Georges Cochevelou
Georges Cochevelou (Jord ou Jorj Kochevelou en breton), né le à Paris et mort le à Saint-Mandé, a exercé différents métiers dont celui de traducteur et dans ses loisirs, musicien, artisan et (son violon d'Ingres) luthier breton. Père d'Alan Stivell, il est responsable avec celui-ci, de la renaissance de la harpe celtique en Bretagne dans les années 1950.
Naissance | |
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Décès |
(à 85 ans) Saint-Mandé |
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Fanny Julienne Dobroushkess (d) |
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Biographie
Des parents émigrés à Paris
Georges (Lucien Pierre) Cochevelou naît le dans le 14e arrondissement de Paris, rue Vercingétorix[1]. Il perd son père François (né à Nouec Vihan en Gourin, employé des chemins de fer l'année de naissance de son fils) à l'âge de quatre ans. Sa mère, Anne-Marie-Eulalie Lintanff, dit Anna, était, elle, originaire de Pontivy[2]. Né à Paris, ils ne souhaitent pas que leur fils soit parisien et rentrent rapidement en pays vannetais pour le faire baptiser, en témoigne l'écrivain Yann Brekilien dans son livre dédié à Alan Stivell. Il est élevé quelques années par sa grand-mère maternelle à Moustoir-Ac. Il fait ses études à l'école de Pontivy, puis à celle de Saint-François-Xavier à Vannes et poursuit ses études au petit séminaire de Sainte-Anne-d'Auray. En 1907-1908, il est en classe de philosophie[3]. Membre de l'association des Anciens élèves du petit séminaire, il a toujours gardé des liens d'amitié avec ses derniers camarades de classe[4].
Émigration à son tour
À la fin de ses études, « il maîtrise aussi bien les langues et les sciences, que les travaux manuels, la musique et la peinture » comme l'écrit Alan dans son livre dédié à la « harpe bretonne ». Il vit en pays vannetais (Morbihan) jusqu'à la trentaine et parlait donc le breton vannetais. Il est mobilisé en 1914, blessé et fait prisonnier en Allemagne en 1917. A l'armistice, il se retrouve en Pologne, où il étudie le polonais et le russe. Il exercera ensuite différents métiers (banquier, gestionnaire, traducteur...). Mais ses véritables passions étaient artisanales et artistiques. Il fut primé au concours Lépine pour ses travaux éclectiques (l'astignomètre, un appareil ophtalmologique, par exemple), créa une lampe de salon (vendue par Lancel[5]), construit des meubles tel un vrai ébéniste (vernis au tampon, marqueterie), peignit des tableaux dans une technique originale « d'aquarelle à l'huile » sur des panneaux d'Isorel peints en blanc (exposition des indépendants à l'académie Raymond Duncan)[4].
La Bretagne n'était pas à l'époque son centre d'intérêt principal mais il suivait de loin les mouvances culturelles bretonnes, lisant La Bretagne à Paris et s'étant abonné à An Oaled. C'est probablement en lisant cette revue (articles sur les rassemblements du Gorsedd de Bretagne par exemple), et en correspondance avec Taldir Jaffrenou, que l'idée de construire une harpe celtique a germé dans sa tête au cours des années 30. Cette envie est sans doute renforcée par sa fréquentation entre 1930 et 1939 des milieux bretons de Paris (Ker-Vreiz) et lors de sa rencontre avec le harpiste classique et compositeur breton Jean-Marie Hamonic en Auvergne[6].
Il expose en 1928 au Salon des indépendants la toile Auray, pont puis l'année suivante la toile Le Val-André (la côte devant Nantoua)[7].
En temps de guerre, il forme une famille
Jord épouse le , à Colombes, Fanny-Julienne Dobroushkess, originaire des pays baltes d'où son père, Haim-Woulf Dobroushkess, tailleur de profession, avait émigré. De cette union naît Jean en . À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Georges a cinquante ans. Bien qu'ayant dépassé la limite d'âge de son grade (capitaine de réserve) et non mobilisable, il considéra de son devoir de répondre à l'appel et fut affecté à l'armée de l'Est à Épinal et à Saint-Dié. Sa femme et son fils le rejoignent au printemps 1940. Leur deuxième enfant Yves (Iffig en breton) naît le à Épinal, quelques jours avant l'offensive allemande. Début juin, l'armée de l'Est entame son repli. La famille entame un périple d'une semaine avant d'être accueillie dans une famille à Trentels (Lot-et-Garonne). Georges finit par trouver un emploi à Châtel-Guyon où la famille demeure jusqu'à l'automne 1945[8].
