John Le Marchant
John Gaspard Le Marchant fut un officier général britannique, né le à Amiens et mort le à la bataille des Arapiles, en Espagne. Considéré comme l'un des meilleurs officiers de cavalerie britanniques de sa génération, ses travaux en tant que théoricien militaire eurent une grande influence sur les méthodes d'organisation de l'armée anglaise. Il fut également à l'origine de la création de la première académie militaire de Grande-Bretagne — l'actuelle académie royale de Sandhurst. Il participa activement aux guerres de la Révolution française ainsi qu'à la guerre de la péninsule Ibérique, où il fut tué en menant une charge de sa cavalerie.
John Gaspard Le Marchant | ||
Le major-général John Le Marchant peint vers 1800 par Henry James Haley. | ||
Naissance | 9 février 1766 Amiens, France |
|
---|---|---|
Décès | 22 juillet 1812 (à 46 ans) Salamanque, Espagne Mort au combat |
|
Origine | Anglais | |
Allégeance | Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande | |
Arme | Cavalerie | |
Grade | Major-général | |
Années de service | 1783 – 1812 | |
Conflits | Guerres de la Révolution française Guerres napoléoniennes |
|
Faits d'armes | Villagarcia Les Arapiles |
|
Biographie
La jeunesse de John Le Marchant et les débuts d'une carrière
John Le Marchant était le fils d'un officier de dragons, John Le Marchant, issu d'une vieille famille de Guernesey. Sa mère, Marie, était la fille du comte Hirzel de Saint-Gratien et une descendante du célèbre chef protestant Gaspard de Coligny, d'où l'origine du deuxième prénom de Le Marchant[1]. Ce dernier naquit en 1766 à Amiens, dans la demeure de son grand-père[2]. Après un passage à l'école du docteur Morgan à Bath, où il se fit remarquer comme « l'un des deux plus grands crétins qui soient jamais passés par là » — l'autre étant le futur amiral Sidney Smith —, Le Marchant se disciplina et s'enrôla dans un régiment de la milice du Wiltshire[1].
En 1783, il fut transféré à l'armée régulière et obtint le grade d'enseigne au 1er régiment d'infanterie Royal Écossais. Il servit un temps en Irlande et à Gibraltar, puis passa dans la cavalerie au sein du 6e régiment de dragons « Inniskilling ». À l'automne 1789, le jeune Le Marchant fut promu lieutenant au 2e régiment des Dragoon Guards, surnommé les « Queen's Bays ». Deux ans plus tard, en 1791, il devint capitaine et obtint le commandement d'une compagnie[3].
Premières campagnes et publication d'un manuel d'escrime
Le Marchant servit ensuite en tant que brigade major (chef d'état-major de brigade) pendant la campagne de Flandres de 1793-1795, désastreuse pour la Grande-Bretagne et les puissances alliées unies contre la France. En l'absence de son supérieur, il commanda brièvement son régiment en sa qualité d'officier le plus ancien[4]. Son expérience du terrain le sensibilisa à la mauvaise qualité du matériel et de l'entraînement de la cavalerie britannique. À l'inverse, il fut impressionné par la bonne tenue de la cavalerie autrichienne, qui opérait alors aux côtés des Anglais, et fut particulièrement frappé par la remarque désobligeante d'un officier autrichien qui considérait l'escrime britannique comme « divertissante » mais qui, selon lui, s'apparentait plus à « quelqu'un en train de couper du bois »[5].
De retour en Grande-Bretagne, il s'attela à améliorer l'équipement et les techniques de combat de l'arme dans laquelle il servait. De 1795 à 1796, en collaboration avec le fabricant d'armes de Birmingham Henry Osborn, il conçut un nouveau sabre de cavalerie qui fut adopté par les dragons légers et les hussards britanniques[6]. En outre, il rédigea un traité d'instruction pour le combat à cheval (The Rules and Regulations of the Sword Exercise of the Cavalry) qui fut intégré en 1796 au règlement officiel des forces armées. La pratique de l'escrime se diffusa rapidement dans toutes les classes de la société ; le roi George III s'y familiarisa et les chemins de campagne abondèrent bientôt de petits garçons se frappant avec des bâtons[7].
Le Marchant, lui-même excellent cavalier et fin bretteur, voyagea dans tout le pays pour transmettre aux instructeurs britanniques ses méthodes de combat. N'ayant pu se rendre en Irlande comme il le souhaitait, ce fut son beau-frère, le lieutenant Peter Carey du 16e dragons légers, qui assura les leçons d'escrime à sa place[8]. En 1797, sur intervention du roi, Le Marchant fut élevé au grade de lieutenant-colonel. L'influence de sa famille et les moyens financiers dont il disposait n'étaient pas suffisants pour lui permettre d'obtenir un avancement rapide et l'amitié qu'il entretenait avec George III fut décisive pour sa carrière[7],[note 1].
