John Neilson

John Neilson, né le 17 juillet 1776 et mort le 1er février 1848, est un homme politique du Bas-Canada. Originaire d'Écosse, il fait fortune dans le domaine de l'imprimerie et du crédit. Il est notamment l'imprimeur et l'éditeur de la Gazette de Québec. Mieux connu pour son œuvre politique, il est un député à l'avant plan dans les partis Canadien et Patriote. Modéré et fidèle à la Couronne britannique, il choisira le camp de l'Empire lors des Rébellions de 1837-1838. Défenseur de l'Acte Constitutionnel de 1791, il se sépare des Patriotes lorsque leurs revendications démocratiques commenceront à aller au-delà . Revenu en politique par la suite, il sera un ferme opposant à l'Acte d'Union de 1840.

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John Neilson
John Neilson (profil)
Fonction
Député de la Chambre d'assemblée du Bas-Canada
Biographie
Naissance
Décès
(à 71 ans)
Québec
Nationalité
Bas-Canada
Activité
Appartenance ethno-culturelle
ecossais
Autres informations
Propriétaire de
Gazette de Québec, Imprimerie Neilson
Parti politique
Parti Canadien- Parti Patriote- Groupe Canadien-français
John Neilson, vers 1840

Jeunesse et carrière dans l'imprimerie

Né en Écosse, dans le petit village de Dornal, John Neilson est le fils de William Neilson et d’Isabel Brown. On ne connait que peu de choses sur son enfance avant qu'il n'émigre à Québec, capitale du Bas-Canada, en 1791. Il entre comme apprenti à l'imprimerie William Brown, appartenant à son oncle maternel. Il en deviendra propriétaire à la mort de son frère Samuel Neilson[1]. Sous sa gouverne, l'imprimerie connait des affaires florissantes, devenant même la plus grande consommatrice de papier de toute la colonie. Son journal sert également sa carrière politique[2], même après qu'il l'ait vainement cédé à son fils pour éviter de perdre les juteux contrats gouvernementaux. À titre de libraire, il offre un vaste éventail d'auteur des lumières, démontrant que les Canadiens de l'époque étaient moins coupés du monde que ce que l'on a pu penser: Montesquieu, Diderot, Voltaire, Condorcet, Pufendorf, Helvétius, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Linné, Condillac, Adam Smith, Malthus, Ricardo, Blackstone, Burke, Bentham, Dodsley par exemple. Il devient également propriétaire terrien, achetant plusieurs terres et s'intéressant au développement de l'agriculture. En 1819, il devient même vice président de la Société d'agriculture de Québec avant d'en prendre la tête de 1826 à 1832 . Il s'engage dans la colonisation en installant de nombreuses familles arrivant d'Europe, majoritairement d'Écosse et d'Irlande, sur ses terres, principalement dans la région de Valcartier[3].

Dans le cadre de son entreprise d'impression, il fréquente tout le gratin intellectuel de la capitale, il a donc accès à tous les débats qui agitent le Bas-Canada en cette époque d'apprentissage du jeu parlementaire issu de l'Acte Constitutionnel. Sa pensée politique se formera autour d'une défense de l'Acte Constitutionnel, qu'il maintiendra toute sa vie. Il épouse en 1797, à Trois-Rivières, une femme issue de la bourgeoisie canadienne, Marie-Ursule Hubert, nièce de l'évêque de Québec, Monseigneur Hubert. Le mariage, célébré tant selon les rites presbytériens que catholiques donnera 10 enfants. Les filles seront éduquées selon le rite catholique et les garçons selon les préceptes presbytériens. Cette volonté d'intégrer les rangs de la société d'accueil se répercute jusque dans le contrat de mariage, qu'il fera dresser selon la coutume de Paris. Impliqué dans les œuvres presbytériennes de Québec, Neilson n'en financera pas moins sa paroisse catholique. Cette volonté de réduire les tensions entre nouveaux immigrants anglophones et les habitants canadiens le poussera bientôt à se lancer en politique.

La gazette de Québec, journal de John Neilson

Il est également un philanthrope très en vue dans le Bas Canada. Son implication se concentre sur le milieu de l'éducation où son métier a pu lui faire prendre conscience des problèmes existant alors au Bas-Canada. Il aide par exemple directement des enseignants comme Louis Labadie de Berthier-en-Haut, Louis Vincent de l'école huronne de la Jeune-Lorette et Antoine Coté de Montmagny. Il finance également la Quebec Free School de Thaddeus Osgood. Il défendra auprès des instances coloniales de Londres le droit pour les prêtres catholiques d'organiser un réseau d'école dans la colonie malgré la méfiance des autorités de Londres, très anti-papistes. Il devient membre en 1821 d'un comité visant à développer l'éducation dans les campagnes et continuera toute sa vie à défendre cette cause[3].

