Incendie de la Maison des syndicats d'Odessa
L'incendie de la Maison des syndicats d'Odessa a eu lieu le dans le cadre de l'agitation croissante en Ukraine au lendemain de la réussite du mouvement de l'Euromaïdan et le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne[1]. L'incendie fait partie des émeutes du 2 mai (uk) pendant la confrontation à Odessa et les manifestations anti-Maïdan.
Ils ont abouti à un important affrontement autour de la Maison des syndicats d'Odessa, un point de repère du centre-ville situé sur le terrain Kulikovo[2]. Du chloroforme[3], entreposé dans le bâtiment pour une raison encore inconnue[4], serait responsable de la mort des occupants.
Événements
À la suite du mouvement Euromaïdan, qui a conduit à la chute du président Viktor Ianoukovytch le (le Révolution ukrainienne de 2014), des protestations et des troubles éclatent dans les régions russophones de l'Est et du Sud du pays, fief électoral de l'ancien pouvoir. Odessa reste au départ plutôt calme, avec des manifestations sporadiques de pro-Maïdan, anti-Maïdan et de groupes pro-russes[5]. Des militants pro-russes forment un campement fait de tentes sur la place centrale du terrain Kulikovo[6].
Le 2 mai 2014, comme la situation se dégrade de plus en plus dans l'oblast de Donetsk, les manifestants pro-Maïdan décident d'organiser un rassemblement pour une Ukraine unie à Odessa[2]. Il a lieu à 14 heures sur la place Soborna (uk), avec environ 1 500 personnes, dont des supporters du Tchornomorets Odessa et du FC Metalist Kharkiv, des militants d’extrême-droite du Secteur droit et d'autres partisans de l'unité ukrainienne[6],[7].
Ce type de marches est une tradition régulière avant les matchs de football dans la région. Après avoir descendu la rue Deribasovskaya, les supporters des deux équipes chantent ensemble l'hymne national ukrainien et scandent des slogans patriotiques tels que « Odessa, Kharkiv, Ukraine », et d'autres chansons contre le président russe Vladimir Poutine[8]. Les membres de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont déclaré qu'ils ont vu environ une centaine de militants pro-unité en tenue de camouflage avec des bâtons et des boucliers[9]. Le candidat pro-russe à la mairie d'Odessa, Gennadiy Trukhanov (en) et le pro-ukrainien Oleksandr Dubovoy (en) qui a dirigé la campagne électorale de Ioulia Tymochenko dans la ville, ont tous deux été accusés d'avoir engagé des titouchky, payés pour disperser des manifestations par la violence[10].
Les participants ont averti des journalistes avant la marche qu'ils avaient découvert à travers les médias sociaux que les « partisans anti-Maidan ont appelé tout le monde à se rassembler et à écraser la marche pro-unité »[7].
Selon les rapports du gouvernement ukrainien, un bus des séparatistes pro-russes a été arrêté alors qu'il tentait d'entrer dans la ville, mais ils ont été rapidement remis en liberté sur ordre d'un fonctionnaire de police de haut rang[11].
Escalade des affrontements
Le défilé est ensuite attaqué dans la rue Hretska (uk) par une foule pro-russe du groupe Odesskaya Druzhina armée de bâtons et d'armes à feu[6],[1],[12]. Les deux parties échangent des pierres et des cocktails Molotov et des barricades sont construites dans la ville durant l'après-midi[13]. Certains témoins affirment que la première victime est un manifestant pro-Ukraine tué d'un tir d'arme automatique dans le poumon autour de 13 h 40[14],[15]. En effet un partisan anti-Maïdan, armé d'un fusil d'assaut Kalachnikov, ouvre le feu dans une ruelle menant dans la rue Derybasivska[16]. Quelques coups de feu sont tirés sur la foule depuis le toit du centre commercial Afina[6].
Déroulement
Dès que la nouvelle de l'attaque par des manifestants pro-russes se répand, des manifestants pro-ukrainiens lancent sur les réseaux sociaux un appel pour aller à Kulikovo et détruire le camp des anti-Maïdan[7]. En conséquence, la foule pro-russe est ensuite submergée par les manifestants pro-ukrainiens et leur campement à l'extérieur de la Maison des syndicats est incendié[6],[17],[18]. Cela force les pro-russes à entrer dans ce bâtiment et à l'occuper[18]. Le bâtiment, situé sur Kulikovo, dans le centre-ville[19], comporte cinq étages et est le siège de la fédération régionale des syndicats d'Odessa[19].
Les rapports sur le déroulement de la suite des évènements varient selon les sources. Tout en défendant le bâtiment, les militants sur le toit ont jeté des pierres et des cocktails Molotov sur les manifestants situés en bas[6],[17]. Un rapport de l'Agence ukrainienne d'information indépendante (UNIAN) indique que la foule pro-Ukraine a commencé à jeter des cocktails Molotov dans le bâtiment après avoir été repoussée par le groupe pro-russe[20]. BBC News a déclaré que la situation était difficile, plusieurs sources indiquant que les deux parties avaient échangé des cocktails Molotov. Un témoin oculaire déclare à la BBC que le feu a commencé au troisième étage, quand un cocktail Molotov a été lancé sur une fenêtre fermée de l'intérieur du bâtiment, et le Kyiv Post rapporte que plusieurs bouteilles enflammées détenues par des militants de l'unité ukrainienne à l'extérieur ont été jetées dans l'entrée et à travers les fenêtres des deuxième et quatrième étages[1],[6].
