta d’abord le nom de Lacroix, qui en avait fourni l’idée et le plan général, en surveillait l’exécution, en prêtait les volumes de sa considérable bibliothèque, pour faire les extraits[2]. Il en revoyait également le style de Martin dont le nom ne commencera à paraitre qu’à partir du treizième volume. Celui-ci approchait de sa fin et, le moment venu de prendre des arrangements pour les éditions subséquentes, Lacroix dit au libraire : « Ce n’est plus avec moi qu’il faut traiter ; c’est avec Henri Martin, le véritable, le seul auteur[2]. » Le libraire n’y consentit qu’à contre-cœur, car l’ouvrage réussissait, mais c’est bien lui qui en était le véritable et à peu près le seul auteur[2]. Il fut convenu d’éditer d’abord telle quelle une nouvelle édition de l’Histoire de France par les principaux historiens, enrichie d’images, pendant que Martin préparerait l’édition suivante refondue[2].

Martin fit une œuvre tout à fait nouvelle, où il ne restait pour ainsi dire pas une ligne de la première, et il ne cessa, par la suite, de transformer et de remanier cet opus magnum revu et augmenté (4e éd., 16 vol. plus un index, 1861-1865), lui valut, en 1856, le Premier Prix de l’Académie, et en 1869 le grand prix bisannuel de 20 000 francs[2]. En 1867, fut publiée une version abrégée en sept volumes destinée à un plus large public. Avec sa suite, l’Histoire de France depuis 1789 jusqu’à nos jours (8 vol., 1878-1883), elle donnait de la France un historique complet, et remplaçait l’Histoire des Français de Jean de Sismondi. Son Histoire de France est la plus diffusée de son époque avec celle de Jules Michelet[6] ».

À partir d’un certain moment, cette Histoire de France devenue célèbre , et où il a synthétisé ses qualités de poète et de notaire, a si bien rempli la vie de Martin, qu’elle a dépassé tous ses autres ouvrages en, pour cacher tout le reste[2]. Ce travail souffre pourtant de quelques défauts : ses descriptions des Gaules subissent trop l’influence de Jean Reynaud et de sa philosophie cosmogonique[7], et se fondent davantage, sous ce rapport, sur la légende que sur l’histoire. Républicain libre-penseur, il avait adopté, en les racontant, les doctrines des druides, dont il admirait le spiritualisme, se consolant à leur croyance en une immortalité consciente[8]. Il laisse souvent ses préjugés fausser son jugement sur la politique et l’histoire religieuse de l’Ancien Régime. Sa connaissance du Moyen Âge souffre de lacunes, et ses critiques ne sont pas pertinentes. Il n’en a pas moins donné une grande impulsion aux études celtiques et anthropologiques[9]. Il a l’idée de remplacer les phases principales de l’histoire de France (notamment les dynasties) par des héros accompagnés de leurs mythes : Vercingétorix, Jeanne d’Arc, etc. Les six derniers volumes, consacrés aux XVIIe et XVIIIe siècles, sont supérieurs aux précédents. Parmi ses autres œuvres, on cite : De la France, de son génie et de ses destinées (1847), Daniel Manin (1860), La Russie et l’Europe (1866), Études d’archéologie celtique (1872), Les Napoléon et les frontières de la France (1874).

Caricature parue dans Le Trombinoscope de Touchatout en 1873.

En 1848, Carnot, ministre temporaire de l’Instruction publique, le chargea d'enseigner un cours à la Sorbonne sur l’histoire diplomatique de la Révolution[10]. Compte tenu des événements de l'époque, il ne remplit cette fonction que pendant six mois.

Parcours politique

Rédacteur en chef au Siècle, Martin fut également maire du 16e arrondissement de Paris en 1870 puis de 1880 à 1883, et siégea à la Chambre des députés comme député de l'Aisne (élu aussi à Paris, il opta pour le premier département) en 1871. Il fut élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 1871, et de l'Académie française au 38e fauteuil le , en remplacement d’Adolphe Thiers, où sa réception a fait un certain bruit[11]. Sénateur de l'Aisne en 1876, il ne laissa que peu de souvenirs comme homme politique. Il soutint néanmoins le projet de loi voté par la Chambre pour ériger le en Fête nationale et prononça devant le Sénat un discours[12] en ce sens, le .

