Ken Bugul

Ken Bugul, pseudonyme de Mariètou Mbaye Bileoma, née en 1947 à Malem-Hodar, dans la région de Kaffrine, est une femme de lettres sénégalaise. En wolof, Ken Bugul signifie « celle dont personne ne veut ».

Ken Bugul
Ken Bugul au Salon du livre de Paris en mars 2010
Nom de naissance Mariètou Mbaye
Naissance
Malem-Hodar (Sénégal)
Distinctions
Grand prix littéraire d'Afrique noire
Commandeur des Arts et des Lettres de la République Française
Auteur
Langue d’écriture français
Genres
romans

Biographie

Ken Bugul est issue d'une famille nombreuse. Étant dernière de la famille avec un père âgé de 85 ans à sa naissance, Ken Bugul s'est considérée comme exclue de sa famille. Elle a vécu plusieurs péripéties dans sa vie et une carrière de fonctionnaire internationale[1] avant de se marier à l'âge de 40 ans environ à un médecin béninois. De ce mariage est née une fille Yasmina Ndella Adebo Biléoma. Ken Bugul a vécu à Porto-Novo, au Bénin, où elle se consacrait à l'écriture et gérait un centre de promotion d'objets d'art et d'artisanat[2]. Du 1er juillet au , Ken Bugul est invitée comme 14e Writer in Residence à Zurich. Depuis 2010, la maison de la littérature de Zurich (Literaturhaus Zürich) et la Fondation PWG invitent deux fois par an des auteurs internationaux à Zurich au but de permettre aux auteurs de travailler/écrire dans un espace libre et calme.

Enfance

Ken Bugul est née en 1947 dans un village isolé du Sénégal, qui était encore une colonie française à l’époque. Lorsqu’elle était âgée de 5 ans, sa mère l’a abandonnée pendant un an pour vivre dans un autre village afin que ses frères puissent aller à l’école. Cet abandon est un déchirement qu’elle rapporte comme étant à l’origine de son besoin d’écrire tel un questionnement qui ne pouvait trouver de réponses que dans l’écriture. Elle fait allusion à ce traumatisme dans plusieurs de ses romans, notamment dans De l’Autre Côté du Regard. Durant l'absence de sa mère, elle reste auprès de son père qui est alors âgé de 85 ans. Polygame, il a plusieurs épouses et elle se trouve ainsi plus jeune que tous ses neveux et nièces. Tout le monde l’appelle grand-père et elle finit par faire de même. Elle découvre par la suite l’école en « auditrice libre » en traversant la rue qui sépare sa maison d’un établissement scolaire afin de se glisser au fond de la classe, et d’écouter. Toutefois, cette expérience d’ouverture sur le monde provoque un nouveau déchirement : elle se retrouve en décalage avec ses sœurs et sa mère qui, dans cette famille traditionnelle, n’ont pas eu accès à l’éducation comme elle. De plus, elle déplore fréquemment cette déstabilisation du fait d’apprendre l’histoire stéréotypée de « ses ancêtres les gaulois » qui lui ont donné un goût prononcé pour l’Europe et le rêve illusoire de l’Occident[3].

Jeunesse en Europe

Après avoir poursuivi ses études secondaires au lycée Malick Sy de Thiès, elle réussit brillamment son entrée à l’Université de Dakar où elle passe une année. De là, elle obtient une bourse d’études pour la Belgique en 1971. C’est alors la rencontre avec la haute bourgeoisie : elle y découvre de nouvelles idéologies, des réflexions sur les libertés, des espaces culturels et l’art moderne mais également la drogue et l’alcool, le racisme, l’exclusion, et la prostitution par recherche affective. Elle retrace cette période de trouble et de chaos intérieur dans Le Baobab Fou.

En 1973, elle rentre brièvement au Sénégal où elle décroche une bourse d’études pour suivre une formation à l’Institut National de l’Audiovisuel de Paris. Là-bas, elle rencontre l’amour avec un homme marié raciste qui la maltraite physiquement et psychologiquement, elle finit par faire une tentative de suicide. Ce cauchemar durera 5 ans. Elle raconte son enfer dans le roman Cendres et Braises[4],[5].

Retour en Afrique

En 1981, Ken Bugul ressent le besoin de retrouver ses origines. Elle rentre au Sénégal. Cependant, c’est une nouvelle expérience douloureuse et déchirante. Son voyage en Occident est perçu comme un échec dans son village car elle en revient sans argent, sans mari et en mauvais état psychologiquement. Les gens de son village la pensent folle et sa propre famille la cache. Sa vie bascule lorsqu’elle rencontre un serigne érudit avec qui elle se lie d’abord spirituellement, intellectuellement et psychologiquement. Par la suite, elle devient sa vingt-huitième épouse. En prenant part à la polygamie traditionnelle chez elle, elle renoue avec ses origines, retrouve une place dans la société et se réapproprie un statut de femme respectée. Cette expérience apaisée de la polygamie, elle la raconte dans un roman intitulé Riwan ou le Chemin de Sable qui fait débat et bouscule les idées reçues de l’Occident sur la condition des co-épouses et sur la possibilité d’une alliance sereine entre traditions africaines et féminisme[5].