Une enquête officielle menée par le ministère de l'Intérieur ukrainien déclare que, bien qu'aucune arme à feu n'ait été trouvée à l'intérieur du bâtiment, ceux sur le toit tiraient sur la foule en dessous, et ont accidentellement mis le feu au bâtiment tout en jetant des cocktails Molotov[21],[22]. Bien que la responsabilité de l'incendie n'ait pas été déterminée, celui-ci a commencé aux deuxième et troisième étages de l'immeuble, et s'est propagé rapidement[19]. Les pompiers n'arrivent qu'une heure après le début de l'incendie. Treize unités d'engins d'incendie et de secours sont envoyées sur les lieux, mais elles sont empêchées de fonctionner en raison du grand nombre de personnes rassemblées autour du bâtiment[19]. Une partie de ceux qui essayent d'échapper à l'incendie sont battus lors de leurs tentatives de fuite par des manifestants pro-ukrainiens[8],[23]. Certains pro-ukrainiens chantent leur joie tandis que d'autres aident les personnes piégées à sortir du bâtiment[24].
Bilan humain
Trente-deux personnes sont mortes dans l'incendie : vingt-trois à la suite d'une intoxication au monoxyde de carbone et huit après avoir sauté par les fenêtres pour échapper aux flammes[25].
Au total, quarante-trois personnes sont mortes en une journée à la suite des affrontements[26]. La police a dit qu'au moins trois personnes ont été abattues[27],[28],[29], le personnel hospitalier a indiqué que 174 personnes ont été blessées, dont 25 étaient dans un état critique[30]. 172 personnes ont été arrêtées à la suite du conflit, et 38 militants pro-russes ont été arrêtés par la police après avoir évacué le bâtiment en flammes[31],[32].
Un correspondant TSN a rapporté que quinze des morts dans l'incendie étaient des citoyens russes, et que cinq étaient originaires de Transnistrie[33]. Le conseiller municipal d'Odessa Dmitry Spivak a également déclaré que certains des émeutiers étaient originaires de Transnistrie[34]. Le ministère de l'Intérieur a déclaré que l'identité de la plupart des victimes du n'a pas été déterminée, en dépit de ces rapports[35].
Conséquences politiques
Deux jours de deuil sont décrétés dans la ville[24]. Les manifestants pro-russes et pro-ukrainiens se rassemblent devant le lieu de l'incendie le lendemain[36]. Environ 2 000 manifestants pro-russes se réunissent à l'extérieur du bâtiment en chantant[37]. Il y a une forte présence de la police et quelques bagarres entre les manifestants[36].
Dans un rapport publié en 2019, la Mission de surveillance des droits de l'homme du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme reproche aux autorités ukrainiennes de ne pas avoir fait le nécessaire pour mener une enquête impartiale et identifier les responsables de l'incendie. Par ailleurs, la mission regrette que certains suspects, parmi lesquels des responsables chargés du maintien de l'ordre, aient pu fuir en Russie et avoir ensuite reçu la nationalité russe[38].
Le , Poutine a évoqué l'incendie lors d'une conversation téléphonique avec le président français Emmanuel Macron lors du paroxysme de la crise diplomatique russo-ukrainienne de 2021-2022. Répondant à une mention des « autorités démocratiquement élues » en Ukraine, Poutine a déclaré « Ce n'est pas un gouvernement démocratiquement élu. Ils ont accédé au pouvoir par un coup d'État sanguinaire. Il y a eu des gens brûlés vifs. C'était un bain de sang. Et Zelensky est l'un des responsables ». Poutine a ordonné la reconnaissance diplomatique des deux républiques pro-russes en Ukraine occupée par la Russie le lendemain. Dans les jours qui ont suivi, les Forces armées de la Fédération de Russie ont commencé à grande échelle leur invasion de l'Ukraine[39],[40],[41].
Inspiration littéraire
Le romancier belge Paul Colize s'est inspiré de ces évènements pour mettre en scène, dans son roman Zanzara (Paris, Fleuve noir, 2017) les aventures d'un journaliste d'investigation enquêtant sur la mort d'un barbouze impliqué dans le massacre d'Odessa. Sa thèse repose sur la présence de mercenaires dans l'opération, et sur son caractère prémédité[réf. nécessaire].
Alex de Brienne a consacré un épisode de la série KO à ces évènements intitulée Massacre à Odessa (Livre de Poche, 2017). L'auteur analyse chaque piste évoquée : mafia locale, commande de la Central Intelligence Agency (CIA), accident, provocation russe du Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB)[42][réf. à confirmer].
Notes et références
- (en) « Dozens killed in Odessa fire amid clashes », sur BBC News, (consulté le )
- (en) « Dozens die in Odessa, rebels down Ukraine helicopters », sur Reuters, (consulté le )
- (en) « Interior Ministry: Chloroform discovered in Odessa Trade Unions building where 32 died (UPDATE) », sur kyivpost, (consulté le )
- (en) « Ukrainian Investigator Sees Chloroform as Cause of Odessa Deaths », sur Bloomberg BusinessWeek, (consulté le )
- (en) « OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine », sur OSCE (consulté le )
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- « Guerre en Ukraine: Guy Lagache dévoile un échange Macron-Poutine juste avant le début du conflit », Le HuffPost, (lire en ligne, consulté le )
- Leslibraires.fr, Massacre à Odessa (KO, Tome 1) - Alex de Brienne - Le Livre de Poche (lire en ligne)
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « 2 May 2014 Odessa clashes » (voir la liste des auteurs).
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