Le Bibliophile Jacob l’a ainsi décrit :

« Quoi qu’on puisse penser de son talent et de ses opinions, Henri Martin est un brave homme, – il n’y a qu’une voix là-dessus parmi tous ceux qui le connaissent, – obligeant, désintéressé, profondément honnête. C’est un naïf qui croit aux rêveries druidiques, aux vertus et à l’infaillibilité du peuple, à l’avènement de l’âge d’or par la République. Au physique, Henri Martin est grand, maigre, l’air gauche, le teint haut en couleur, les cheveux, les moustaches et le collier de barbe tout blancs, vigoureux encore, marcheur intrépide. Un de ses vieux amis m’assure qu’il était très beau en 1832, qu’il avait l’air d’un héros de roman du XVIIe siècle. Il a changé. Il demeure à Passy, non loin du seul fils qui lui reste, le docteur Martin, habile accoucheur et entomologiste distingué. Il avait un autre fils, un peintre, mort jeune et fou. Henri Martin a mis une rare persévérance à poursuivre son fauteuil. Pendant tout près d’un quart de siècle, il s’est tenu à l’affût, guettant toujours, se présentant de temps à autre, et lorsqu’il ne retirait pas sa candidature au dernier moment, recueillant la voix de son ami M. Legouvé, renforcée quelquefois d’une ou deux autres. Aujourd’hui, le voici au terme de ses vœux : tout vient à point à qui sait attendre[2]:293. »

Il contribua à la fondation de la Ligue des patriotes, dont il fut le premier président. Il était également l’un des fondateurs et des présidents honoraires de la Société des gens de lettres[8].

Il meurt en 1883 au no 38 rue Vital (16e arrondissement), où il habitait depuis 1878. Une plaque commémorative lui rendait autrefois hommage[13]. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse[8]. En 1885, la ville de Paris donne son nom à un segment de l'avenue du Trocadéro, de façon que la mairie du 16e arrondissement y ait son adresse. Une partie du reste de l'ancienne avenue du Trocadéro est aujourd'hui l'avenue Georges-Mandel.

Hommages

Œuvres

  • Wolfthurm, 1830.
  • La Vieille Fronde, 1832.
  • Minuit et midi, 1832.
    Réédité en 1855 sous le titre Tancrède de Rohan, Librairie de L. Hachette et Cie, in-12, 207 pages.
  • Le Libelliste, 1833.
  • Histoire de France (avec Paul Lacroix, le Bibliophile Jacob) (1833-1836)
  • Histoire de la ville de Soissons, 1837.
  • De la France, de son génie et de ses destinées, 1847.
  • La Monarchie au XVIIe siècle, 1848.
  • Daniel Manin, 1859.
  • Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, 1860.
  • L'Unité italienne et la France, 1861.
  • Jean Reynaud — Pologne et Moscovie, 1863.
  • Le , 1864.
  • Vercingétorix, 1865)
  • La Séparation de l'Église et de l'État, 1865.
  • La Russie et l'Europe, 1866.
  • Dieu dans l'histoire, 1867)
  • Histoire de France populaire, 1867-1875.
  • Études d’archéologie celtique, 1871.
  • Les Napoléon et les frontières de France, 1874.
  • Histoire de France depuis 1789 jusqu'à nos jours, 1878-1885.

Notes et références

  1. Martin, Henri (1810-1883), « BnF Catalogue général », sur catalogue.bnf.fr (consulté le )
  2. Victor Fournel (dir.) et Paul Lacroix, « Henri Martin », Figures d’hier et d'aujourd’hui, Paris, Calmann-Lévy, vol. 150, , p. 279-94 (lire en ligne, consulté le ).
  3. À partir de son deuxième ouvrage, Martin reprit le nom de sa famille, se contentant d’écrire son prénom avec un y, concession à laquelle il finit également par renoncer, un peu plus tard.
  4. Étienne Casimir Hippolyte Cordellier-Delanoue (dir.), « Annonces de libraire », La Tribune romantique, Paris, J. Corréard jeune, vol. 1er, 1re année 1830, p. 268 (lire en ligne, consulté le ).
  5. Cet ouvrage en 13 volumes, qui connut de nombreuses éditions, et lui valut d'être élu, en 1828, à l’Académie française.
  6. Boris Bove, Le temps de la guerre de Cent ans : 1328-1453, Paris, Belin, coll. « Histoire de France », , 669 p. (ISBN 978-2-7011-3361-4, présentation en ligne), p. 553.
  7. Par exemple : dans ce genre de déclaration, dans Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789 : « Le Gaulois est loquace, vantard, adonné aux femmes; le Germain est ivrogne, obstiné, sournois dans son orgueil ; l’un a les défauts d’une activité déréglée ; l’autre a des défauts paresseux et sédentaires. Le Germain est plus chaste de corps et plus froid de cœur que le Gaulois ».
  8. « Nouvelles et échos », Gil Blas, vol. 5, no 1492, , p. 1 (lire en ligne, consulté le ).
  9. Eugène Yung (dir.) et Émile Alglave, Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger, t. 7, Paris, Germer Bailliere, (lire en ligne), p. 620.
  10. Ernest Glaeser, « Martin (Bon-Louis-Henri) », Biographie nationale des contemporains, , p. 496 (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Henri Martin », L’Intransigeant, no 1250, , p. 2 (lire en ligne, consulté le ).
  12. Tout savoir sur le 14 juillet - La fête nationale.
  13. Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Éditions de Minuit, septième édition, 1963, t. 2 L-Z »), « Rue Vital », p. 654.

Bibliographie

Article connexe

Liens externes

  • Portail de la politique française
  • Portail de la France au XIXe siècle
  • Portail de l’Académie française
  • Portail de l’historiographie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.