Le , c'est la naissance d'Alan Cochevelou. Peu de temps après, la famille s'installe à Paris. Il devient à cette époque traducteur (contractuel) d'anglais pour le compte du ministère des Finances où il réalise des traductions d'anglais, russe, polonais, espagnol. Fanny collabore au secrétariat de l'Union féminine civique et sociale, au 25 rue de Valois. Les Cochevelou vivent à cinq dans un petit appartement 20, boulevard de Belleville. Ils habitèrent ensuite au 3, rue de la Marne, puis à Vincennes[9]. Georges avait adopté des idées propres à une certaine bourgeoisie de droite, ne disposant pourtant que de revenus modestes : il lisait par exemple le journal L'Aurore[9]. Son épouse Fanny l'encouragea à reprendre contact avec sa famille demeurée en Bretagne, notamment ses cousins (doublement) germains Kergaravat, dont deux furent maires de Gourin : Jean-Louis et Alexis-Joseph.
Renaissance de la harpe bretonne
Progressivement, Georges s'intéresse donc à nouveau à la Bretagne et au mouvement breton, qu'il n'avait jamais complètement perdu de vue. Une de ses passions est l'ébénisterie puisqu'il fabrique des meubles et des instruments de musique. De plus il joue du piano, de la flûte traversière et du hautbois. Il cherche à récréer une harpe celtique, instrument oublié à la fin du Moyen Âge, à l'époque où le duché de Bretagne perd son indépendance. Il y pense de plus en plus sérieusement dans les années 1946-1951, multipliant rencontres et recherches documentaires, jusqu'à aboutir à la fabrication d'un prototype sur des plans personnels. À soixante-trois ans, il conjugue ambition, passion, perfectionnisme, pour ce travail qui commence en - le soir et les week-ends - et dure un an. Jusqu'à la concrétisation de son rêve au début des années 50, quinze années de maturation lui ont permis de faire naître une « harpe magique et parfaite[4] » selon son fils : « Pour ce qui est des instruments acoustiques, j'ai rarement trouvé une harpe qui puisse, au niveau sonorité, être comparée à la première de mon père[10] ». Il crée, en avril 1953, la « Telenn gentañ », un modèle de harpe équipée de cordes en nylon. Ce travail est l'aboutissement de diverses recherches et calculs.
Le son de cette harpe, ainsi que les différentes prestations et récitals de son fils Alan, créent un enthousiasme tel que la renaissance de l'instrument en Bretagne est acquise dès les années 50[11]. En 1959, il harmonise et arrange les morceaux du premier disque 45 tours de son fils Alan. Il en réalise une vingtaine d'exemplaires qui seront achetés par les cercles celtiques de Saint-Malo, Pontivy, Redon. En 1964, il crée un instrument inspiré de la harpe irlandaise du XVe siècle ou du XVIe siècle, équipée de cordes métalliques qui lui donnent une sonorité évoquant la guitare douze cordes ou la cithare.
Jord meurt le à Saint-Mandé (Val-de-Marne), alors que son fils Alan est en pleine gloire. En 1976, Alan lui dédie son album Trema'n Inis : Vers l'île. Sa femme décède le à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) à l'âge de cent deux ans[8]. Alan lui rend hommage avec la chanson Là-bas, là-bas sur l'album Explore en 2006. Tous deux reposent au cimetière de Gourin, comme ils l'avaient souhaité.
Notes et références
- Bourdelas 2012, p. 14
- Kaier ar Poher, p. 60
- Bourdelas 2012, p. 15
- Alan Stivell et Jean-Noël Verdier, Telenn, la harpe bretonne, Brest, Le Télégramme, , 160 p. (ISBN 2-84833-078-3)
- Lampe CE Cochevelou par les Établissements Lancel
- Alan Stivell, « Histoire de la renaissance de la harpe celtique », Musique bretonne, no 29, , p. 5 (lire en ligne)
- René Édouard-Joseph, Dictionnaire biographique des artistes contemporains, tome 1, A-E, Art & Édition, 1930, p. 305
- Bourdelas 2012, p. 19
- Bourdelas 2012, p. 22
- Dominique Le Guichaoua, « Alan Stivell Entretien à dizaine... », Trad Magazine, no 62, , p. 7
- « Histoire de la renaissance de la harpe celtique en Bretagne », Paroles & musique n°27, fev. 1983
Bibliographie
- Laurent Bourdelas, Alan Stivell, Le Télégramme, , 336 p. (ISBN 978-2-84833-274-1 et 2-84833-274-3)
- Goulven Péron, « Les Cochevelou et la renaissance de la musique celtique », Kaier ar Poher (Cahier du Poher), no 29, , p. 60-65 (lire en ligne)
Liens externes
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