Jean Buvat
Jean Buvat, né le à Champs-sur-Marne et mort le à Paris, est un bibliothécaire à la Bibliothèque du Roi de 1697 à 1729. Il est l’auteur du Journal de la Régence et de Mémoires[1],[2].
Bibliothécaire Bibliothèque nationale de France | |
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(à 68 ans) Paris |
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Biographie
Quand l'archiviste et historien Émile Campardon s'intéresse au Journal de la Régence (qu'il édite en 1865), ses recherches l'amènent à trouver, à l'Administration de la Bibliothèque, des cartons contenant des papiers personnels de Jean Buvat, et notamment des Mémoires à ce jour inédites. Dans sa préface à l'édition du Journal, l'éditeur propose une biographie de Jean Buvat, tirée de ces Mémoires[3]. Tout ce qui suit dans cet article vient de cette préface, et donc du portrait que Jean Buvat nous a proposé de lui-même. Nous n'avons pas d'autres sources sur sa vie. Sa narration doit donc être lue avec circonspection.
Premier emploi à la Bibliothèque du Roi
Buvat fait ses études au collège des jésuites de sa ville natale puis entreprend un premier voyage en Italie. À son retour en 1685, il se rend directement à Paris, où il entre en relations avec Melchisédech Thévenot, connu par ses voyages et à qui ses travaux avaient valu une place de garde à la Bibliothèque du Roi. Buvat, qui a une magnifique écriture, devient le copiste de Thévenot. Il est bientôt chargé, non seulement de transcrire, mais de déchiffrer les chartes. Dans ses Mémoires, Buvat, face à la difficulté de traduire, livre les regrets de n’être pas resté tout simplement copiste, mais « à force de ruminer et après avoir deviné quelques mots, je vins facilement à bout du reste, au grand étonnement de M. Thévenot lui-même et de plusieurs savants qui m’environnaient à cause de ma jeunesse, d’autant plus qu’un tel déchiffrement requérait à la vérité un age plus avancé et plus d’expérience ».Thévenot s’empresse de mettre à profit les nouveaux talents de son copiste mais, lorsque celui-ci, demande à être payé, il n’obtient que des réponses dilatoires, et son seul salaire reste des compliments[4].
Maître d'écriture et de grammaire
Buvat fait un deuxième voyage en Italie pour se distraire. Il visite Notre-Dame de Lorette et Rome pour la seconde fois puis, après une absence de quelques mois, il revient à Paris. Ses talents calligraphiques le portent à acheter un privilège pour enseigner la grammaire et l’écriture. "Personne du reste n’était plus à même que lui de faire de bons élèves, car il possédait une orthographe d’une pureté bien rare à cette époque, et qu’on ne rencontre guère même dans les manuscrits des auteurs les plus célèbres". Il se marie et il a un fils[5].
Deuxième emploi à la Bibliothèque du Roi
Vers 1691, Thévenot quitta la Bibliothèque du Roi et fut remplacé par Clément de Toul, le célèbre auteur de la cotation Clément. Celui-ci lui fit vendre son privilège de maitre d’écriture, et le fit recevoir, en , écrivain à la Bibliothèque du Roi avec six cents livres d’appointements et l’espérance d’une indemnité de logement. Le bibliothécaire du Roi était alors Camille le Tellier, abbé de Louvois, qui avait été nommé à cette fonction en 1684, bien qu’il ne fût âgé que de… neuf ans. De 1697 à 1707, son travail consista à transcrire sur des registres les fiches des catalogues dressés par Clément. Plus tard, il chiffra les volumes imprimés après qu’ils avaient été passés en revue. En 1707, il fit une maladie assez grave pour avoir été, par les chaleurs, trois semaines de suite à l’hôtel de M. de Louvois, archevêque de Reims, numéroter sa bibliothèque.