Avec son nouveau grade, il passa commandant en second du 7e régiment de dragons légers, où son supérieur n'était autre que le colonel Henry William Paget, futur comte d'Uxbridge, qui devait commander en chef la cavalerie anglo-alliée à la bataille de Waterloo. Les deux hommes eurent de bons rapports mais la personnalité de Paget, cavalier élégant et fortuné, contrastait fortement avec celle de Le Marchant qui eut du mal à s'habituer à sa compagnie. Il obtint en définitive d'être affecté à son ancien régiment, le 2d Dragoon Guards, dont il devint le colonel en titre[9].
Fondateur de la première école militaire britannique
Dans les années 1800, il n'existait pas encore d'institution vouée à la formation des officiers en Grande-Bretagne, à l'exception de l'école d'instruction pour les officiers d'artillerie à Woolwich. En 1801, le projet de Le Marchant de transformer les établissements de High Wycombe et de Great Marlowe en écoles militaires fut approuvé par le Parlement. Un crédit de 30 000 £ fut également voté pour la réalisation des travaux, ce qui ne fut pas sans susciter de nombreuses protestations. Les deux écoles d'origine furent par la suite fusionnées et transférées au Royal Military College de Sandhurst construit à cet effet. Les écoles militaires devaient tout à la fois contribuer à l'instruction des officiers d'active servant au sein du personnel d'état-major et former les jeunes hommes se destinant au grade d'officier[10].
Le Marchant devint le premier lieutenant-gouverneur de l'école et conserva ce poste neuf années durant. Durant cette période, il supervisa l'entraînement de nombreux officiers qui combattirent plus tard avec distinction sous les ordres de Wellington dans la péninsule Ibérique. De plus, certains officiers cumulant déjà de nombreuses années de service, tel que le futur général Robert Ballard Long, assistèrent aux cours afin d'approfondir leurs connaissances militaires. Cette école fut l'ancêtre de l'actuelle académie royale militaire de Sandhurst, créée en 1947. En 1804, Le Marchant fut remercié par le roi George III en personne : « le pays, lui dit-il, vous est grandement redevable »[10],[trad 1].
Dans la péninsule Ibérique : de Villagarcia aux Arapiles
Promu au grade de major-général en 1811, Le Marchant reçut le commandement d'une brigade de cavalerie lourde dans la péninsule Ibérique. Sur place, il se distingua dans plusieurs combats. Au cours de la bataille de Villagarcia, le , les dragons légers du général Stapleton Cotton se retrouvèrent en difficulté face à la cavalerie française du général Lallemand. La brigade Ponsonby cédait progressivement du terrain mais Le Marchant, qui avait sous ses ordres le 5th Dragoon Guards, lança une charge de flanc parfaitement synchronisée qui balaya la cavalerie française en quelques minutes. Le Marchant fit preuve à cette occasion d'un remarquable sens tactique et put constater de ses propres yeux l'efficacité de son sabre aux mains des cavaliers britanniques[11].
Son heure de gloire intervint trois mois plus tard lors de la bataille des Arapiles, le . Tandis que ses troupes se déployaient face à l'aile gauche de l'armée du maréchal Marmont, Wellington ordonna à Le Marchant de bousculer l'infanterie française à la première occasion. La dernière instruction qui parvint à ce dernier fut : « vous devrez alors charger à fond ». Dans le sillage de la 5e division d'infanterie, Le Marchant enleva les 3e et 4e régiments de dragons ainsi que le 5th Dragoon Guards dans ce qui fut probablement la charge la plus destructrice faite par une brigade de cavalerie durant les guerres napoléoniennes. La gauche du dispositif de Marmont était en train de craquer sous la pression des 3e et 5e divisions alliées quand les dragons de Le Marchant firent leur apparition. Les bataillons français furent enfoncés les uns après les autres et de nombreux fantassins impériaux se rendirent d'eux-mêmes à l'infanterie britannique pour échapper aux sabres des dragons. Dans la mêlée, Le Marchant « toujours au plus fort du combat » tua de sa main plusieurs adversaires. Conscient d'avoir remporté un immense succès, il se disposait à charger un groupe de soldats français à la tête d'un escadron lorsqu'une balle lui sectionna la colonne vertébrale, le tuant sur le coup[12].
Après la bataille, Wellington écrivit dans son rapport : « la cavalerie sous les ordres du lieutenant-général Sir Stapleton Cotton a chargé avec beaucoup de bravoure et de succès un corps d'infanterie ennemie, qu'elle a culbutée et taillée en pièces. Dans cette charge, le major-général Le Marchant a été tué à la tête de sa brigade, et je dois déplorer ici la perte d'un officier des plus capables »[13],[trad 2].
Héritage
Le Marchant fut à l'origine de progrès considérables dans l'organisation et la mise en œuvre opérationnelle de l'armée britannique. Ses méthodes de maniement du sabre et les exercices qui en découlaient augmentèrent de façon notoire les performances de la cavalerie britannique sur le champ de bataille. L'école militaire fondée à son initiative forma des officiers d'état-major particulièrement compétents, communément appelés les « Wycombites ». Beaucoup d'entre eux remplirent par la suite d'importantes fonctions pendant la guerre de la péninsule Ibérique et pendant la campagne de Belgique en 1815. Il défendit également l'idée que les officiers devaient être officiellement instruits à leur tâche plutôt que d'apprendre « sur le tas » les rudiments de leur profession.
