Hypokeimenon
L'hypokeimenon (en grec ancien, ὑποκείμενον) est la substance, ou le sujet, d'un objet. Il s'agit d'un concept de philosophie métaphysique inventé par Aristote.
Concept
Aristote définit, dans le livre Z de sa Métaphysique, les quatre sens de la substance (ousia)[1]. Il s'agit ou bien de la quiddité (c'est-à-dire de sa détermination, sa forme), ou bien d'un universel, ou bien d'un genre, ou bien d'un substrat (hypokeimenon)[2]. L'hypokeimenon a donc à la fois le sens de substance, et plus particulièrement, de substrat[3].
L'hypokeimenon signifie qui a la fonction de support (substrat). L'hypokeimenon est ce qui reçoit les formes, c'est-à-dire la matière. La matière se pose sur ce substrat[4]. Ainsi, l'hypokeimenon est ce qui reçoit les attributs, qui peuvent être accidentels. Le préfixe hypo désigne ce qui est en-dessous, car l'hypokeimenon est une véritable base, un fondement, de la chose[5]. En tant qu'il est substrat, l'hypokeimenon subsiste aux changements. S'il disparaît, la chose n'est plus[6].
On ne peut en faire un prédicat ; il peut seulement prédiquer[7].
Postérité
Plotin et l'assise de la réalité de l'âme
Le concept d'hypokeimenon connaît une grande postérité. Plotin le mobilise pour qualifier l'ousia (l'essence) de l'âme. Cela permet ainsi de distinguer celle-ci du simple logos. En effet, l'hypokeimenon donne une assise à la réalité de l'âme[8].
Scolastique et théologie chrétienne
Il est réinvesti par la scolastique et la théologie chrétienne[9].
Heidegger et la métaphysique occidentale
Il est ensuite utilisé par Martin Heidegger, notamment dans l'Être et Temps[10]. Heidegger soutient que le concept d'hypokeimenon est un de ceux qui ont la plus grande postérité dans la métaphysique occidentale, car il a fait du sujet le centre de référence de la totalité de l'étant[11].
Notes et références
- Anthony State University of New York at Binghamton. Institute of Global Cultural Studies, Notes on Greek philosophy : from Thales to Aristotle, Global Publications, Institute of Global Cultural Studies, Binghamton University, State University of New York, (ISBN 1-883058-09-0 et 978-1-883058-09-8, OCLC 44409773, lire en ligne)
- Annick Jaulin, Aristote. La métaphysique, Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-050541-9, lire en ligne)
- Annick Jaulin, « Marx lecteur d’Aristote », Les Études philosophiques, vol. 161, no 1, , p. 105 (ISSN 0014-2166 et 2101-0056, DOI 10.3917/leph.161.0105, lire en ligne, consulté le )
- Annick Stevens, Aristote : un fondateur méconnu, (ISBN 978-2-918112-86-0 et 2-918112-86-0, OCLC 1107042775, lire en ligne)
- Jos de Mul, Romantic desire in (post)modern art and philosophy, State University of New York Press, (ISBN 0-7914-4217-9, 978-0-7914-4217-3 et 0-7914-4218-7, OCLC 39695869, lire en ligne)
- F. E. Peters, Greek philosophical terms : a historical lexicon, New York University Press, (ISBN 0-8147-6552-1 et 978-0-8147-6552-4, OCLC 254699, lire en ligne)
- Aristote, Catégories, 1a20
- Laurent Lavaud, « Substance et mouvement : Marius Victorinus et l'héritage plotinien », Les Études philosophiques, vol. 101, no 2, , p. 163 (ISSN 0014-2166 et 2101-0056, DOI 10.3917/leph.122.0163, lire en ligne, consulté le )
- M. J. Edwards, Aristotle and early Christian thought, (ISBN 978-1-315-52021-6, 1-315-52021-4 et 978-1-315-52020-9, OCLC 1060181372, lire en ligne)
- David Carr, The Paradox of Subjectivity : the Self in the Transcendental Tradition., Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-535203-0 et 0-19-535203-3, OCLC 466431286, lire en ligne)
- Emmanuel Housset, « Présentation », Philosophie, vol. N° 127, no 4, , p. 3 (ISSN 0294-1805 et 1968-391X, DOI 10.3917/philo.127.0003, lire en ligne, consulté le )
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