Hogra

Hogra (du dialecte algérien), mot qui n'a pas d’équivalent sémantique en français, désigne l’acharnement oppressant, injuste, méprisant de quelqu’un de puissant sur quelqu’un d’impuissant dont il connaît parfaitement l’impuissance[1].

Histoire

« Hogra » vient de la racine arabe H-Q-R (حقَرَ). Il s'agit d'un terme très populaire à connotation négative et très courant dans la société algérienne. Il désigne principalement une discrimination sociale très négative de la part de toute personne détentrice de l'autorité publique. Subsidiairement, ce terme peut également être rapproché du dédain ou du mépris. Il peut aussi signifier injustice, iniquité, abus de pouvoir, humiliation.

La hogra est l'une des causes principales du déclenchement de la révolte du 5 octobre 1988. Et s'il est souvent utilisé pour désigner la hogra du pouvoir à l'égard de la population où, dans ce cas précis, le « hagar »[2] par excellence est l'État, avec son administration, sa police, son armée et ses bureaucrates obtus, la « hogra » désigne tous les cas où une ou plusieurs personnes tirent profit de leur force, de leur pouvoir ou de l'état de faiblesse des autres.

L’unité sociopolitique et économique de base de la société kabyle est la famille. L'union et la solidarité entre ses membres en font une force, ce qui fait dire au chanteur Idir dans sa chanson Chfigh : « Celui qui n'a pas de famille est mahgour ». Désignés par l'expression « echaab meskine » (le peuple, le pauvre), ceci ne prive pas la pratique de la hogra à tous les niveaux de la société. La hogra étant très mal perçue, le « haggar », pour se dédouaner de sa responsabilité, rejettera la faute sur la victime[3],[4].

Entre le fond de culture berbère paysanne et égalitaire, la guerre d'indépendance, censée rétablir chacun dans ses droits, le socialisme post-indépendance et l'islam populaire, la société algérienne, dans l'imaginaire populaire, a toujours été homogène et l’inégalité sociale qui a creusé l'écart entre les Algériens après l'indépendance a attisé le sentiment de marginalisation. « El Hogra » est le cri de tous les exclus. Sur les murs de toutes les villes, on peut encore lire ce slogan des années 1960 : « Un seul héros, le peuple », « بطل واحد هو الشعب ». Le rejet de la hogra reflète le refus de l’inégalité sociale entre les Algériens.

Usages

La hogra étant un mal universel, le mot est entré dans le parler des autres pays du Maghreb[5] et dans l'argot des banlieues en France. Mathieu Rigouste dans Le Théorème de la hoggra[6] explique les prémices d'une guerre sociale par le biais d'histoires de douze personnages allégoriques à travers différentes périodes allant de la période coloniale jusqu'à l'évolution des sociétés de contrôle et de ce qui leur résiste.

Notes et références

  1. (en) Rani Rubdy et Selim Ben Said, Conflict, Exclusion and Dissent in the Linguistic Landscape, Springer, , 306 p. (ISBN 978-1-137-42628-4, lire en ligne).
  2. Le « haggar » (pluriel : « haggarine ») est celui qui exerce la hogra ; le « mahgour » celui qui la subit.
  3. « La hogra, un mal algérien », Afrik.com, (lire en ligne, consulté le ).
  4. Voir sur algeria-watch.org.
  5. « La Hogra, pour les humiliés du monde entier », fr.le360.ma, (lire en ligne, consulté le ).
  6. Mathieu Rigouste, Le théorème de la hoggra : histoires et légendes de la guerre sociale, La Celle-Saint-Cloud, BBoyKonsian, , 237 p. (ISBN 978-2-9538046-1-4).

Voir aussi

Articles connexes

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