La vie qu’elle mène après la mort de son époux continue d’être très remplie mais se maintient dans une certaine sérénité. Elle rencontre un médecin béninois avec qui elle se marie et donne naissance à une fille, Yasmina. Elle se réconcilie avec sa mère peu avant que cette dernière décède en 1985. Elle est recrutée par une ONG internationale au sein de laquelle elle s’investit dans la protection maternelle et infantile. Son mari décède et elle décide alors de cesser ses activités publiques. Elle vit principalement dans leur maison familiale au Bénin, à Porto Novo, où elle continue d’écrire et publie ainsi La Folie et la Mort et De l’Autre Côté du Regard. Elle associe son écriture à un besoin thérapeutique. Parallèlement, elle anime des ateliers d’écriture en Guinée et au Sénégal, pour des élèves, des chômeurs et en France pour des détenus. [6]

Ses douloureuses expériences et son travail d'écriture régulièrement loué, la mènent sur la voie de l'acceptation et de l'apaisement : « La vie, c’est une bonne dose de folie et beaucoup d’humilité, dit-elle simplement. La folie n’est pas négative. Elle permet de se libérer. L’humilité est essentielle. Être humble, c’est être attentif au monde, à ce qui nous entoure. Et garder tous ses sens en éveil[4]. »

Expériences professionnelles

De 1983 à 1993 : Ken Bugul, installée successivement à Dakar (Sénégal), à Nairobi (Kenya), à Brazzaville (Congo) et à Lomé (Togo), est fonctionnaire chargée de programmes dans la région Afrique d’une organisation non gouvernementale internationale. Elle s’occupe de programmes et de projets de planification familiale, d’éducation à la vie familiale et de développement des femmes.

À partir de 1993, Ken Bugul se consacre entièrement à l’écriture de romans[7], tout en continuant d’animer des ateliers d’écriture. 

Langue d'écriture

Les livres de Ken Bugul sont tous rédigés en langue française puisque c'est la langue dans laquelle elle a été scolarisée. Elle ne questionne pas son identité par rapport à sa langue. Jusqu’alors, écrire en wolof ne l’a pas tentée car, selon elle, cela ne lui permettrait pas de toucher davantage de lecteurs puisqu'au Sénégal, il y a plusieurs langues dites nationales. De fait, elle souhaiterait plutôt que des ouvrages africains soient traduits en langues africaines et adaptés au cinéma ou au théâtre afin d'élargir son lectorat aux personnes analphabètes[8].

Œuvres

  • 1984 : Le Baobab fou
  • 1994 : Cendres et Braises
  • 1999 : Riwan ou le Chemin de Sable, Grand prix littéraire d'Afrique noire[9].
  • 2000 : La Folie et la Mort
  • 2003 : De l'autre côté du regard
  • 2005 : Rue Félix-Faure
  • 2006 : La Pièce d'or
  • 2008 : Mes hommes à moi
  • 2014 : Aller et Retour
  • 2014 : Cacophonie
  • 2022 : Le Trio Bleu

Œuvres traduites

  • Le Baobab fou :
    • The Abandoned Baobab (États-Unis)
    • Die Nacht des Baobab : Unionsverlag (Suisse)
    • Die Gekke Baobab (Pays-Bas)
    • El Baobab que Enloquecio (Espagne)
  • Riwan ou le Chemin de sable :
    • Riwan o el camino de Arena (Espagne)
    • La ventottesima Moglie (Italie)
    • Rivan oder der Sandweg (Allemagne)
    • Riwaan ali Peščena pot (Slovénie)

Traduction en serbe

  • La Folie et La Mort 
    • El Cobre : La Locura y la Muerte (Espagne)
  • De l’autre côté du regard :
    • Dall’altra parte del cielo (Italie)
    • Éditions PIW (Pologne)
  • Rue Félix Faure :
    • Édition PIW (Pologne)
  • La Pièce d’or :
    • Castoldi Baldini Dalaï: La Moneta d’Oro (Italie)

Notes et références

  1. « Les grands auteurs africains de langue française », Afrique contemporaine, 1/2012 (n° 241), p. 116-117, en ligne, DOI:10.3917/afco.241.0116
  2. « Elle est retournée au Sénégal et vit à Dakar. À la rencontre de Ken Bugul, romancière sénégalaise » in L'Union, 22 novembre 2009
  3. « Ken Bugul Personne n'en veut », sur kenbugulfilm.com
  4. « Ken Bugul : l’écriture et la vie – JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
  5. Séverine Kodjo-Grandvau, « Dix femmes qui pensent l’Afrique et le monde », Le Monde, (lire en ligne)
  6. « Ken Bugul | intertitres », sur defilenexil.wordpress.com (consulté le )
  7. « Ken Bugul », sur Africultures
  8. « KEN BUGUL - Un pseudonyme puissant pour une auteure qui l’est tout autant », sur lepetitjournal.com (consulté le )
  9. Grand prix littéraire de l'Afrique noire. Liste des lauréats, [lire en ligne], consulté le 14 avril 2016