Au mois de , Clément, s’intéressant à son sort, essaya de faire augmenter son traitement, mais n’y réussit pas, et Buvat se vit obligé pour faire vivre sa famille de vendre son argenterie, dont il retira cinq cents livres. Un an après, il eut une violente attaque de rhumatisme. « Je ne pouvais, écrit-il, porter la main droite sur ma tête, ni ôter ni mon bonnet de nuit, ni mon chapeau, ni ma perruque, ni mettre ma cravate, ni tourner la tête à droite ou à gauche ; mais au bout de quatre jours je m’en trouvai quitte, Dieu merci, par une sueur abondante qui me survint la nuit naturellement[6] ». Cependant les promesses de Clément ne se réalisaient pas. Le , l’abbé de Louvois faisait espérer à Buvat une augmentation et un logement au Louvre quand la Bibliothèque y serait transportée. Le , il recommença ses sollicitations, et cette fois on lui répondit qu’à la paix, la France étant alors en guerre avec l’Empire, il aurait une gratification. La paix se fit, mais la gratification n’arriva pas.
La conspiration de Cellamare
Buvat dut essayer de remédier à l’insuffisance de ses appointements par des travaux extraordinaires. Il mit sa plume au service des particuliers qui désiraient faire faire des copies, et ce fut ainsi qu’il entra en relations avec l’abbé Brigaut, l’un des familiers de la duchesse du Maine, et l’un des fauteurs les plus zélés de la conspiration de Cellamare. Cet abbé avait besoin d’un copiste pour transcrire les manifestes, instructions ou mémoires que les conjurés envoyaient en Espagne. Connaissant le talent calligraphique de Buvat, il crut qu’il serait discret et chargea du travail l’écrivain qui se rendit chaque jour rue Neuve-des-Petits-Champs, à l’hôtel où logeait le prince de Cellamare, et là il transcrivait pendant un certain nombre d’heures les pièces qu’on lui remettait. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre de quoi il s’agissait. Tremblant de se voir immiscé dans un complot contre l’État, Buvat se hâta d’aller confier sa position à M. de la Houssaye, secrétaire de l’abbé Dubois, qui s’empressa de répéter la conversation à son maitre. Le copiste fut mandé au Palais-Royal, où Buvat raconta de nouveau tout ce qu’il avait déjà dit au secrétaire. Dubois congédia le copiste en lui ordonnant de continuer ses transcriptions à l’hôtel de Cellamare, et de venir chaque jour lui rendre compte de tout ce qu’il aurait vu ou entendu. « Enfin, un jour, raconte Buvat lui-même, sur les onze heures du soir, il était au lit ; je l’avertis du départ de l’abbé Porto-Carrero, du fils du marquis de Monteleone et d’un banquier anglais qui passait pour Espagnol sous le nom de don Valero, ce qui donna lieu à M. l’abbé Dubois de dépêcher un courrier qui les joignit à Poitiers, où l’abbé Porto-Carrero se trouva saisi dans sa chemise du paquet pour le cardinal Albéroni, ce qui acheva de convaincre de l’intrigue qui se tramait contre l’État, contre la personne de monseigneur le Régent, et qui tendait à mettre tout le royaume en combustion[6]. »
La conspiration de Cellamare ayant échoué à cause de ses révélations, Buvat se crut autorisé à penser que le Régent et Dubois lui devaient leur salut et que le service qu’il venait de rendre à l’État lui serait profitable, mais là encore, il n’eut que des promesses. Il eut beau aller voir Dubois, lui écrire à Paris, au Palais-Royal, au retour du sacre du roi Louis XV et à Versailles, il « ne put rien obtenir du ministre, qui lui parut toujours muet, sourd, aveugle et insensible[6]. » Il ne demandait pourtant qu’une indemnité de ce qu’il avait dépensé en loyers depuis 1697, époque où il était entré à la Bibliothèque du Boi avec promesse de l’abbé de Louvois d’une indemnité de logement. Dubois mourut. Buvat s’adressa au Régent. Le Régent mourut, et ce ne fut que le , par l’intermédiaire de l’abbé Bignon, bibliothécaire du Roi, et du comte de Morville, alors ministre des affaires étrangères, qu’il obtint une pension de trois cents livres.
