Hrant Dink
Fırat Hrant Dink (en arménien : Հրանդ Տինք) (né le à Malatya et mort le à Istanbul) est un journaliste et écrivain turco-arménien[1]. Il est assassiné par un nationaliste turc de 17 ans dans le quartier d'Osmanbey à Istanbul, devant les locaux de son journal bilingue Agos.
Pour les articles homonymes, voir Dink.
Rédacteur en chef Agos | |
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Naissance | |
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Décès | |
Sépulture |
Balıklı Armenian Cemetery (d) |
Nom dans la langue maternelle |
Հրանտ Դինք |
Nom de naissance |
Fırat Hrant Dink |
Nationalité | |
Domiciles | |
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Activités | |
Conjoint |
Rakel Dink (en) (depuis ) |
Enfant |
Arat Dink (en) |
Religion | |
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Sport | |
Équipe |
Taksim SK (en) |
Distinctions | Liste détaillée Prix Henri Nannen Prix Oxfam Novib/PEN () Prix Bjørnson (d) () Prix Hermann-Kesten () Héros de la liberté de la presse () |
Hrant Dink est récipiendaire, en 2006, du prix Oxfam Novib/PEN pour la liberté d'expression.
Biographie
Hrant Dink a été le fondateur, le directeur de publication et le chroniqueur en chef de l'hebdomadaire Agos, un journal édité à Istanbul en arménien et en turc. Il a également écrit pour les journaux nationaux Zaman et Birgün.
Né à Malatya le d'une famille modeste, Dink arrive à Istanbul à l'âge de 7 ans où il passe son enfance dans des orphelinats. Toute sa scolarité a lieu dans les écoles arméniennes et il est diplômé du lycée Surp Haç à Üsküdar. Il est diplômé en zoologie de l'université d'Istanbul et poursuit des études de philosophie dans la même université. En 1977, il épouse Rakel Dink, qui a grandi également en orphelinat et avec laquelle il aura deux filles (Delal et Séra) et un fils (Arat).
En 1996, il fonda Agos et devient peu à peu le chef d'opinion de la communauté arménienne de Turquie.
En , Dink, défendu par l'avocate et écrivaine Fethiye Çetin, est condamné à six mois de prison avec sursis pour un article affirmant que les Arméniens devaient se libérer de l'« obsession turque » par une périphrase évoquant « le sang s'écoulant de la noble veine reliant les Arméniens à l'Arménie se substituera à celui empoisonné par l'« élément turc » ». Il défendait, dans une série de huit articles publiés dans Agos, la thèse que l'identité arménienne devait se reconstruire autour de la question de survie du jeune État arménien et non uniquement sur l'exigence de la reconnaissance du génocide par la Turquie. Une partie de la presse avait alors interprété cette phrase sortie de son contexte comme une déclaration raciste ce qui l'avait profondément choqué, lui qui défendait avec acharnement le « vivre ensemble ».
Le tribunal, contre l'avis d'une commission d'experts, avait estimé que ces propos allaient à l'encontre de l'article 301 du Code pénal turc révisé qui sanctionne le « dénigrement de l'identité nationale turque » et rend ainsi possibles les poursuites d'auteurs ou d'universitaires pour insulte à l'identité turque. Dink avait alors dit à l'agence Reuters : « Il se peut que j'en paie le prix mais la démocratie turque y gagnera, je l'espère. »[2] Ce verdict a été vivement critiqué par l'Union européenne[réf. nécessaire].
Ses propos concernant le génocide arménien commis sous l'Empire ottoman lui valurent l'hostilité du gouvernement turc, mais également et surtout des menaces de mort de la part des milieux nationalistes, dont son assassin Ogün Samast serait issu. Les autorités turques refusent de reconnaître le caractère génocidaire des massacres d'Arméniens commis en 1915-1917 et pratiquent une politique de négation du génocide arménien. Mais le coup d'envoi des attaques contre lui fut donné à la suite de la publication dans Agos d'un reportage démontrant que Sabiha Gökçen, fille adoptive d'Atatürk et héroïne républicaine, était d'origine arménienne[3].
Hrant Dink a toujours souligné sa citoyenneté turque et sa « chance » de vivre en Turquie qui lui donnait la possibilité de comprendre à la fois les sensibilités des Turcs et des Arméniens, une compréhension nécessaire pour la réconciliation de ces deux peuples qui ont partagé mille ans d'histoire commune. Il a affirmé le besoin de démocratisation de la Turquie, soulignant que le règlement du problème arménien n'est qu'un volet de la démocratisation générale du pays. Dans la même perspective, il défendait fermement l'adhésion de la Turquie au sein de l'Union européenne, comme une garantie de la démocratisation. Tout au long de sa vie, il s'est focalisé sur les questions des droits des minorités, des droits civiques et des problèmes concernant la communauté arménienne de Turquie. Il militait au sein de mouvements de gauche et pacifistes.
