Ivan Golounov

Ivan Valentinovitch Golounov (en russe : Иван Валентинович Голунов), né le à Moscou, est un journaliste d'investigation russe. Correspondant affilié au département d'investigation du média internet russophone Meduza[1], il est l'auteur de nombreuses enquêtes fouillées visant notamment la corruption exercée au niveau des hautes sphères du pouvoir. Colauréat en et du prix mensuel Redkollegiya (ru)[2],[3], sa renommée s'accroit subitement en juin 2019 après son interpellation sous le couvert allégué de détention et vente de stupéfiants. Maltraité par la police et assigné à résidence, plusieurs médias et notables s'insurgent contre cette arrestation qu'ils assimilent à une manœuvre politique montée de toutes pièces visant à réprimer la teneur d'investigations connexes impliquant le gouvernement russe. Cinq jours plus tard, après une importante mobilisation de la société civile, l'affaire est finalement classée et le journaliste libéré, blanchi de toute accusation.

Ivan Golounov

Naissance
Moscou
Nationalité Russe
Profession Journaliste d'investigation
Historique
Presse écrite Meduza

Biographie

Né en 1983[4], Ivan Golounov a travaillé pour Novaïa Gazeta, Slon.ru (ru), Forbes, Vedomosti, RBK et la chaîne de télévision Dojd[5],[6].

Depuis 2016, le journaliste est correspondant pour le journal en ligne russe indépendant Meduza (basé en Lettonie)[5]. Il y publie régulièrement des enquêtes sur la corruption de hauts-fonctionnaires russes. Il a notamment publié des articles :

  • sur une escroquerie conçue par des entreprises proposant des microcrédits dont la garantie est le bien immobilier du client à des personnes déjà endettées — ce qui leur permet de s'approprier 500 logements moscovites et d'en expulser les occupants[4],[7] ;
  • sur des malversations dans le cadre de la crise des déchets à Moscou[8],[9] ;
  • sur l'enrichissement de proches d'un maire adjoint de Moscou[10].

En , Golounov reçoit le prix Anna-Politkovskaïa du courage professionnel (aussi appelé prix Kamerton (ru))[11].

Arrestation en 2019

Ivan Golounov après son arrestation, au palais de justice Nikoulinski, à Moscou.

En , Ivan Golounov publie le premier volet d'une longue investigation sur la gestion mafieuse des pompes funèbres en Russie et notamment à Moscou, où sont en concurrence hauts-fonctionnaires corrompus assistés des forces de l’ordre d'une part et groupes criminels d'autre part[12]. Alors qu'il achève la seconde partie de son enquête[13], il est arrêté dans la rue par la police moscovite le , laquelle prétend avoir retrouvé sur lui des produits stupéfiants dans son sac à dos, qui aurait contenu quatre grammes de méphédrone, ce qu'il nie. Après une perquisition à son domicile où les autorités locales affirment, photos à l'appui  elles admettront ensuite que les photos n'ont pas été prises dans l'appartement du journaliste[6] , qu'a été trouvé du matériel utilisé pour le trafic de drogue, il est officiellement inculpé le et encourt jusqu'à quinze ans de détention[14].

Lui-même, son avocat, divers journalistes russes et ses collègues de Meduza affirment qu'il a été piégé par la police en raison de son enquête récente, depuis laquelle il se sentait suivi, et de son travail en général qui lui vaut des menaces récurrentes[14]. « Le procédé du sachet de drogue planté dans les affaires personnelles d’un personnage dérangeant est largement utilisé par la police russe, faute de délit réel, y compris pour faire du chiffre », écrit Libération[4]. L'ONG Reporters sans frontières estime que « le comportement suspect de la police suggère un coup monté »[15],[16].

Ivan Golounov affirme s'être vu arbitrairement refuser l'accès à un avocat et avoir été frappé à deux reprises par des policiers alors qu'il était en détention ; un médecin constate des traces de coups et suspecte des traumatismes[8],[16]. Le journaliste est relâché et assigné à résidence le jusqu'au , mais pouvant être prolongée, comme c'est souvent le cas le temps de la préparation des procès[17],[18]. Le , trois quotidiens russes, Kommersant, Vedomosti et RBK, consacrent leur « une » au journaliste, celles-ci portant l'inscription « Je suis, nous sommes Ivan Golounov »[19],[20]. L’affaire provoque une vague d’indignation inédite[6].

Le , les poursuites contre Golounov sont abandonnées en raison d'un manque de preuves et le ministre de l'Intérieur Vladimir Kolokoltsev déclare vouloir limoger deux responsables de la police[21],[22]. L'abandon des poursuite est aussi dû à la mobilisation des médias et de personnalités qui a surpris les autorités. Le 12, à Moscou, 400 manifestants dénonçant les agissements de la police vis-à-vis d'Ivan Golounov, parmi lesquels l'opposant Alexeï Navalny et des dizaines de journalistes russes ou étrangers, sont violemment interpellées pour délit de manifestation non autorisée près du siège du FSB. Ils veulent alerter l’opinion publique sur le sort des journalistes emprisonnés en Russie, dont quatre sont inculpés de tentative d’extorsion de fonds à l’encontre de hauts fonctionnaires qui étaient justement la cible de leurs enquêtes anticorruption, selon Reporters sans frontières. Des journalistes russes citent par ailleurs le cas d’Andreï Evgueniev, reporter à Zvezda, la chaîne du ministère de la Défense, condamné à trois ans de prison pour possession de drogue. D'autres journalistes reprochent à leurs confrères d’avoir maintenu cette manifestation, estimant qu’elle constitue une provocation à l’encontre des forces de l’ordre humiliées d’avoir dû stopper les poursuites contre Ivan Golounov. La mairie de Moscou autorise une marche de soutien à Golounov pour le 16[23],[24],[25],[26]. Selon l'agence Reuters, la manifestation a rassemblé un demi-millier de personnes : « Exceptionnellement, le rassemblement de dimanche a été autorisé par les autorités, ce qui laisse supposer que le gouvernement russe, gêné par la tournure prise par l'affaire Golounov, est disposé à laisser la colère s'exprimer le temps que la pression retombe »[27]. Selon le journaliste Paul Gogo, présent sur place, des portiques et des fouilles ont été mis en place et l'armée a été déployée[28].