Entretemps, l’abbé de Louvois, mort le , avait été remplacé comme bibliothécaire du Roi par l’abbé Bignon. Buvat put espérer que ses sollicitations seraient mieux accueillies par le nouveau bibliothécaire qu’elles ne l’avaient été par l’ancien, mais les années 1719, 1720 et 1721, se passèrent encore sans que la gratification promise en 1697 par l’abbé de Louvois lui soit accordée. Il devenait vieux et sa santé s’affaiblissait de jour en jour : le , après un travail à la Banque, dans une chambre sans feu et « dont les vitres étaient fracassées[6] », il dut se mettre au lit avec la fièvre et un gros rhume, restant dix jours au lit et complètement rétabli qu’au bout de quatre mois. À partir de ce moment, Buvat ne cessa plus de se plaindre, gémissant à propos de tout, mécontent du froid, de la chaleur, de la modicité de ses appointements, mais surtout de l’abbé de Targny. À Clément, mort le de chagrin d’avoir introduit à la Bibliothèque un prêtre nommé Aymont qui y avait soustrait divers manuscrits, avait succédé en 1714 l’abbé de Targny, était entré à la Bibliothèque du Roi comme commis en second vers 1691. Buvat ne rencontra pas partout le même mauvais vouloir : le bibliothécaire du Roi, l’abbé Bignon, fut pour lui un véritable protecteur, et sa bienveillance consola souvent l’écrivain de ses relations difficiles avec l’abbé de Targny.
Les plaintes de Buvat
Tout au long de ses Mémoires, Jean Buvat ne cesse de se plaindre : il ne reçoit ni augmentation, ni logement de fonction et, surtout, il fait glacial dans la Bibliothèque.
De 1712 à 1718, il n’en fut pas ainsi : Buvat fut transféré par le sous-garde Boivin dans une salle du second corps de logis, qui était une véritable glacière. On portait chaque matin au malheureux travailleur un poêle de fer avec du charbon allumé, mais la pièce était si grande et si difficile à chauffer, que « les plafonds et les solives étaient incrustés de glaçons en forme de culs-de-lampe, comme si la nature se fût jouée pour imiter l’art[6] ». Malgré ses plaintes, ni Boivin ni l’abbé de Targny ne consentirent à l’en retirer.
À la mort de l’abbé de Louvois, en 1718, la Bibliothèque fut divisée en quatre départements : 1° les manuscrits; 2° les imprimés; 3° les généalogies; et 4° les estampes et les planches gravées. Boivin et l’abbé de Targny, nommés, le premier garde des manuscrits et le second des imprimés, reçurent chacun une indemnité de deux cents livres pour le chauffage de leur écrivain. Buvat travaillait alors avec M. de Targny et devait par conséquent être chauffé par lui. Jusqu’à la mort de Boivin, qui eut lieu en 1725, il en fut ainsi. À cette époque, l’abbé de Targny devint garde des manuscrits et fut remplacé au département des imprimés par l’abbé Sallier ; il conserva néanmoins son écrivain ; mais à partir de ce moment, il jugea bon, sans doute par économie, de supprimer le chauffage, mesure qui suscita de justes plaintes de la part de Buvat. « Le 16 avril, après diner, dit-il, me plaignant à M. de Targny que j’avais grand froid, le temps s’étant de beaucoup refroidi, ce qui ne faisait qu’aigrir mon rhume qui me fatiguait depuis plus de cinq mois jour et nuit, il me répliqua brusquement : « Fait-il froid ? Pouvez-vous dire qu’il fait froid ? Pouvez-vous être plus chaudement que sur du parquet ? Comme si le feu avait pu sortir de ce parquet de la salle où je travaillais avec le sieur Perrin, qui fut témoin de cette repartie[6]. »
En 1697, l’abbé de Louvois promet à Buvat de lui octroyer une augmentation; il meurt sans avoir réalisé sa promesse. L’abbé Bignon obtient pour lui, le , une gratification de quatre cents livres. Le , il reçoit enfin la clef d'un logement de fonction, mais pour y arriver, il doit emprunter un escalier de cent quarante marches.