Il a été assassiné le par un nationaliste turc de 17 ans dans le quartier d'Osmanbey à Istanbul, devant les locaux de son journal bilingue Agos.[à développer]
Le , son fils, Arat Dink, et Serkis Seropyan, respectivement directeur de la rédaction et responsable de l'hebdomadaire Agos, sont reconnus coupables d'avoir « insulté l'identité turque » et, à ce titre, condamnés à un an de prison avec sursis par un tribunal turc, en vertu de l'article 301 du Code pénal turc, pour avoir reproduit, au cours de l'été 2007, dans les colonnes d’Agos, une partie des propos de Hrant Dink qui avaient valu à celui-ci les poursuites judiciaires qui ne s'étaient interrompues qu'avec son assassinat[4].
Le , la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie dans l'affaire de l'assassinat de Hrant Dink. La Cour a jugé que l'absence de protection du journaliste face aux menaces pesant sur lui ainsi que les poursuites pénales pour « dénigrement de la turcité » constituaient une violation du droit à la vie et du droit à la liberté d'expression imputables aux autorités turques[5].
Le , Ogün Samast a été condamné à vingt-deux ans et dix mois d'emprisonnement[6],[7],[8] pour meurtre avec préméditation et possession illégale d'une arme à feu par la cour criminelle pour enfants d'Istanbul. Il pourra être libéré sur parole en 2021, après avoir purgé une peine correspondant aux deux tiers de la condamnation.
Le , deux anciens chefs de la police, Ramazan Akyürek et Ali Fuat Yilmazer, sont condamnés à la détention à perpétuité par un tribunal d’Istanbul, ainsi que deux anciens gradés de la gendarmerie, Yavuz Karakaya et Muharrem Demirkale. Selon l’accusation, ils n’ont pris aucune mesure pour empêcher l’assassinat bien qu’ils aient été informés du projet criminel[9],[10].
La justice turque poursuit l'enquête sur les commanditaires de l'assassinat de Hrant Dink. Sont en particulier soupçonnés Erhan Tuncel (un ancien informateur de la police) et Yasin Hayal (en)[11].
Hommages
- Le , l'Institut international de la Presse (IPI), principale organisation de défense de la liberté de la presse selon l'UNESCO[12] a déclaré Hrant Dink 52e « héros de la liberté de la presse dans le monde »[13].
- Le , au premier anniversaire de son assassinat, 10 000 personnes (8 000 selon la police[14]) ont défilé dans les rues d'Istanbul pour lui rendre hommage. Des rassemblements en l'honneur de Hrant Dink ont également eu lieu dans d'autres grandes villes de Turquie. À Istanbul, sa veuve Rakel a lu un discours, appelant la justice à terminer son travail après l'arrestation de dix-neuf personnes en lien avec la mort de son mari. Le quotidien turc Milliyet note en effet dans son édition du jour que « la justice n'a pas avancé d'un pouce » et que les questions sans réponses restent trop nombreuses. Une appréciation reprise par la presse nationale turque en général.
- Lors du mouvement protestataire turc de 2013, les manifestants renomment l'allée principale du parc Gezi en « avenue Hrant-Dink », en brandissant des affiches proclamant : « Nous sommes ici, mon frère », slogan issu de la célébration du 6e anniversaire commémorant l'assassinat du journaliste[15],[16].
- En France, une « rue Hrant-Dink » est inaugurée le à Lyon[17]. Le journaliste avait déjà une école qui porte son nom à Arnouville-lès-Gonesse[18].
- À Marseille, dans le 12e arrondissement, la rue Hrant-Dink a été inaugurée le , en présence de Rakel Dink, épouse de Hrant Dink et d’Aris Nalci, journaliste d’Agos[19].
- À Bouc-Bel-Air (13320), le rond-point Hrant-Dink a été inauguré le , en présence de Rakel Dink, de la ministre arménienne de la Diaspora, Hranouche Hakopian, et de monseigneur Norvan Zakarian, représentant l’Église arménienne de France[20].