Références

  1. (ru) Кто работает в «Медузе» Qui travaille au sein de la Meduza »] (lire en ligne), Корреспондент отдела расследований: Иван Голунов [« Correspondant d'investigation : Ivan Golounov »]
  2. (ru) Александр Борзенко, Иван Голунов, Александр Горбачёв, Даниил Туровский: «„Христианского государства“ не существует. Но за ним, возможно, стоит ФСБ «Медуза» выяснила, откуда взялись православные радикалы и что про них думают в РПЦ», Премия «Редколлегия (ru)», (lire en ligne)
  3. (ru) Иван Голунов: «Гроб, кладбище, сотни миллиардов рублей. Как чиновники, силовики и бандиты делят похоронный рынок — и при чём тут Тесак», Премия «Редколлегия (ru)», (lire en ligne)
  4. Veronika Dorman, « Moscou : l'étrange arrestation d'un célèbre journaliste d'investigation », Libération, (lire en ligne)
  5. (en) « Support Ivan Golunov by republishing his work We've released all of Ivan Golunov's writing for ‘Meduza’ under a Creative Commons license », Meduza, (lire en ligne)
  6. « En Russie, le soutien au journaliste Ivan Golounov prend de court le pouvoir », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Ivan Golounov (trad. Alexey Kovalev), « The evictors », Meduza,
  8. (en) Andrew Roth, « Russian journalist Ivan Golunov 'beaten by police in custody' », The Guardian, (lire en ligne)
  9. (ru) Ivan Golounov, « Москве надо избавиться от шести миллионов тонн мусора. В какие регионы его будут свозить и кто этим займется », Meduza,
  10. (en) Ivan Golounov (trad. Maya Chhabra), « The penthouse family », Meduza,
  11. (en) « Russian Journalist Golunov Receives Anna Politkovskaya Award For Courage », Radio Free Europe,
  12. (ru) Ivan Golounov, « Гроб, кладбище, сотни миллиардов рублей Как чиновники, силовики и бандиты делят похоронный рынок — и при чем тут Тесак. Расследование Ивана Голунова », Meduza, (résumé en anglais : (en) Ivan Golounov, « An organization scheming to take over Russia's funeral industry has ties to officialdom and neo-Nazis », Meduza,
  13. Lucien Jacques, « Arrestation d'Ivan Golounov : l’enquête qui a mis le feu aux poudres », Libération, (lire en ligne)
  14. « Ivan Golounov, un journaliste d’investigation russe arrêté à Moscou pour détention de drogue », Le Monde, (lire en ligne)
  15. « Un célèbre journaliste d’investigation arrêté en Russie : “le comportement suspect de la police suggère un coup monté” », Reporters sans frontières,
  16. « Le journaliste russe Ivan Golounov assigné à résidence pour tentative de trafic de drogue », Le Monde, (lire en ligne)
  17. Un journaliste russe accusé de trafic de drogue assigné à résidence, La Liberté, 8 juin 2019
  18. « Russie: le journaliste Ivan Golounov assigné à résidence », Radio France internationale,
  19. Wladimir Garcin-Berson, « Russie: trois journaux affichent leur soutien à un journaliste accusé de trafic de drogue », Le Figaro, (lire en ligne)
  20. Marc Nexon, « Pourquoi Moscou a libéré le journaliste d'investigation Ivan Golounov », sur Le Point, (consulté le ).
  21. (en-GB) Marc Bennetts, « Ivan Golunov: Russian police drop charges against journalist », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  22. « Face à la mobilisation de la société civile, la Russie abandonne les poursuites contre le journaliste Ivan Golounov », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  23. « La police russe arrête 400 personnes, dont de nombreux journalistes, à Moscou », sur lefigaro.fr,
  24. « En Russie, une centaine de personnes arrêtées lors d’une marche en soutien au journaliste Ivan Golounov », Le Monde, (lire en ligne)
  25. « Moscou : plus de 400 personnes arrêtées après avoir manifesté en soutien au journaliste Ivan Golounov », sur francetvinfo.fr,
  26. Caroline Protat, « Vague d’arrestations lors de la manifestation pour Ivan Golounov », Libération, 12 juin 2019, en ligne
  27. Reuters, « Nouvelle manifestation à Moscou après l'affaire Golounov », Zone Bourse, 16 juin 2019, en ligne.
  28. https://www.ouest-france.fr/europe/russie/vladimir-poutine/russie-une-nouvelle-manifestation-de-soutien-au-journaliste-ivan-golounov-moscou-6400330

Liens externes

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