John McHale (artiste)

John McHale (1922, Glasgow - 1978, Houston, Texas) est un artiste, théoricien, sociologue et chercheur en études prospectives écossais qui a travaillé à Londres dans les années 1950 puis aux États-Unis dans les années 1960 et 1970. Il avait pour compagne et collaboratrice l’artiste hongroise Magda Cordell McHale (en).

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John McHale
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(à 56 ans)
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Il a fait partie, dans les années 1950, de l’Independent Group[1] et a été, à ce titre, l’un des initiateurs du Pop Art en Angleterre. Après son départ pour les États-Unis en 1962, il s’est consacré à la sociologie et à la recherche en prospective. Il a par ailleurs été collaborateur de l’architecte, ingénieur et inventeur américain Richard Buckminster Fuller sur des projets de planification écologique.

Ses principaux thèmes de recherche, comme artiste et comme chercheur, sont la culture populaire, les médias de masse, l'impact des avancées techno-scientifiques sur les sociétés humaines, l'évolution de l'espèce humaine et l’écologie.

L’Independent Group

John McHale participe aux discussions de l’Independent Group (IG) au sein de l'Institut d'Art Contemporain de Londres à partir de 1952 et en devient le co-organisateur, avec son acolyte le critique d’art Lawrence Alloway, en 1955. Ensemble, ils orientent ces discussions en direction des médias de masse et de la culture populaire, forgeant l’expression de « pop art » en 1954. John McHale travaille alors principalement à des collages à partir de matériaux prélevés dans des magazines de diffusion de masse états-uniens : il y trouve une iconographie d’opulence propre à la société de consommation des années 1950, qu’il considère selon une approche socio-anthropologique[2].

Il part pour la première fois aux États-Unis en 1955-1956 pour passer l’année universitaire à l’Université Yale, où il suit l’enseignement de l’ancien maître du Bauhaus Josef Albers. Il revient à Londres les bras chargés de nouvelles images états-uniennes qui viennent nourrir l’imaginaire des artistes anglais de son cercle (Eduardo Paolozzi, Richard Hamilton) et qui servent de matériel pour l’exposition This is Tomorrow (1956), considérée comme l’acte de naissance du Pop Art. McHale théorise ses réflexions de la période dans ses articles « L’Icône Jetable »[3] ou « Le Parthénon en Plastique »[4]. Au sein de l'ndependent Group, il est également très proche du critique et théoricien de l’architecture Reyner Banham ainsi que du musicien et compositeur Frank Cordell. À la fin des années 1950, le groupe se dissout progressivement et McHale se consacre à l’étude et à la diffusion du travail de Richard Buckminster Fuller.

Richard Buckminster Fuller

En 1962, McHale publie une biographie de Richard Buckminster Fuller et part s’installer aux États-Unis pour travailler avec lui à la Southern Illinois University (Carbondale, Illinois). Ensemble, ils développent le World Design Science Decade (ou World Game[5]), l’un des premiers projets de planification écologique à échelle globale. Il consiste en un travail collectif d'inventaire, de visualisation et de répartition des ressources de la planète. Le projet vise une meilleure gestion et distribution de ces ressources en regard des inégalités et de la forte croissance de population qui s’apprête à doubler dans le demi-siècle à venir. McHale et Buckminster Fuller ambitionnent également de redéfinir les standards de la société industrielle. McHale en tire notamment un ouvrage intitulé The Ecological Context (1970)[6].

Les études prospectives

Parallèlement à ce projet mené avec Buckminster Fuller, McHale effectue une thèse de sociologie intitulée « Le futur dans la pensée sociale », axée sur les théories de Saint-Simon, Comte, Mead et Parsons. Il soutient sa thèse en 1968 et publie un traité de prospective qui en est issu, The Future of the Future (1969)[7], qui remporte un franc succès. Il met alors en place son propre centre de recherche en prospective, le Center for Integrative Studies (CIS), qui se déplacera dans diverses universités aux États-Unis.

McHale publie de nombreux articles issus des recherches du CIS et les intègre également dans des ouvrages commeThe Changing Information Environment (1977)[8], portant sur le thème des technologies de l’information et de la communication et de la nouvelle économie de la connaissance qu'elles induisent à échelle globale.

Hybridation humain/technologie

Dans les années 1960 McHale développe, sous la formule « Man + »[9], un axe de recherche autour de l'augmentation et de l'extension des capacités humaines par la technologie. Il y livre une conception élargie de la prothèse qui, loin de se limiter à des extensions physiques, peut opérer sur les plans psychique et social[10]. Il défend un rôle émancipateur de la technologie, permettant d'amplifier les capacités organiques humaines afin de pallier son impossibilité naturelle de suivre le rythme du changement technologique exponentiel de son environnement à l'ère de l'information et de la communication. C'est, à ses yeux, une manière pour l'être humain de contourner le processus d'évolution de l'espèce afin d'améliorer la condition humaine, notamment sur le plan social. Cette réflexion le mènent à concevoir l'humain et son environnement de manière symbiotique : « Dans les relations individuelles comme dans les relations sociales nouées avec la cybernétique émerge, implicitement, une nouvelle croissance symbiotique avec l’écosystème de la planète[11] », écrit-il en 1967.