- Son nom a été donné à un jardin public sur l'île de Kınalıada dépendant de l'archipel des îles des Princes à Istanbul le . Il s'agit de la première fois qu'un espace public porte son nom en Turquie.
- Dans le roman Le Sillon (2018), prix Renaudot 2018, Valérie Manteau part à la recherche de traces de Hrant Dink à Istanbul. Elle commente ainsi sa tombe: « Rarement vu une telle accumulation de symboles de paix ; voilà la tombe d'un homme labellisé ennemi des Turcs et qui demandait comme une prière, ne vous inquiétez pas, nous avons les yeux rivés sur cette terre c'est vrai, mais pas pour la reprendre ; pour y reposer au plus profond » (p.182)
- En mars 2017, une place a été nommée en sa mémoire dans le 13e arrondissement de Paris.
Galerie de photos
- Portrait d'hommage.
- Affiche en honneur de Dink.
- Banderole de souvenir.
- Rue Hrant-Dink à Marseille
Notes et références
- « Le journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink assassiné à Istanbul », Le Monde.
- « « Un journaliste turco-arménien abattu à Istanbul », Reuters, »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- http://www.turquie-news.com/rubriques/histoire/sabiha-gokcen-et-la-controverse-sur-ses-origines.html.
- Sources : articles (en) « Pair guilty of 'insulting Turkey' » () et « Trial unnerves Turkish Armenians » (, sous la signature de Sarah Rainsford), sur le site de BBC News.
- Nicolas Hervieu, « Assassinat de Hrant Dink, condamnation de la Turquie en raison de la passivité des autorités », sur combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr, (consulté le ).
- « En Bref : Turquie - Un tribunal d’Istanbul a condamné à vingt-trois ans de prison le meurtrier du journaliste turc d’origine arménienne Hrant Dink », Libération, (lire en ligne).
- (en) « Turkey: Sentence in Editor’s Death », BBC News, (lire en ligne).
- (en) Sebnem Arsu, « Hrant Dink murder: Turk Ogun Samast jailed », The New York Times, (lire en ligne).
- « Turquie : des peines de prison à vie pour le meurtre du journaliste Hrant Dink », sur france24.fr, (consulté le )
- « Turquie : quatre personnes condamnées à la prison à vie pour le meurtre du journaliste Hrant Dink », sur lemonde.fr, (consulté le )
- (en) « Key suspect in Dink murder case has criminal liability », Today's Zaman, Istanbul, (lire en ligne).
- « Fiche de l'IPI sur le site de l'UNESCO »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- Communiqué de presse de l'IPI. En 2006, l'IPI avait honoré de la sorte la journaliste russe Anna Politkovskaïa, également assassinée pour ses articles.
- Dépêche sur armenews.com du .
- Laure Marchand, « À Istanbul, le parc de Gezi s'est transformé en kermesse libertaire », sur http://www.lefigaro.fr/, (consulté le ) : « Il est installé au bout de l'allée principale, rebaptisée «avenue Hrant-Dink» ».
- (en) « Protesters dedicate a street to slain journalist Hrant Dink in Gezi Park », sur hurriyetdailynews.com, (consulté le ) : « Activists have brandished banners reading “Buradayız Ahparig!” (We are here, brother), the slogan chosen for the commemoration of the 6th anniversary of Dink’s murder earlier this year. ».
- « Rue Hrant Dink Angle Rue La Confluence - 69002 Lyon », sur acam-france.org (consulté le ).
- « École Hrant Dink », sur ecolehrantdink.fr (consulté le ).
- « Rue Hrant Dink 13012 Marseille », sur acam-france.org (consulté le ).
- « Rond-point Hrant Dink 13320 Bouc-Bel-Air », sur acam-france.org (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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- WorldCat
- (fr) Articles de Hrant Dink traduits sur turquieeuropeenne.eu.
- (en) (tr) Site officiel d'Agos.
- (tr) Hrant Dink au journal de Birgün.
Bibliographie
- Hrant Dink (trad. du turc), Être Arménien en Turquie, Reims, Fradet, , 128 p. (ISBN 978-2-909952-17-8).
- Hrant Dink (trad. du turc), Deux peuples proches, deux voisins lointains : Arménie-Turquie, Arles, Actes sud, , 200 p. (ISBN 978-2-7427-8780-7).
- Hommage a Hrant Dink, (Allemagne, 2008, 55 min) Filmpool Film- und Fernsehproduktion GmbH. WDR. Réalisateur : Osman Okkan, Simone Sitte. Diffusé sur Arte les 24 et et visible sur Arte.tv+7.
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