Kumari (déesse)
Une Kumari est une jeune fille vénérée comme une déesse vivante au Népal, dans les traditions hindou et bouddhiste [1]. Il existe plusieurs déesses vivantes dans la vallée de Katmandou, la Kumari Devi, ou Kumari royale, restant la plus importante. Elle vit au Kumari Ghar, un palais a Katmandou.
La tradition des Kumaris (vierges, jeunes filles prépubères en français) date du 17e siècle bien que ses origines remontent à au moins deux mille ans [2] . La vénération de l'incarnation vivante de la déesse Taleju (elle même incarnation de la déesse Durga) est très ancrée dans la culture moderne du Népal.
La sélection et les critères
Des petites filles issues de familles bouddhistes sont choisies, dès l'âge de trois ans, parmi des milliers de candidates par un comité de prêtres bouddhistes. Elles doivent répondre à trente-deux critères[3] :
- Avoir le corps en forme de feuille de saptacchata
- Avoir le corps proportionné comme un nyagrodha (figuier des banians)
- Avoir un corps robuste
- Avoir un corps pur
- Avoir une belle ombre
- Avoir une ombre dorée
- Avoir les pores de la peau bien délimités
- Avoir la voix grave comme celle d'un moineau
- Avoir les cheveux raides et tournés vers la droite
- Avoir les cheveux noirs
- Avoir le front large et proportionné
- Avoir la tête ronde
- Avoir les yeux noirs
- Avoir les cils comme ceux d'une vache
- Avoir les joues comme un lion
- Avoir 40 dents
- Avoir les dents proportionnées
- Avoir les dents blanches
- Avoir une langue petite et proportionnée
- Avoir une langue humide
- Avoir le cou comme une conque
- Avoir les épaules rondes
- Avoir la poitrine comme celle d'un lion
- Avoir le nombril rebondi comme celui d'un singe
- Avoir de longs bras
- Avoir les organes sexuels enfoncés dans le bassin
- Avoir des cuisses comme celles d'un daim
- Avoir les pieds et les mains comme un canard
- Avoir les pieds et les mains doux et délicats
- Avoir des pieds proportionnés
- Avoir une ligne sous la plante des pieds en forme de cercle
- Avoir des talons proportionnés
- Avoir de longs orteils
Chacune d'entre elles est sélectionnée au moment où elle perd sa première dent de lait et doit démissionner le jour où elle perd sa première goutte de sang, la plupart du temps le jour de ses premières règles, pour revenir à la vie normale.
Les traditions autour des Kumaris
Ces jeunes filles doivent respecter différentes traditions en rapport avec leur statut. Elles ne doivent pas marcher sur le sol, considéré comme impur [4], ne doivent s'habiller que de rouge, symbole des déesses, et porter toujours une parure constituée du collier du cobra (symbole) et d'un trait au khôl noir, qui selon la tradition, éloignerait les démons. Le moindre de leurs gestes est observé et analysé, de sorte qu'elles ne montrent que très rarement leurs émotions. Un sourire, ou des pleurs sont considérés comme de mauvais présages.
Chaque année en septembre, lors du festival Indra Jatra, les jeunes déesses participent à un rituel au cours duquel elles donnent au monarque régnant le pouvoir de gouverner pour l'année entière.
La vie habituelle des Kumaris
Le matin, lorsque la Kumari se réveille, des kumarimis (des serviteurs) accourent à son chevet pour lui demander ce qu'elle veut manger. À part les nourritures interdites par la religion, elle choisit ce qu'elle veut.
Après son déjeuner, elle se prélasse dans une eau parfumée avec des pétales de rose pendant que les kumarimis lui frottent le corps. Une fois séchée, elle est longuement massée avec des onguents et des huiles sacrés puis habillée et maquillée. Elle va ensuite se coiffer. Lors du maquillage, une kumarimi lui trace une fine ligne jaune au-dessus des sourcils puis peint de rouge la partie supérieure pour ensuite y dessiner le troisième œil (signe de l'omniscience, attribut permettant la perception d'une autre réalité). Tout ceci fait, on la conduit dans une salle d'audience où un prêtre lui fait une offrande.
Le reste de la journée se passe dans une tranquillité absolue.
Le retour à la vie ordinaire
Dès qu'elles atteignent l'âge de la puberté, c'est-à-dire leurs premières règles, elles ne sont plus considérées comme des déesses vivantes et doivent revenir à une vie normale. Ce retour est généralement extrêmement difficile, puisqu'elles ont été adorées et servies pendant des années. La plupart n'ont jamais mis de chaussures, leurs pieds ne devant pas fouler le sol impur.
Certaines sont devenues folles de ne plus être adorées et la plupart finissent dans la rue, voulant échapper à leur famille et à la pitié ou à l'adoration qu'elles inspirent.
Jusqu'à il y a quelques années, elles n'allaient pas à l'école. Depuis peu, grâce à l'action de différentes associations œuvrant pour la défense des droits de l'homme, elles bénéficient d'une éducation pendant leur "règne"[5].
L'État leur verse une allocation de l'ordre de 14 000 euros pour « service rendu à l’État ».
Néanmoins, elles trouvent rarement un compagnon. En effet, une légende raconte que se marier avec une kumari entraînerait la mort dans l'année qui suit.
Notes
- (en) « Kumari (goddess) », dans Wikipedia, (lire en ligne)
- « Deepak Shimkhada: The Future of Nepal’s “Living” Goddess: Is Her Death Necessary? », sur www.asianart.com (consulté le )
- Audrey Ruel-Manseau et Sira Chayer, « Les Kumaris du Népal: déesses vivantes », La Presse, (lire en ligne, consulté le )
- (en-GB) Agence France-Presse, « Nepal's earthquake forces 'living goddess' to break decades of seclusion », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
- (en-GB) « Goddess status may violate girls' rights, says court », sur The Telegraph (consulté le )
Bibliographie
- Annelise Heurtier, Le carnet rouge, éditions Casterman, 2011
- Marie-Sophie Boulanger, Le regard de la Kumari, Presses de la Renaissance, Paris, 2001
- KATMANDOU 1969 - Fête de la petite déesse vivante. Double CD chez Frémeaux & Associés, 2009. Enregistrements : François Jouffa, 1969.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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