Postérité

John McHale meurt brutalement d’une crise cardiaque en 1978. Une exposition lui rendant hommage est organisée quelques années plus tard par Charlotta Kotik à l’Albright-Knox Art Gallery de Buffalo (New York). L’historien et théoricien de l’architecture Reyner Banham, proche collaborateur de McHale durant sa période londonienne, livre alors ce commentaire :

« Parmi les projets-concepts laissés inachevés à la mort scandaleusement prématurée de [John McHale (Sr)'s], se trouvait The Future of the Past [Le Futur du Passé], un titre tranchant et paradoxal s’agissant d’une étude sur ce qui devait advenir de l’histoire. Deux conférences commémoratives ont eu lieu pour se dépêtrer du sujet. Il s’y trouvait un indispensable mais néanmoins ahurissant mélange d’universitaires, d’artistes, de politiciens, de fonctionnaires, de poètes, de banquiers et une poignée de gens ordinaires dont l’intelligence et le talent s’étaient, en cours de route, liés à son travail et à sa vie. Ils y ont forgé de nouveaux termes et hissé haut les couleurs de leurs idées. Ils ont contesté les idées reçues, escaladé les frontières existantes entre les disciplines et retourné le monde sans dessus dessous, tout comme McHale l’avait fait quotidiennement, sauf qu’il en fallait huit ou dix pour faire ce dont il était capable de faire à lui seul. Et jamais ils ne sont arrivés à délivrer une conclusion avec cette sobriété pénétrante ou cette sorte de clairvoyance éblouissante qui venaient naturellement à cet universitaire-artiste – ce Père du Pop. [12]»

Partiellement oubliée par l’histoire de l’art au profit de figures comme Richard Hamilton, l’œuvre artistique de John McHale apparaît néanmoins dans les collections de la Tate (Londres), du Yale Center for British Art (New Haven), de la Scottish National Gallery of Modern Art (Édimbourg), de l’Albright-Knox Art Gallery (Buffalo) ainsi que dans différentes collections privées en Europe et aux États-Unis. McHale a travaillé à travers différents médiums artistiques allant du collage à l’assemblage en passant par la peinture, la sculpture, le dessin et la céramique. Il a également réalisé des films expérimentaux, de nombreuses productions commerciales et a abondamment écrit. Certains de ses textes ont été réunis dans une petite anthologie, The Expendable Reader (2011)[13]. Son travail en tant que chercheur en prospective a accédé à une postérité plus importante[14].

Son œuvre fait récemment l’objet d’un regain d’intérêt à la fois dans les champs de l’architecture[10], de la prospective et de l’histoire de l'art[15]. Une partie de ses archives est conservée à l'Université Yale[16].

Notes et références

  1. Anne Massey, Out of the Ivory Tower. The Independent Group and Popular Culture, Manchester, Manchester University Press, 2013.
  2. Catherine Spencer, « The Independent Group's “Anthropology of Ourselves” », Art History, vol. 35, no 2, avril 2012, p. 314-335.
  3. John McHale, « The Expendable Ikon », Architectural Design, vol. 29, février-mars, traduit en français par Juliette Bessette et Hervé Vanel, « L’Icône Jetable », Les Cahiers du Musée national d'art moderne, no 140, juillet 2017. https://www.academia.edu/34263382/_avec_Juliette_Bessette_John_McHale_L_icône_jetable_1959_in_Les_cahiers_du_musée_national_dart_moderne_n_140_Été_2017_p._59-67
  4. John McHale, « The Plastic Parthenon », Dot Zero, no 3, printemps 1967, traduit en français par Juliette Bessette et Hervé Vanel, « Le Parthénon en Plastique », Les Cahiers du Musée national d'art moderne, no 140, juillet 2017. https://www.academia.edu/34263436/_avec_Juliette_Bessette_John_McHale_Le_Parthénon_en_plastique_Les_cahiers_du_musée_national_dart_moderne_n_140_Été_2017_p._68-73
  5. Mark Wasiuta, Information Fall-Out: Buckminster Fuller's World Game, Zürich, Lars Müller Publishers, 2021
  6. John McHale, The Ecological Context, New York, George Braziller, 1970.
  7. John McHale, The Future of the Future, New York, George Braziller, 1969.
  8. John McHale, The Changing Information Environment, Boulder, Colorado Westview Press, 1977.
  9. Il publie plusieurs articles sur ce thème. Voir par exemple John McHale, « Man plus », hors-série « 2000 + », Architectural Design, no 37, février 1967, p. 85-88.
  10. Mark Wigley, « Recycling Recycling », dans Amerigo Marras (dir.), Eco-Tec. Architecture of the In-Between, New York, Princeton Architectural Press, 1999, p. 38-49.
  11. John McHale, « New Symbiosis », hors-série « 2000 + », Architectural Design, no 37, février 1967, p. 89.
  12. Reyner Banham dans The Expendable Ikon: Works by John McHale, cat. sous la dir. de Charlotta Kotik, Buffalo, 1984, p. 43.
  13. Alex Kitnick (éd.), John McHale, The Expendable Reader: Articles on Art, Architecture, Design, and Media (1951-79), New York, GSAPP Sourcebooks (Columbia University), 2011.
  14. Jenny Andersson, The Future of the World. Futurology, Futurists and the Struggle for the Post-Cold War Imagination, Oxford, Oxford University Press, 2018.
  15. Juliette Bessette, « John McHale, de l'art du collage à la pensée prospective » (2017). https://www.academia.edu/35130561/John_McHale_de_lart_du_collage_à_la_pensée_prospective
  16. John McHale Papers [Rare Books and Manuscripts], Yale Center for British Art, Yale University, New Haven, Connecticut.

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