Vie Politique d'un Patriote modéré

Son engagement politique commence sous le signe d'un appui sans équivoque aux autorités britanniques. Il signe par exemple une déclaration de loyauté lors des émeutes de 1794 et refuse de critiquer dans son journal l'attitude du gouverneur Craig en 1810 qui multiplie les arrestations inconstitutionnelles et les fermetures de journaux au nom de la lutte contre la France de Napoléon. L'action de Craig met en marche une série d'évènement qui conduiront Canadiens et Anglais sur la voie de la confrontation[4].

Élu lors d'une élection partielle en 1818, il le restera jusqu'à sa défaite de 1834. Membre du Parti Canadien, qui se renommera Parti Patriote quelques années plus tard, il en est une importante caution morale. Anglophone, il contredit ainsi l'accusation des adversaires de son parti de n'être qu'au service des Canadiens-français. Il gagne rapidement une notoriété qui explique son envoi en 1823 comme représentant de l'Assemblée législative du Bas-Canada à Londres, aux cotés d'un certain Louis-Joseph Papineau. Il sera à nouveau choisi en 1838 avec Cuvillier et Viger pour retourner à Londres défendre les demandes de réformes que le Parti Patriote tente de faire adopter. Il est alors vu comme proche de Papineau, qui le couvre de compliments public.

En juin 1828, il comparait ainsi devant le comité des Communes chargé des affaires du Bas-Canada, ce qui nous a laissé un précieux témoignage de sa pensée politique. On peut y comprendre les fondements de son engagement idéologique auprès des Patriotes ainsi que sa future opposition à son parti:

  • Nécessité de remettre toutes les recettes de la province dans les mains de l’Assemblée
  • Nécessité d'un vote annuel sur le budget, article par article
  • Dénonciation de la relation de dépendance trop forte entre le Conseil législatif et le gouverneur ainsi que le Conseil exécutif, d’où la paralysie du Parlement
  • Critique des dépenses non autorisées par l’Assemblée
  • Opposition aux abus et au recours à l'arbitraire de Lord Dalhousie, alors gouverneur du Bas-Canada
  • Condamnation de l’immixtion du Parlement britannique dans les affaires internes du Bas-Canada
  • Dénonciation des dangers de fraude avec l’établissement des bureaux d’enregistrement des terres, dont les règlements désavantagent les Canadiens non-éduqués
  • Défense des lois civiles françaises auxquelles sont attachés les Canadiens et spécifiquement de la tenure seigneuriale, qui leur assure un accès facile et gratuit à la terre,
  • Proposition d’une réforme du Conseil législatif  afin d'en faire un contre-pouvoir et non pas un soutien exclusif de la minorité anglophone
  • Défense de l’Église catholique.


Bref, Neilson défend l'esprit de l'Acte Constitutionnel et souhaite en améliorer l'application.

Rupture avec les Patriotes.


- Du moment qu'on attaque la Constitution, on donne libre cours aux passions populaires. John Neilson lors du débat des 92 Résolutions.

- Dans un temps, on a des convictions, dans un autre, on en a d'autres. Louis Hyppolite La Fonfaine lui répondant.

- Les 92 Résolutions? Vraies: 11. mêlées de faussetés: 6. Fausses: 16. Douteuses: 17. Ridicules: 12. Répétitives: 7. Très injurieuses: 14. Fausses et séditieuses: 4. Bonnes ou indifférentes: 5.2 Neilson classant les 92 résolutions dans son journal.


