Heures de Charles d'Angoulême

Les Heures de Charles d'Angoulême est un livre d'heures commandé par Charles d'Angoulême, père du roi François Ier de France actuellement conservé a la Bibliothèque nationale de France de Paris, sous la cote Latin 1173.

Les Heures de Charles d'Angoulême
53v: St. Georges et le dragon (I. M.), f.53v
Artistes
Date
1475-1500
Commanditaire
Technique
Manuscrit relié - peinture sur vélin
Dimensions (H × L)
21,5 × 15,5 cm
No d’inventaire
Latin 1173
Localisation

Description

L’originalité de cet ouvrage enluminé pour le comte Charles d’Angoulême en fait un des plus insolites représentants de la grande famille des livres d’heures.

Tant d’audace fut certainement le fruit d’une profonde entente intellectuelle entre l’artiste et le commanditaire et dépasse les limites du livre d’heures conçu comme simple instrument au service de la dévotion personnelle de son propriétaire.

L’esprit licencieux qui, pendant des siècles, caractérisa la cour française, l’absence d’inhibitions d’ordre religieux chez un prince aussi puissant que le comte d’Angoulême et la perspicacité scientifique d’un naturaliste comme Robinet Testard contribuent peut-être à expliquer un tel défi dans ce Moyen Âge finissant.

Par-delà sa vocation d’instrument de dévotion personnelle, ce livre semble avoir également été délibérément conçu et exécuté pour divertir Charles de Valois, attiser sa curiosité (f. 52v), détourner son attention (ff. 28v et 52r), l’amuser (ff. 3r, 4v et 5r), satisfaire son sens esthétique (ff. 16v et 26v), alimenter son goût pour le charme de la vie pastorale (f. 20v), plaire à ce lecteur de romans courtois (f. 2v) et de chevalerie (f. 53v), et même flatter la vanité de ce prince, si l’on accepte l’interprétation allégorique d’Ahuva Belkin (f. 41v).

De plus, il n’est sans doute pas anodin que les feuillets les plus susceptibles d’inspirer la dévotion, tels que ceux du cycle biblique de la Passion, de la Mort et de la Résurrection du Christ (f. 106v), ne soient pas entièrement de la main de Robinet. En effet, ils sont constitués d’une série de douze gravures d’Israël van Meckenem (I. M.) que Testard s’est contenté de colorer de sa palette lumineuse si caractéristique.

Le fait que Robinet Testard ait renoncé à illustrer lui-même le saint des saints du livre d’heures en introduisant à cet endroit le travail d’autres peintres (Jean Bourdichon) ou graveurs (Israël van Meckenem), loin de constituer un acte d’appropriation de l’art d’autrui, doit peut-être plutôt être interprété comme un geste d’honnêteté intellectuelle de l’artiste ne voulant pas se trahir en représentant des scènes auxquelles un naturaliste tel que lui ne pouvait adhérer pleinement.

Par ailleurs, l’introduction d’éléments de nature profane, scènes de genre (ff. 4v et 20v), mythologiques (f. 41v) ou chevaleresques (f. 53v) dans un livre par définition entièrement et éminemment latin, souligne son originalité par rapport aux présupposés canoniques de cette catégorie d’ouvrages.

Nous pourrions même aller plus loin et en conclure que ce curieux creuset artistique renferme presque une subversion envers l’ultime commanditaire du livre d’heures, une profanation de la sacralité du livre d’heures, une antithèse du livre d’heures : un anti-livre d’heures, en définitive.

Il est manifeste combien Robinet Testard fut tributaire de l’art de la gravure, et en particulier de l’œuvre magnifique d’Israël van Meckenem, lors de la confection de ce livre.

Nombreuses sont les miniatures qui retiendront notre attention : la scène si animée de danse pastorale dans l’Annonce aux Bergers, d’un naturalisme accompli en particulier dans les traits et les mouvements des personnages masculins, la mystérieuse scène de la Mort du Centaure chevauché par la Femme Sauvage, avec sa dimension mythologique et sa double signification allégorique, tant morale (Combat entre la Vertu et le Vice) que politique (Mort de Louis XI, « le Roi-Araignée », et de sa fille Madame Anne de Beaujeu), et la scène légendaire du prince Saint Georges de Cappadoce et de la Reine de Lydie, illustration aussi propre à un roman de chevalerie que déplacée dans un livre d’heures.


Le manuscrit

Le manuscrit est composé de 230 folios. Il comprend 38 miniatures.

Selection de miniatures
Feuillets Description Miniature
1r-6v Calendrier liturgique (f. 2v, 3r et 5r: I. M.)
7v Christ Pantocrator et le Tétramorphe (I. M.)
9v Annonciation (J. B.)
16v Composition végétale avec des oiseaux (I. M.)
17v La Pentecôte
18v Nativité (I. M.)
20v Annonciation aux bergers: danse paysanne(J. B.)
22v Epiphanie ou l'adoration des Mages (J. B.)
24v Présentation au Temple
26v Composition végétale
28v Prière à Notre-Dame
34v Jugement de Salomon (I. M.)
41v Décès du Centaure et la femme sauvage
52r Acrostiche du Ave Maria
52v Calendrier mobile de la Pâque
53v St. Jacques et le dragon (I. M.)
59v Dernière Cène et la prière dans le jardin (I. M.)
74v Arrestation (I. M.)
77v Jésus devant Caïphe (I. M.)
80v Flagellation (I. M.)
87v Couronnement d'épines (I. M.)
89v Ecce Homo (I. M.)
91v Jésus devant Pilate et le lavage des mains (I. M.)
94v Via Crucis (I. M.)
97v Crucifixion (I. M.)
106v Déposition et sépulture (I. M.)
110v Résurrection (I. M.)
113v Emmaüs (I. M.)

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Anne Matthews, « The use of prints in the Hours of Charles d'Angoulême », Print Quaterly, vol. 3, no 1, , p. 4-18 (JSTOR 41823707)
  • Les Heures de Charles d’Angoulême (Fac-similé du Manuscrit), éd. Moleiro, 230 p. [présentation en ligne]

Articles connexes

Liens externes


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