Le Marchant était apprécié et admiré par nombre de ses camarades, soldats comme officiers. Le duc Frederick d'York, le commandant en chef de l'armée britannique, dit avoir pleuré en apprenant la mort du général[14],[note 2].
Le Marchant fut également l'auteur de plusieurs traités sur les tactiques de cavalerie et d'autres sujets militaires. La plupart, intégrés aux réglementations de l'armée, ne lui furent pas spécifiquement attribués et furent ainsi publiés de manière semi-anonyme ; ce fut le cas par exemple des Rules and Regulations of the Sword Exercise (« Règles et règlements de l'exercice au sabre ») et de The Duties of Officers on the Outpost (« Le service des officiers aux avant-postes »)[15]. Son traité An Outline of the General Staff of the Army (« Aperçu de l'état-major général de l'armée ») fut présenté au duc d'York en 1802. Si toutes ses recommandations ne furent pas entièrement prises en compte, certaines propositions furent cependant adoptées, telle que la création d'un « corps d'état-major » qui joua plus tard un rôle-clé dans le fonctionnement opérationnel de l'armée britannique dans la péninsule[16].
Le Marchant fut enterré sur le champ de bataille des Arapiles. Un monument à sa mémoire est érigé dans la cathédrale Saint-Paul de Londres[14].
Famille
Le , il épousa Mary Carey, fille de John Carey de Guernesey[17]. Tous les témoignages indiquent que Le Marchant était un mari aimant et un père dévoué. Sa femme mourut en couches en 1811, après lui avoir donné quatre garçons et six filles. Trois de ses fils embrassèrent la carrière militaire : l'aîné, Carey, se distingua à de nombreuses reprises pendant la guerre d'Espagne. Mortellement blessé lors de la bataille de la Nive, il mourut le à Saint-Jean-de-Luz. Le second, John Gaspard, servit dans les colonies et accéda au grade de brigadier-général ; quant au troisième, Thomas, il devint capitaine dans le 7th Dragoon Guards. À la mort de leur père, les enfants se virent octroyer une pension annuelle de 1 200 £ par le gouvernement et les plus jeunes d'entre eux furent confiés aux soins d'une tante[18].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « John Le Marchant (British Army officer, born 1766) » (voir la liste des auteurs).
Citations originales
- (en) « The country is greatly indebted to you »
- (en) « The cavalry under Lieutenant-General Sir Stapleton Cotton made a most gallant and successful charge against a body of the enemy's infantry, which they overthrew and cut to pieces. In this charge Major-General Le Marchant was killed at the head of his brigade, and I have to lament the loss of a most able officer. »
Notes
- À cette occasion, le roi George III aurait dit à Le Marchant : « je suppose que nombreuses seront les personnes à s'attribuer le mérite de votre promotion ; mais j'aimerais vous dire que, si mérite il doit y avoir, tout cela repose entièrement entre vous et moi ; personne d'autre n'est concerné » (Le Marchant 1841, p. 48 et 49).
- Le Marchant 1841, p. 307 indique qu'York dût ressentir un sentiment de culpabilité à l'annonce de la mort de Le Marchant. Le duc, jugeant inconvenant que la place de lieutenant-gouverneur de l'école soit occupée par un major-général, avait en effet personnellement insisté pour que Le Marchant fût nommé au commandement d'une brigade de cavalerie.
Références
- Thoumine 1968, p. 3.
- Sweetman 2004.
- (en) The London Gazette, no 13372, p. 705, 20 décembre 1791. Consulté le 9 mai 2008.
- Thoumine 1968, p. 11 à 38.
- Thoumine 1968, p. 41.
- Le Marchant 1841, p. 50 et 51.
- Le Marchant 1841, p. 48 et 49.
- Le Marchant 1841, p. 54.
- Thoumine 1968, p. 39 à 60.
- Thoumine 1968, p. 69 à 71.
- Fletcher 1999, p. 159 à 164.
- Fletcher 1999, p. 185 à 188.
- Cole 1870, p. 289.
- Le Marchant 1841, p. 307.
- Thoumine 1968, p. 54 et 55.
- Le Marchant 1841, p. 123 à 125.
- Le Marchant 1841, p. 13.
- Le Marchant 1841, p. 307 ; 313 à 315.
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) R. H. Thoumine, Scientific Soldier, A Life of General Le Marchant, 1766-1812, Oxford University Press, .
- (en) Ian Fletcher, Galloping at Everything : The British Cavalry in the Peninsula and at Waterloo 1808-15, Staplehurst, Spellmount, (ISBN 1-86227-016-3).
- (en) John Sweetman, « Le Marchant, John Gaspard (1766–1812) », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, (DOI 10.1093/ref:odnb/16423).
- (en) J. W. Cole, Memoirs of British Generals Distinguished During the Peninsular War, vol. 2, Londres, R. Bentley, (lire en ligne).
- (en) D. Le Marchant, Memoirs of the Late Major General Le Marchant, Londres, Printed by Samuel Bentley, (lire en ligne).
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Portail de l’histoire militaire
- Portail du Royaume-Uni