au commencement de l’année 1729, se trouvant encore, après trente-deux ans de services, à six cents livres d’appointements comme au premier jour de son entrée, il fut en danger de mort pendant près de deux mois, il reçut même le viatique et l’extrême-onction. Il s’applique alors ces quatre vers :
Des muses, des grands et du sort, C’est ici que j’attends la mort
Sans la désirer ni la craindre[6].Rétabli au mois de mars, il reprit ses travaux à la Bibliothèque, mais pour bien peu de temps, car ses Mémoires s’arrêtent vers la fin d’avril, après cette mention : « Le 19, M. Prévôt m’a prêté un écu de six livres. » Mort, le , le service funèbre se fit à l’église de Saint-Eustache, et son corps fut inhumé dans le cimetière de Saint-Joseph.
Le Journal de la Régence
Dans ses Mémoires, c’est en 1726 seulement que Buvat parle pour la première fois de son Journal de la Régence.
« C’est, dit-il, un mélange de faits historiques rapportés avec exactitude à mesure qu’ils sont arrivés, dont la lecture ne peut que désennuyer, les rappeler aux contemporains et augmenter la curiosité de ceux qui leur succéderont. On se flatte qu’il ne manquera pas de procurer un prompt débit et un profit considérable à celui qui voudra en entreprendre l’impression, moyennant une somme de quatre mille livres que le collecteur demande, payable à Paris par les mains d’un banquier français, et quitte de tout change. On pourrait y faire des réflexions politiques sur les principaux événements, ce dont le collecteur a cru devoir se dispenser, et ajouter ce qu’on verrait y manquer, pour rendre cet ouvrage plus accompli : ce qui ne serait pas difficile à une personne instruite des affaires du temps et en pays de liberté[6]. »
Depuis onze ans, il employait tous les loisirs que lui laissaient ses travaux à la Bibliothèque à la rédaction de cet ouvrage, qui fut enfin terminé au mois de janvier de cette même année et remis entre les mains de l’abbé Bignon ; il espérait avoir ainsi une gratification de la cour. Avant de faire cette démarche auprès du bibliothécaire du Roi, il avait bien essayé, sans succès, de vendre son manuscrit à un libraire. Comme ces tentatives n’eurent aucun résultat, Buvat s’adressa à l’abbé Bignon et lui remit son manuscrit, espérait que celui-ci présenterait le Journal de la Régence au cardinal Fleury, alors premier ministre, et que par ce moyen il obtiendrait une gratification, mais son espoir fut encore trompé, car, le , l’abbé Bignon, revenant de Versailles, lui dit qu’il fallait attendre un moment plus favorable pour offrir l’ouvrage au cardinal, parce que ce ministre s’était mis sur « le pied de l’épargne, de telle sorte que si on lui demandait seulement cinquante francs, il ne les accorderait pas[6] ». Malgré cette réponse, Buvat ne se tint pas pour battu, et il adressa bravement une supplique à Fleury qui se borna à faire répondre qu’il approuvait le Journal de la Régence, mais il n’eut aucune récompense.
Personnage littéraire
Dans Le Chevalier d’Harmental, Alexandre Dumas dresse de Jean Buvat un portrait romanesque (éd. Claude Schopp, Paris, éd. Phébus, p. 169-192). Il lui consacre ainsi tout un long chapitre (chapitre XVI). Ce personnage lui est bien sympathique, car il lui rappelle ce qu’il fut au début de sa carrière.
Notes et références
- Le journal de la régence sur gallica.bnf.fr
- Jean Buvat sur larousse.fr
- Émile Campardon, Préface au Journal de la régence (1715-1723), t. 1, Paris, , 1087 p., p. 27.
- Émile Campardon, Préface au Journal de la régence (1715-1723), t. 1, Paris, 1865, 1087, p.4-5.
- Émile Campardon,, Préface au Journal de la régence (1715-1723), t. 1, Paris, 1865, 1087, p.5.
Sources
- Jean Buvat (préf. Émile Campardon), Journal de la régence (1715-1723), t. 1, Paris, , 1087 p. (lire en ligne), p. 1-29.
Liens externes
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