Voir aussi

en français

  • Christian Ahihou, Ken Bugul. La langue littéraire, L'Harmattan, Paris, 2013, 156 p. (ISBN 9782336293134)
  • Ajoke Mimiko Bestman, « Le womanisme et la dialectique d’être femme et noire dans les romans de Ken Bugul et Gisèle Hountondji », Littérature, Langues et Linguistique, vol. 2, no 2, 2014, [lire en ligne]
  • Carine Bourget et Irène Assiba d'Almeida, « Entretien avec Ken Bugul », French Review – Champaign, 2003, vol. 77, part 2, p. 352-363
  • Elodie Carine TANG, Le roman féminin francophone de la migration: émergence et identité, Paris, France, l’Harmattan, 2015.
  • Emmanuel TCHOFFOGUEU et Romuald FONKOUA, Les Romancières africaines à l’épreuve l’invention de la femme : essai d’analyse du nouveau discours romanesque africain au féminin (Calixte Beyale, Ken Bugul, Malika Mokeddem), Strasbourg, France, Université de Strasbourg, 2009.  
  • Fabrice Hervieu-Wane, « Ken Bugul. Liberté, elle écrit son nom », dans Dakar l'insoumise, Éditions Autrement, Paris, 2008, p. 18-23
  • Frédérique DONOVAN, La lettre, le théâtral et les femmes dans la fiction d’aujourd’hui, Ken Bugul, Marie Ndiaye et Pascale Rose, l’Harmattan, 2013
  • Immaculada Diaz Narbona, « Une lecture à rebrousse-temps de l'œuvre de Ken Bugul: critique féministe, critique africaniste », Études françaises (Montréal), 2001, vol. 37, no 2, p. 115-132
  • C. Mazauric, « Fictions de soi dans la maison de l'autre (Aminata Sow Fall, Ken Bugul, Fatou Diome) », Dalhousie French Studies, 2006, vol. 74-75, p. 237-252
  • Mahougnon Kapko, Créations burlesques et déconstruction chez Ken Bugul, Cotonou, Éditions des Diasporas, 2001, 76 p. (ISBN 9991992804)
  • V. Thorin, « Ken Bugul et Alain Mabanckou distingués », Jeune Afrique, 1999, no 2030, p. 12
  • Danielle VALLA K. KWENTE, "Récit de soi et latence langagière dans Mes hommes à moi de Ken Bugul", USA, American Research Institute for Policy Development, ( IJLL), 2019, vol. 7, n°1, p.114-120.

en anglais

  • (en) Faustine Boateng, At the Crossroads: Adolescence in the Novels of Mariama Bâ, Aminata Sow Fall, Ken Bugul and Khadi Fall, Howard University,
  • (en) Ayo Abiétou Coli, « Autobiography or Autojustification: Reading Ken Bugul’s "Le Baobab fou" », The Literary Griot, 1988, n° 11.2, p. 56-69*(en) S. Edwin, « African Muslim Communities in Diaspora: The Quest for a Muslim Space in Ken Bugul's "Le Baobab fou" », Research in African Literatures, 2004, vol. 35, part 4, p. 75-90
  • (en) Jeanne-Sarah de Larquie, Emerging Perspectives on Ken Bugul: From Alternative Choices to Oppositional Practices, Africa Research & Publications, 2009, 388 p. (ISBN 978-1592216734)
  • (en) M. Mielly, « Filling the Continental Split: Ken Bugul’s Le Baobab fou and Sylvia Molloy’s En Brève carcel », Comparative Literature, 2000, n° 54.1, p. 42-57
  • (en) E. Mudimbe-Boyi (et al.), « The poetics of exile and errancy in “Le Baobab fou” by Ken Bugul and “Ti Jean L'Horizon” by Simone Schwarz-Bart: Poetics of the archipelago: transatlantic passages », Yale French Studies, 1993, n° 83, p. 196-212
  • (en) Susan Stringer, « Innovation in Ken Bugul’s "Le Baobab Fou" », Cincinnati Romance Review, 1991, no 10, p. 200-207

Filmographie

  • Ken Bugul, court métrage de Seynabou Sarr, 2000, 13'
  • Interview dans La Grande Librairie à Dakar, émission spéciale de la Semaine de la langue française, diffusée sur France 5 le
  • VOSER Silvia, Ken Bugul Personne n'en veut, documentaire, Waka Films SA, 2013, 62'

Articles connexes

Liens externes

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