Shuadit

Le shuadit ou chouadit (hébreu : שואדית šu'adit), également appelé judéo-provençal, judéo-comtadin ou hébraïco-comtadin, est une langue morte appartenant à la famille de la langue d'oc, anciennement utilisée par les Juifs de ce qui est aujourd'hui le Sud de la France.

Shuadit ou Chouadit
שואדית
Extinction en 1977 avec la mort d'Armand Lunel
Pays France
Région Provence, Comtat Venaissin
Classification par famille
Codes de langue
IETF sdt
ISO 639-3 sdt
Étendue individuelle
Type éteinte

Historique

Le premier texte connu écrit dans cette langue provient du rabbin Isaac ben Abba Mari de Marseille dans son œuvre Ittur, écrite entre 1170 et 1193[1]. Les œuvres les plus célèbres sont un poème sur la Reine Esther ainsi qu’un livre de prières dont les bénédictions du matin pour les femmes sont d'une teneur peu commune.[réf. nécessaire]

Cette langue commença à décliner du fait de l’Inquisition mais aussi par l’émancipation des Juifs dans les suites de la Révolution française, éparpillant dans tout le territoire français les communautés juives réfugiées jusque-là dans les carrières du Comtat Venaissin[2].

Le dernier locuteur connu, l'écrivain Armand Lunel, est décédé en 1977.

L'origine et le développement du chouadit sont sujets à plusieurs hypothèses : soit il provient d'une altération du latin par la communauté juive de la province romaine de la Narbonnaise, soit il tire son origine d'une forme de judéo-latin antérieur. Une troisième hypothèse formulée par D.S. Blondheim et M. Banitt suggère qu'il s'agit d'une langue développée sous l'influence des exégèses des Écoles de Narbonne tels Abraham ibn Ezra, Joseph, Moïse et David Kimhi au XIIe siècle.

Traits linguistiques

À l'instar des autres langues juives comme le ladino, le judeo-arabe, le yévanique ou le yiddish, le chouadit résulte du mélange d’un lexique hébraïque à une ou plusieurs autres langues, ici l'occitan provençal.

Dans sa forme orale, le shuadit était reconnu non réellement distinct du provençal, qui incorporait lui aussi au substrat occitan un lexique similaire d'origine hébraïque, la communauté juive étant encore importante à l'époque dans la région du Comtat Venaissin avant son annexion par la France, et mêlée au reste de la population provençale ; la plus grande différence résidait alors dans la forme écrite puisque le provençal utilise l'alphabet latin mais le shuadit s'écrit dans l'alphabet hébreu modifié ; dans certains cas la forme écrite en alphabet hébreu pouvait influencer une prononciation différente lors de la lecture, comme le fait aussi la forme écrite du provençal en alphabet latin.

Il en existe, à l’instar du judéo-espagnol, une version parlée (encore persistante avec le provençal) et une version littéraire (maintenant éteinte), écrite en alphabet hébreu.

Le chouadit montre une série de caractéristiques uniques parmi les langues juives :

  • le /j/ est souvent transformé en /ʃ/ et le /h/ intervocalique est souvent élidé. L’un des exemples les plus connus est le nom chouadit lui-même, résultant de la prononciation du mot yehoudit (/jehudit/, le « juif » au sens de langue des Juifs en hébreu).
  • de même, dans les mots hérités de l’hébreu et du judéo-araméen, les lettres samekh, sin et tav se prononcent /θ/, puis /f/ sous l'influence de l'occitan.
  • enfin, les mots latins observent une diphtongaison des liquides /l/ et /ʎ/ en /j/, tandis que les phonèmes /ʃ/, /ʒ/, /tʃ/ et /dʒ/ se réduisent en un phonème unique /ʃ/. « Plus » devient ainsi pyus, « filho » feyo et « juge » chuche.

Les traits phonétiques du shuadit ne suffisaient pas à créer une réelle diglossie avec le provençal pour l'usage vernaculaire, les locuteurs passant aisément d'un accent à l'autre. Tout au plus certains choix lexicaux étaient différents selon les locuteurs et les sujets discutés. Ils concernaient davantage les termes religieux juifs dont la communauté chrétienne provençale n'avait que peu ou pas l'usage. Dans l'usage religieux des États pontificaux, la langue cérémoniale en usage était non pas le provençal vernaculaire mais encore le latin. Dans l'usage juif, la langue cérémoniale et des textes sacrés était non pas le shuadit vernaculaire mais l'hébreu (ou d'autres langues anciennes comme l'araméen pour certains textes lus par les érudits juifs). La différence est donc plus marquée dans le shuadit littéraire sur des sujets à caractère confessionnel et hors de l'usage cérémonial ou sacré.

[réf. nécessaire]

Références

  1. « Judeo-Provençal », Encyclopaedia Judaica, (lire en ligne)
  2. « iso639-3/sdt - Lexvo », sur www.lexvo.org (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • H. Guttel (1971), "Judeo-Provençal", Encyclopaedia Judaica, 10. pp.439-441.
  • R. Hirschler (1894), "Petit vocabulaire comprenant à peu près tous les mots et expressions judéo-provençales employés par les israélites dits comtadins avec étymologie", Calendrier à l'usage des israélites pour l'année religieuse 5655, Toulouse. pp.26-32.
  • P. Pansier (1925), "Une comédie en argot hébraïco-provençal de la fin du XVIIIe siècle", Revue des études juives n°81, pp.113-145.
  • Pedro d'Alcantara (Empereur Pierre II du Brésil) (1891), "Poésies hébraïco-provençales du rituel israélite comtadin", Avignon, Séguin Frères
  • Z. Szajkowski, Dos loshen fin di Yidn in Qomta-Venessen, éd. du YIVO, New York 1948.

Articles connexes

Liens externes

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