Or, alors que l'opposition entre le parti Patriote et le parti Bureaucrate monte, Neilson se détache peu à peu de son parti. Patriote modéré, il est fidèle à l'esprit de la constitution et se montre très opposé à sa remise en question graduelle par Papineau et aux valeurs républicaines qui prennent tranquillement racine dans le mouvement. Plusieurs historiens insistent également sur l'aspect national des débats: plus le débat se radicalise, plus les groupes tendent à se former sur la base de la langue[2]. Filteau dira même que : «Son esprit droit l'avait amené à épouser la cause canadienne plus par sympathie pour la cause de la réforme politique que pour la cause des opprimés. Il était incapable de comprendre le programme national des Patriotes. Les souffrances de ses alliés politiques lui étaient étrangères. Il les admettait mais ne les ressentait pas.[5]» La rupture officielle se fera lors du débat autour des 92 Résolutions. Opposé à leur critique de l'Acte Constitutionnel et révolté par leur opposition aux autorités coloniales, Neilson et quelques députés patriotes modérés se joignent aux voix du parti bureaucrate pour s'opposer au Parti Patriote. Il tente de rédiger un contre-projet plus modéré mais ne peut le faire adopter par une chambre majoritairement acquises aux idées contenues dans les Résolutions. Il se présente aux élections de 1834 en opposant à Papineau, avec qui les relations sont désormais exécrables[6], et est battu avec tous les anciens patriotes qui s'étaient opposés aux 92 Résolutions. Ne renonçant pas à faire entendre la voix de ce qu'il pense être la modération, il est nommé aux conseils exécutifs, ce qu'il refuse, et législatifs en 1837, s'attirant par le fait même la réputation d'un Chouayen, appellation infamante héritée de l'époque de la Nouvelle-France. Sa modération n'empêchera pas la violente répression qui s'abattra sur le Bas-Canada après les Rébellions ni l'Acte d'Union de 1840, duquel il sera un constant critique, toujours au nom de sa fidélité aux principes de l'Acte Constitutionnel. Il sera réélu à Québec en 1841 comme membre de l'Assemblée Législative du Canada-Uni et entrera au Conseil Législatif du Canada-Uni en 1844. Il décède le 1er février 1848 à Cap-Rouge, laissant une importante fortune à ses héritiers.

Écrits

  • Aux électeurs du comté de Quebec/To the Electors of the County of Quebec, 1820
  • Letter from L.J. Papineau and J. Neilson, Esqs., Addressed to His Majesty's Under Secretary of State on the Subject of the Proposed Union of the Provinces of Upper and Lower Canada., 1823 (en ligne)
  • Report of the Special Committee of the House of Assembly of Lower-Canada, on the Petitions Against the Road Laws and the Office of Grand-Voyer, 1830
  • Rapport du Comité spécial de la Chambre d'assemblée sur le Département du bureau de la poste dans la province du Bas-Canada, 1831
  • Report of the Commissioners Appointed under the Lower Canada Act, 4th William IV. cap. 10, to Visit the United States' Penitentiaries, 1835
  • First report. The Select Committee Appointed to Investigate and Report on the Outrages Alleged to Have Been Committed at the General Election in the Counties of Terrebonne, Montreal, Vaudreuil, Beauharnois, Chambly and Rouville, 1843

Archives

Notes

  1. Nadeau, Charles André, Le premier journal du Québec, Les Éditions Histoire Québec, (OCLC 962766359, lire en ligne)
  2. Filteau, Gérard., Histoire des patriotes, L'Aurore/Univers, tirage de 1980 (ISBN 2-89053-023-X et 978-2-89053-023-2, OCLC 8169557, lire en ligne), p. 243
  3. Dictionnaire Biographique du Canada, « John Neilson »
  4. Brown, Craig., Histoire générale du Canada., Édition sdu Boréal, (ISBN 2-89052-249-0 et 978-2-89052-249-7, OCLC 670372285, lire en ligne), p. 243
  5. Filteau, Gérard., Histoire des patriotes, L'Aurore/Univers, tirage de 1980 (ISBN 2-89053-023-X et 978-2-89053-023-2, OCLC 8169557, lire en ligne), p. 169
  6. Laporte, Gilles, 1961- auteur., Brève histoire des patriotes (ISBN 978-2-89448-817-1 et 2-89448-817-3, OCLC 910984979, lire en ligne), p. 51
  7. Fonds Famille Neilson (P192) et Fonds Imprimerie Neilson (P193) - Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Bibliographie

  • Sonia Chassé, Rita Girard-Wallot et Jean-Pierre Wallot. « Neilson, John », dans Dictionnaire biographique du Canada en ligne, University of Toronto et Université Laval, 2000
  • James Tomlinson. L'imprimerie Neilson, Montréal : Université de Montréal, 1972, 23 p.
  • Francis-Joseph Audet. « John Neilson », dans Mémoires de la société Royale du Canada. Troisième Série; Vol. XXII, Ottawa, 1928, p. 81-97

Voir aussi

Liens externes

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